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— Très volontiers, mais pourrai-je la récupérer ensuite ?

— Bien sûr. Cela prendra un peu de temps, parce que nous devons procéder à certaines vérifications.

— C’est un peu gênant. J’en ai besoin pour faire les courses !

Elle fronça les sourcils avec irritation, comme si la police était responsable du vol. Elle ignorait visiblement que son vélo était lié à un meurtre. Si elle le savait, elle n’aurait probablement plus envie de s’en servir.

Kusanagi se demanda si elle oserait réclamer un dédommagement pour les pneus crevés.

Elle expliqua que sa bicyclette avait été dérobée la veille entre onze heures du matin et dix heures du soir. Elle avait retrouvé des amies dans le quartier de Ginza pour faire du shopping, avait dîné avec elles, et elle était revenue à la station de Shinozaki après vingt-deux heures. Elle avait été contrainte de rentrer en bus chez elle.

— Vous l’aviez laissée dans un parking à vélos ?

— Non, sur le trottoir.

— Elle était verrouillée ?

— Oui, j’avais attaché l’antivol à une barrière.

Kusanagi ne savait pas que la police l’avait retrouvé.

Les deux policiers qui voulaient voir l’endroit où le vol avait été commis l’emmenèrent en voiture à la station de Shinozaki.

— C’était à peu près ici, dit-elle en montrant un trottoir où étaient garées de nombreuses bicyclettes, à une vingtaine de mètres du supermarché en face de la station.

Kusanagi observa les alentours. Il y avait une banque, une librairie et d’autres commerces, l’endroit devait être très fréquenté pendant la journée et en début de soirée. Cisailler un antivol n’était pas difficile, mais le voleur avait probablement attendu qu’il y ait moins de monde.

Yoko Yamabe les accompagna ensuite au commissariat d’Edogawa pour qu’elle puisse voir la bicyclette.

— Je n’ai vraiment pas de chance. Un vélo que j’ai acheté il n’y a même pas un mois ! J’étais tellement furieuse quand j’ai vu qu’il avait disparu que je suis allée au poste de police avant de rentrer chez moi en bus ! s’exclama-t-elle assise sur la banquette arrière.

— Vous connaissiez son numéro d’immatriculation. C’est remarquable !

— Comme je ne l’ai pas depuis longtemps, je savais où était rangé le papier. J’ai téléphoné à ma fille, et elle me l’a communiqué.

— Je comprends mieux.

— Vous ne voulez pas me dire ce qui s’est passé ? La personne qui a appelé m’a fourni très peu d’explications, et je ne cesse de me poser des questions depuis tout à l’heure.

— Nous ne le savons pas encore exactement nous-mêmes, et nous ne pouvons pas vous donner plus de détails.

— Ah bon ! Vous en êtes sûrs ? Décidément, les policiers ne sont pas bavards !

Assis à côté de Kusanagi, Kishitani se retenait de rire. Son collègue, lui, se félicitait d’avoir pu parler à cette femme aujourd’hui. Elle n’aurait pas manqué de les assaillir de questions si elle avait su de quoi il retournait.

En voyant le vélo, Yoko Yamabe confirma que c’était le sien. Après avoir constaté qu’il avait les pneus crevés et que le cadre était éraflé, elle demanda à Kusanagi à qui elle devait s’adresser pour être dédommagée.

Plusieurs empreintes digitales avaient été relevées sur le guidon, le cadre et la selle.

Des vêtements, un blouson, un pull, des chaussettes et des sous-vêtements qui devaient appartenir à la victimes avaient été trouvés à une centaine de mètres du corps. A moitié brûlés, ils étaient dans un bidon métallique. Les enquêteurs en conclurent que le meurtrier y avait mis le feu et s’était éloigné sans attendre qu’ils se consument complètement.

