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— Oui. Voulez-vous que j’aille voir tout de suite ?

— Non, cela ira très bien plus tard. Et j’ai une chose importante à vous dire.

Ishigami s’interrompit. Yasuko devina qu’il hésitait.

— Oui. Quoi donc ? demanda-t-elle.

— C’est à propos de cette manière de communiquer avec vous, commença-t-il. Cet appel sera le dernier. Je ne vous contacterai plus. Et vous ne devez pas non plus le faire. Quoi qu’il arrive désormais, vous et votre fille devez continuer à être des spectateurs. Il n’y a que de cette façon que vous vous en sortirez.

Yasuko l’écoutait, le cœur battant.

— Mais… monsieur Ishigami, je ne suis pas sûre de tout saisir…

— Vous comprendrez plus tard. Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment. Mais vous ne devez à aucun prix oublier ce que je viens de vous dire. Vous m’avez bien compris ?

— Attendez un peu, s’il vous plaît. Vous ne pourriez pas me donner un peu plus d’explications ?

Misato, qui avait remarqué l’émotion de sa mère, s’approcha d’elle.

— Je ne pense pas que cela soit nécessaire. Eh bien, au revoir.

— Mais… écoutez… dit-elle, mais il avait déjà raccroché.

Le portable de Kusanagi sonna alors qu’il était en voiture. Kishitani était au volant et Kusanagi y répondit à moitié allongé sur le siège avant qu’il avait baissé au maximum.

— Kusanagi à l’appareil.

— C’est moi, Mamiya, fit la voix rauque de son supérieur. Reviens immédiatement au commissariat d’Edokawa.

— Vous avez trouvé quelque chose ?

— Non. Tu as de la visite. Quelqu’un veut te voir.

— De la visite ? demanda Kusanagi en pensant à Yukawa.

— Oui, Ishigami. Le professeur de lycée qui habite l’appartement voisin de celui de Yasuko Hanaoka.

— Ishigami ? Il veut me voir ? Je ne peux pas lui parler au téléphone ?

— Non, répondit Mamiya d’un ton ferme. Il a quelque chose d’important à nous dire.

— Il vous a déjà parlé ?

— Il dit que c’est à toi qu’il veut dire le plus important. Donc dépêche-toi de revenir.

— D’accord, j’arrive tout de suite. Il plaça sa main sur le téléphone et tapa sur l’épaule de Kishitani. Il faut qu’on retourne immédiatement au commissariat d’Edokawa.

— Il dit que c’est lui qui l’a tué, ajouta Mamiya.

— Hein ? Qu’est-ce que vous dites ?

— Il affirme avoir tué Togashi. Il vient de reconnaître les faits.

— Pas possible ! s’exclama-t-il en se redressant d’un bond.

16

Le visage impassible, Ishigami observait Kusanagi. Du moins son regard était-il fixé sur lui, mais peut-être ne le voyait-il pas. Comme il était en face de l’inspecteur, ses yeux étaient posés sur lui mais son attention était probablement tournée vers autre chose. Son expression, ou plutôt son absence complète d’expression, le donnait à penser.

— J’ai vu cet homme pour la première fois le 10 mars, commença-t-il d’une voix dépourvue d’émotion. Quand je suis revenu du lycée, il rôdait devant la porte de ma voisine. Je l’ai vu mettre la main dans sa boîte aux lettres.

— Excusez-moi, mais vous parlez de qui ?

— De ce Togashi. Je ne savais pas comment il s’appelait à ce moment-là, dit-il d’un ton légèrement plus animé.

Kishitani assistait à l’interrogatoire. Il était chargé de prendre des notes. Ishigami avait refusé la présence d’autres policiers. Il avait expliqué qu’il arriverait mieux à dire ce qu’il avait à dire s’il n’était pas interrompu par les questions de plusieurs personnes.

— Je lui ai adressé la parole parce que je trouvais sa conduite bizarre. Il a perdu contenance, et m’a répondu qu’il voulait voir Yasuko Hanaoka, qu’il était son mari dont elle vivait séparée. J’ai tout de suite compris qu’il mentait, mais je n’en ai rien montré pour ne pas l’effaroucher.

