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- Qu'est-ce qu'il y a là-dessous ? fit-elle, en frappant de nouveau le parquet. C'est creux. Tu n'entends pas ?

Paul se souleva légèrement et rampa en avant. Il frappa le parquet du poing, puis passa l'ongle sur le bord du tapis, révélant ce qui semblait être le couvercle d'une cachette.

- Ne l'ouvre pas, dit Jeanne.

- Pourquoi pas ?

- Je ne sais pas. Ne l'ouvre pas.

Elle saisit le poignet de Paul.

- Comment ça ? fit-il. Il ne faut pas que je l'ouvre ?

Il l'observa, avec un intérêt grandissant. Il aurait pu facilement ouvrir la cachette, mais il préférait attendre. L'attente l'excitait.

- Attends, dit-il, libérant brusquement sa main. Il y a peut-être des bijoux là-dedans. Il y a peut-être de l'or.

Jeanne n'osait pas le regarder. Elle ne voulait pas qu'il ouvre le couvercle, mais elle répugnait à lui expliquer pourquoi.

- Tu as peur ? fit-il d'un ton railleur. Tu as toujours peur.

Il tendit de nouveau la main vers la lame de parquet.

- Non, dit-elle. Il y a peut-être des secrets de famille là-dedans.

Paul retira sa main.

- Des secrets de famille ? fit-il d'une voix étrangement soumise. Je vais te parler des secrets de famille.

Il lui saisit le cou d'une main et le bras de l'autre, et la força à s'allonger à plat ventre sur le parquet. Il éprouvait une colère déraisonnée en l'entendant parler de famille, cette grande institution morale, songea-t-il, divine et intouchable création, conçue pour engendrer la vertu chez les bons citoyens, tabernacle de toutes les vertus et, soit dit en passant, parangon de tout ce qu'il exécrait le plus au monde.

Jeanne se débattit faiblement.

- Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-elle, tandis qu'il glissait une main sous son corps et déboutonnait ses jeans.

- Je vais te parler de la famille, dit-il avec violence, tirant son pantalon jusqu'à la hauteur de ses genoux et dénudant ses fesses. De cette sainte institution, destinée à engendrer la vertu chez les sauvages.

Jeanne résistait en haletant. Paul l'immobilisa du poids de son corps, une main lui serrant la nuque. Un moment, il parut hésiter sur ce qu'il allait faire, puis il aperçut le petit paquet de beurre. Du pied, il l'approcha de lui.

- Je veux que tu répètes après moi, dit-il, en enfonçant dans le beurre les doigts de sa main libre.

Sans se presser, il l'appliqua sur son anus, la graissant, se dit-il, comme un porc qu'on prépare pour la broche. Ses doigts agissaient avec une brutale efficacité.

- Non et non, insista-t-elle, sans croire vraiment qu'il irait jusqu'au bout. Non !

Paul déboutonna son pantalon et s'en débarrassa. Il se mit à genoux, appuyant toujours sur la nuque de Jeanne, et poussa de force ses jambes entre les siennes. Jeanne sentit qu'on l'apprêtait pour l'assaut, et elle en éprouva de la terreur et un sentiment de totale impuissance.

- Maintenant, répète avec moi. Sainte famille... commença-t-il en lui écartant les fesses de ses doigts vigoureux. (Il était allongé sur elle, cherchant l'entrée). Allons, répète ! Sainte famille, église des bons citoyens...

- Église, cria-t-elle... des bons citoyens.

Elle se mit à hurler, le visage pressé contre les lames du parquet, fermant les yeux de toutes ses forces. La douleur était brusque et déchirante. Le sexe de Paul était devenu une arme.

- Répète ! ordonna-t-il, le souffle rauque. Les enfants sont torturés jusqu'à ce qu'ils disent leur premier mensonge...

- Les enfants...

Elle poussa un nouveau cri tandis qu'il s'enfonçait plus profondément en elle.

- Où la répression brise la volonté, dit-il, les mots sifflant entre ses dents.

- Où la répression brise...

Elle se mit à sangloter, et c'était autant d'humiliation que de douleur. Paul renouvela son assaut, son corps entraîné par un rythme pressant et qui allait s'accélérant.

