Выбрать главу

— Très bien. Cette personne est liée à votre enquête ?

— Il est trop tôt pour le dire. Nous procédons à des vérifications.

— Ce monsieur a à voir avec Mme Hanaoka ?

— Oui, enfin… Kusanagi hésita, montrant qu’il n’avait pas envie d’en dire plus. A propos, j’ai appris que vous êtes allé chez Bententei avec Yukawa.

Ishigami regarda l’inspecteur. Cette nouvelle l’avait pris au dépourvu et il cherchait que répondre.

— Nous vous avons vus l’autre jour par hasard. Comme je travaillais, je ne vous ai pas adressé la parole.

Ishigami en déduisit que Bententei était sous surveillance.

— Yukawa tenait à goûter à leur cuisine. Je l’y ai accompagné.

— Pourquoi voulait-il y aller ? Des boîtes-repas, on peut en acheter partout.

— Je ne saurais vous dire. Vous n’avez qu’à lui poser la question. Je l’y ai emmené parce qu’il me l’a demandé.

— Il ne vous a rien dit à propos de cette femme ou du crime ?

— Si, puisqu’il m’a sondé au sujet d’une possible collaboration avec vous…

Kusanagi secoua la tête de côté.

— Rien d’autre, je veux dire. Je ne sais pas s’il vous en a touché un mot, mais il me donne souvent de très bons conseils pour mon travail. Il excelle dans son domaine, la physique, et il a aussi un don pour l’investigation. Je me demandais s’il vous avait fait part de ses suppositions au sujet de cette affaire.

Ishigami éprouva un léger trouble en l’entendant. Si les deux hommes se voyaient souvent, ils avaient dû échanger des informations au sujet du meurtre. Mais alors, pourquoi le policier lui posait-il cette question ?

— Non, je ne vois rien d’autre.

Ishigami avait conclu que c’était la seule réponse possible.

— Très bien. Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé.

Kusanagi le salua d’un mouvement de tête et revint sur ses pas. Ishigami le regarda s’éloigner en ressentant une inquiétude indéfinissable.

Elle ressemblait à celle qu’il éprouvait lorsqu’une formule qu’il croyait parfaite se déformait graduellement en une inconnue.

11

Kusanagi quitta la station de Shinozaki et sortit son portable de sa poche. Il sélectionna le nom de Yukawa dans la liste des numéros en mémoire, et appuya sur la touche appel. Le téléphone collé à l’oreille, il regarda les alentours. Bien que ce fût une heure creuse, quinze heures trente, il y avait du monde autour de lui. Le parking à vélos devant le supermarché était aussi rempli que l’autre jour.

La communication était sur le point d’être établie. Il attendit la sonnerie.

Il interrompit l’appel car il avait vu le physicien.

Assis sur le garde-fou du trottoir devant la librairie, Yukawa mangeait un cornet de glace. Vêtu d’un pantalon blanc et d’un tee-shirt noir, il portait de petites lunettes de soleil.

Kusanagi traversa la rue et vint se placer derrière lui à son insu. Son ami observait apparemment les abords du supermarché.

— Professeur Galilée !

Il avait pensé lui faire peur mais la réaction de son ami fut moins vive que prévu. Il tourna lentement la tête vers lui, comme au ralenti, sans cesser de lécher sa glace.

— Tu as du nez ! Je comprends mieux pourquoi on parle du flair des policiers, répondit-il, le visage presque impassible.

— Tu peux me dire ce que tu fais ici ? Et s’il te plaît, ne me réponds pas que tu manges une glace.

Yukawa se força à rire.

— C’est une question que je devrais peut-être te poser, mais j’en connais la réponse. Tu es ici parce que tu me cherches. Enfin, peut-être devrais-je dire que tu es venu parce que tu veux savoir ce que j’y fais.

— Si tu sais tout cela, réponds à ma question. Que fais-tu ici ?

— Je t’attendais.

— Tu m’attendais ? Tu te moques de moi ?