Ishigami prit une petite inspiration.

— Je sais tout de Yasuko Hanaoka. Je savais qu’elle était divorcée, et les efforts qu’elle avait faits pour que cet homme ne la retrouve pas.

— Comment se fait-il que vous sachiez tant de choses sur elle ? Vous êtes son voisin mais vous m’avez dit que vous ne vous parliez presque pas, et que vous n’étiez pour elle qu’un des clients du traiteur où elle travaille.

— C’est ma couverture.

— Votre couverture ?

Ishigami se redressa tout en rentrant un peu le torse.

— Je suis son garde du corps. Ma mission est de la protéger de tous les hommes qui s’approchent d’elle avec de mauvaises intentions. Mais je ne tiens pas à ce que les gens le sachent. Parce que je suis aussi professeur de lycée.

— Mais la première fois que je vous ai rencontré, vous m’avez dit que vous ne la voyiez que très rarement, il me semble ?

Ishigami soupira.

— Vous étiez venu me voir dans le cadre de votre enquête sur le meurtre de Togashi, n’est-ce pas ? Comment aurais-je pu vous dire la vérité ? Vous auriez commencé à me soupçonner.

— Je vois, fit Kusanagi avec un hochement de tête. Donc, puisque vous êtes son garde du corps, vous savez tout d’elle ?

— Exactement.

— Vous voulez dire que vous avez eu des relations intimes avec elle autrefois ?

— Oui. Mais je dois vous répéter que personne n’était au courant. Comme elle a une fille, il fallait éviter qu’elle remarque quelque chose, et nous communiquions d’une manière très habile, avec la plus grande prudence.

— Ce qui veut dire, concrètement ?

— Je dispose de plusieurs manières. Voulez-vous que je commence par là ? demanda Ishigami en lui lançant un regard interrogateur.

Kusanagi trouvait toute l’histoire étrange, depuis la façon dont il lui avait annoncé tout de go qu’il avait des relations intimes avec Yasuko Hanaoka jusqu’aux circonstances. Mais il souhaitait avant tout se faire une idée de la situation.

— Non, vous m’en parlerez plus tard. J’aimerais que vous m’expliquiez plus précisément comment les choses se sont passées avec M. Togashi. Vous m’avez dit que vous avez fait semblant de croire qu’il était l’époux de Mme Hanaoka.

— Il m’a demandé si je savais où elle était. Voici ce que je lui ai dit : “Elle n’habite plus ici. Elle a dû déménager à cause de son travail, il y a quelque temps.” Il a eu l’air étonné. Et il a voulu savoir si je connaissais sa nouvelle adresse. Je lui ai répondu que oui.

— Que lui avez-vous raconté ?

Ishigami sourit à cette question.

— Qu’elle habitait à Shinozaki. Je lui ai parlé d’un petit appartement au bord de la Kyu-Edogawa.

D’où le lien avec Shinozaki, pensa Kusanagi.

— Mais cela n’a pas pu lui suffire ?

— Non, il voulait que je lui en donne l’adresse. Je l’ai fait attendre dehors, et je suis rentré chez moi pour écrire une adresse sur un papier en regardant la carte. Elle correspondait à la station de retraitement des eaux usées. Je n’ai pas aimé son air satisfait lorsque je lui ai donné. Il m’a remercié avec enthousiasme.

— Pourquoi aviez-vous choisi cet endroit ?

— Pour le faire venir dans un endroit désert, bien sûr ! Je connais bien les alentours de cette station.

— Un instant, s’il vous plaît. Vous voulez dire que dès que vous avez rencontré Togashi, vous avez décidé de le tuer ? demanda Kusanagi en observant le visage d’Ishigami, car il était surpris.

— Oui, bien sûr, répondit Ishigami impassible. Comme je vous l’ai expliqué, mon devoir est de protéger Yasuko Hanaoka. Et d’éliminer tout homme qui la tourmente, dans les meilleurs délais. C’est ma mission.