Tous les effets de la victime venaient visiblement de la grande distribution et personne n’envisagea de se tourner vers leurs fabricants. Les informations qu’ils fournissaient sur la taille et la corpulence de la victime permirent cependant de dresser son portrait-robot au moment de sa disparition. Les policiers qui s’en servirent pour enquêter aux abords de la station ne recueillirent néanmoins aucune information intéressante, peut-être parce que la victime était habillée d’une manière qui n’attirait nullement l’attention.

La diffusion de l’image pendant les bulletins d’informations télévisées suscita de nombreux appels ; aucun ne put être lié au cadavre découvert au bord de la Kyu-Edogawa.

Les enquêteurs passèrent aussi au crible toutes les personnes pour lesquelles il existait des avis de recherche, sans résultat.

L’étape suivante de leur enquête, vérifier si aucun homme seul hébergé dans un des hôtels et des auberges de l’arrondissement d’Edogawa et des alentours n’avait soudainement disparu, fut plus fructueuse.

Il s’agissait d’une pension du nom de Tobiraya, sise dans le quartier de Kameido. L’occupant d’une des chambres n’avait plus été vu depuis le 11 mars, date de la découverte du corps. Comme il n’avait pas libéré sa chambre à l’heure convenue, un employé y était allé. Le client n’y était pas, mais il y avait laissé quelques affaires personnelles. Le gérant de la pension n’avait pas prévenu la police parce que le client avait payé sa chambre d’avance.

Les empreintes digitales et les cheveux qu’on y trouva concordaient avec ceux de la victime. Par ailleurs, des empreintes relevées sur la bicyclette correspondaient à celles de la chambre et des affaires personnelles.

Le registre de la pension indiquait que le client s’appelait Shinji Togashi, domicilié à Nishi-Shinjuku, dans l’arrondissement de Shinjuku.

4

En sortant de la station Morishita, les deux hommes marchèrent en direction du pont Shin-Ohashi mais ils tournèrent à droite dans une rue étroite avant d’y arriver. Elle était bordée de petites maisons et d’immeubles, avec quelques boutiques à l’ancienne. Nombreux sont les quartiers où les supermarchés et les grandes surfaces les ont éliminées, mais ici, ils font de la résistance, pensa Kusanagi qui y vit une manifestation du caractère des quartiers populaires de Tokyo.

Il était un peu après vingt heures. L’inspecteur et son collègue croisèrent une vieille femme qui portait une bassine en plastique sous le bras, signe qu’il existait un bain public à proximité.

— Le métro n’est pas loin, il y a des magasins, ce doit être plaisant d’habiter par ici, murmura Kishitani.

— Où veux-tu en venir ?

— Nulle part. Le quartier me semble un bon endroit pour une femme qui vit seule avec sa fille.

— Je vois.

Deux raisons expliquaient l’assentiment de Kusanagi. Son collègue et lui étaient sur le point de rendre visite à une femme qui vivait seule avec sa fille, et Kishitani avait été élevé dans une famille monoparentale.

Kusanagi lisait les numéros cadastraux affichés sur les poteaux électriques pour s’assurer qu’ils étaient dans la bonne direction. Leur destination, l’immeuble où habitait une certaine Yasuko Hanaoka dont il avait noté le nom dans son carnet, était proche.

L’adresse inscrite par Shinji Togashi dans le registre de la pension n’était pas fantaisiste. Il n’y habitait plus mais elle correspondait à sa dernière adresse connue.

Les journaux et la télévision avaient annoncé que le corps découvert au bord de la Kyu-Edogawa avait été identifié, en invitant les personnes qui connaissaient la victime à contacter le commissariat le plus proche. Cela n’avait pas permis de rassembler des informations utiles.

Grâce au dossier rempli par Togashi dans l’agence immobilière par laquelle il était passé pour louer son appartement de Nishi-Shinjuku, la police connaissait le nom de son dernier employeur, un vendeur de voitures d’occasion du quartier d’Ogikubo. Togashi y avait travaillé à peine un an.