— Non, je suis tout à fait sérieux. Je viens d’appeler mon laboratoire. Un étudiant m’a dit que tu me cherchais. Tu y es passé hier soir, non ? Donc je me suis dit que si je restais ici, tu ne tarderais pas à te montrer. Parce que l’étudiant t’a dit que j’étais probablement ici.

Yukawa avait raison. Kusanagi était passé dans le laboratoire de son ami, où il avait appris que, comme la veille, le physicien était sorti. Il avait pensé à Shinozaki à cause de sa conversation avec l’étudiant le soir précédent.

— Et moi, je t’ai demandé pourquoi tu es venu ici, répéta Kusanagi en haussant légèrement le ton.

Il était habitué à ce que les réponses de son ami soient agaçantes, mais elles ne l’en irritaient pas moins.

— Du calme, s’il te plaît. Tu n’as pas envie d’un café ? Je te l’achèterai dans un automate, et je suis sûr qu’il sera meilleur que celui que je t’offre au laboratoire.

Yukawa se leva et jeta son cornet de glace dans une corbeille à papier.

Il acheta deux boîtes de café dans une machine, et commença à boire le sien assis sur un vélo garé là.

Kusanagi tira la languette de sa canette sans l’imiter et regarda les alentours.

— Tu ne devrais pas t’installer sur une bicyclette qui ne t’appartient pas !

— Ne t’en fais pas. Le propriétaire de celle-ci ne va pas revenir tout de suite.

— Comment peux-tu le savoir ?

— Il a pris le métro après l’avoir laissée ici. Même s’il est descendu à la prochaine station, il ne sera pas de retour avant au moins une demi-heure.

Kusanagi but une gorgée de son café, et feignit la lassitude.

— Tu as observé tout ça en dégustant ta glace ?

— Observer les gens est une de mes distractions favorites. C’est très intéressant.

— Arrête de te vanter et dis-moi ce que tu fais ici. Qu’es-tu venu y chercher ? N’essaie pas de me raconter des histoires en me disant que cela n’a rien à voir avec mon enquête.

Yukawa se pencha en arrière pour regarder le garde-boue de la roue du vélo.

— De moins en moins de gens équipent leur vélo d’une plaque avec leur nom. Probablement parce qu’ils pensent qu’annoncer son nom et son adresse peut être dangereux pour eux. Autrefois, presque tout le monde le faisait, mais les temps changent.

— Je vois que les vélos te préoccupent. Nous en avons déjà parlé, d’ailleurs.

L’attitude et les propos de son ami lui avaient fait deviner ce à quoi il pensait.

Yukawa fit oui de la tête.

— L’autre jour, à propos de cette bicyclette retrouvée près du corps, tu m’as dit qu’il était peu probable qu’il s’agisse d’une tentative de camouflage, n’est-ce pas ?

— J’ai dit que cela n’aurait pas de sens si c’en était une. Pourquoi veiller à mettre les empreintes de la victime sur le vélo si c’est pour lui brûler le bout des doigts ensuite ? Le fait est que nous l’avons identifiée grâce à ces empreintes digitales.

— Dans ce cas, que se serait-il passé s’il n’y avait pas eu d’empreintes digitales sur la bicyclette ? Vous n’auriez pas pu l’identifier ?

Kusanagi garda le silence pendant une dizaine de secondes. Il n’avait jamais pensé à cette question.

— Si, répondit-il. Au final, nous avons pu établir son identité parce que les empreintes relevées sur le vélo concordaient avec celles de l’homme qui avait disparu de l’hôtel, mais nous l’aurions quand même identifié grâce à son ADN. Il me semble que je t’en ai parlé, non ?

— Oui. Ce qui veut dire que cela n’avait effectivement aucun sens de brûler le bout des doigts de la victime. Mais si le coupable avait pensé à tout cela, quelle serait ta conclusion ?

— Tu veux dire qu’il savait que cela ne servirait à rien ?

— De son point de vue, cela servait à quelque chose, évidemment. Mais pas à cacher l’identité de la victime. Tu ne peux pas envisager que son but ait été de faire penser que le vélo trouvé à proximité du corps n’était pas une tentative de camoufler le crime ?