- Où la liberté est assassinée...

- La liberté est...

- La liberté est assassinée par l'égoïsme.

Il enfonça les doigts dans sa chair, comme si elle risquait de s'évaporer et de le planter là. Il n'y avait plus moyen de lui échapper maintenant, de rien refuser, et les sanglots qui la secouaient ne semblaient que le pousser plus avant.

- Famille...

- Famille, répéta-t-elle, dans un long gémissement qui allait s'étouffant.

- Ta saloperie de bordel de famille, haleta-t-il, se crispant, ô mon Dieu, Seigneur !

Jeanne était coincée contre le parquet, totalement impuissante. Le spasme qui secouait Paul s'apaisa, mais il ne se retira pas. Il lui prit les cheveux d'une main et lui tourna la tête vers la cavité dans le parquet. De l'autre main, il souleva légèrement la lame.

- Ouvre ! lui dit-il.

- Pourquoi ? fit Jeanne entre deux sanglots.

Que pouvait-il vouloir de plus après cette ultime humiliation ?

- Ouvre ! dit-il.

Elle souleva le tapis, découvrant une cavité dans le plancher de la taille à peu près d'une brique. Elle était vide.

Paul se laissa rouler sur le côté et s'allongea, hors d'haleine, sur le plancher. Tous les orifices maintenant avaient été violés, tous étaient vides. Et son vide à lui, rien n'était venu le combler.

Lentement, Jeanne enfila ses jeans, étouffant ses sanglots, s'essuyant le nez sur le tissu rugueux de sa blouse paysanne. Elle aurait pu le quitter à l'instant même, mais elle avait le sentiment que son pouvoir à elle était en pleine ascension. Il n'avait pas le droit de la marquer ici - comme une esclave.

Elle passa dans le couloir pour aller chercher son tourne-disques et l'apporta dans le salon, où elle s'agenouilla pour l'ouvrir. Elle déroula le fil et, prenant la fiche, elle l'inséra dans la vieille prise aménagée dans le parquet. Des étincelles bleutées jaillirent aussitôt, et elle retira brusquement sa main sous le choc.

- Merde ! cria-t-elle.

Elle regarda Paul, qui semblait remis, un bras protégeant son visage. Jeanne se rappela tout d'un coup qu'elle ne savait pas son nom.

- Hé, toi là-bas ! cria-t-elle.

Il se tourna vers elle.

- Oui ? fit-il d'une voix un peu pâteuse.

- Une surprise pour toi.

- Quoi ?

Paul ne comprenait pas, et elle lui fit signe de s'approcher, faisant semblant de sourire.

- J'ai une surprise pour toi.

Paul se mit à genoux et reboutonna son pantalon.

- Tant mieux, dit-il. J'adore les surprises.

Il ne pensait déjà plus à ce qui venait de se passer : un temple de plus qu'il venait de profaner - et elle lui en voulut plus de cela que de l'acte lui-même. Elle avait envie de lui faire mal, d'électrocuter ce corps puissant, de voir ses forces s'en aller, de déceler chez lui une trace de souffrance physique. Elle avait à peine la patience d'attendre.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda Paul.

- De la musique, dit-elle, souriant toujours. Mais je ne sais pas comment le faire marcher.

Elle lui tendit le cordon et désigna la prise dans le parquet. Puis elle recula. Paul saisit la fiche et, sans hésitation l'enfonça vigoureusement dans la prise. Il y eut une gerbe d'étincelles et un crépitement, en même temps qu'il sursautait et lâchait le cordon.

- Ça t'amuse ? demanda-t-il, en se maîtrisant.

Jeanne n'était pas très sûre.

- Tu sais, dit-elle, il y a un chat qui s'est pris d'affection pour moi. Il ne vient que quand tu n'es pas là. Dès l'instant où tu seras parti, il arrivera. Il me regardera.

Elle avait les yeux pleins de larmes.

- C'est le chat qui te fait pleurer ? demanda-t-il, nullement ému.

- Je pleure parce que je savais que tu recevrais une décharge et que je n'ai rien dit. Je pleure à cause de ce que tu as fait. Je pleure parce que je n'en peux plus.