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— Vous étiez certain qu’il la faisait souffrir ?

— Je n’en étais pas seulement certain, je le savais. Il l’avait tourmentée. Elle s’était installée dans l’appartement voisin du mien pour lui échapper.

— C’est elle qui vous l’avait dit ?

— Je l’ai appris grâce aux dispositions particulières que j’ai déjà mentionnées.

Ishigami parlait sans aucune hésitation. Il avait dû longuement réfléchir avant de se livrer à la police. Mais l’histoire qu’il était en train de raconter paraissait peu naturelle. Elle ne ressemblait en tout cas pas à l’image qu’avait Kusanagi de lui. Il décida cependant de continuer son interrogatoire.

— Et qu’avez-vous fait après lui avoir donné le papier ?

— Il m’a demandé si je savais où elle travaillait. Je lui ai dit que je savais que c’était dans un genre de restaurant mais que j’en ignorais l’adresse. Et j’ai ajouté qu’elle ne revenait qu’après onze heures du soir, avec sa fille qui venait l’attendre là-bas. Il va sans dire que rien n’était vrai.

— Pourquoi lui avez-vous menti ?

— Pour contrôler ses mouvements. Je lui avais donné l’adresse d’un lieu désert, mais je voulais éviter qu’il n’y arrive trop tôt. En lui disant qu’elle ne rentrait qu’après vingt-trois heures, avec sa fille, j’étais sûr qu’il ne s’y rendrait pas avant cette heure-là.

— Un instant ! fit Kusanagi en levant la main en l’air pour l’interrompre. Vous aviez réfléchi à tout cela en quelques secondes ?

— Exactement. Pourquoi ?

— Pour rien… L’idée que vous avez pu le faire sans aucune hésitation m’impressionne.

— Ce n’est pas grand-chose, dit Ishigami qui ne souriait plus. J’avais compris qu’il n’avait qu’une seule idée en tête, rencontrer Yasuko Hanaoka. Et j’ai utilisé son désir à mon profit. Cela n’a rien de compliqué, non ?

— Peut-être pas pour vous, répondit Kusanagi en se passant la langue sur les lèvres. Que s’est-il passé ensuite ?

— Je lui ai donné mon numéro de portable. En lui demandant de m’appeler s’il ne trouvait pas l’appartement. N’importe qui se serait demandé pourquoi je faisais preuve d’une telle gentillesse, mais lui, il n’y a même pas pensé. Il n’était pas très intelligent.

— Personne ne peut imaginer que quelqu’un que vous rencontrez pour la première fois a décidé de vous tuer.

— Non, mais il aurait dû trouver bizarre qu’un inconnu lui offre de l’aider de cette manière. Quoi qu’il en soit, il a mis le papier dans sa poche comme s’il avait une grande valeur et il est parti d’un pas allègre. Une fois certain qu’il n’était plus là, je suis rentré chez moi et j’ai commencé mes préparatifs.

Il s’interrompit et tendit la main vers son gobelet à thé qui devait déjà être froid. Il en but néanmoins avec plaisir.

— Quels préparatifs ? s’enquit Kusanagi.

— Ce n’était pas grand-chose. Je me suis changé, j’ai mis des vêtements pratiques et j’ai attendu que le temps passe. En réfléchissant à la manière dont j’allais le tuer. J’ai envisagé plusieurs méthodes, et j’ai choisi de l’étrangler. Parce que c’était le moyen le plus sûr. J’aurais pu le poignarder ou le battre à mort, mais il était difficile de prévoir à quel point il saignerait sur moi. Je n’étais pas certain de pouvoir le tuer d’un seul coup. Et puis on n’a pas besoin d’une arme compliquée pour étrangler quelqu’un. Il faut juste une corde solide, et j’ai décidé de me servir du cordon de ma table chauffante.

— Pourquoi donc ? Il existe de nombreuses autres cordes.

— J’ai pensé à me servir d’une cravate ou d’un morceau de ficelle plastique pour les paquets. Mais ces deux objets ont un défaut, ils glissent entre les mains. Et ils auraient pu s’étirer. Non, le cordon de la table chauffante était le plus adapté.

— Et vous l’avez emporté avec vous ?

Ishigami fit oui de la tête.

— Je suis parti de chez moi vers vingt-deux heures. J’étais également muni d’un cutter et d’un briquet jetable. Sur le chemin de la gare, j’ai remarqué une bâche en plastique bleu que quelqu’un avait jetée, je l’ai ramassée et je l’ai pliée pour l’emporter. Je suis allé en métro jusqu’à la station de Mizué, où j’ai pris un taxi qui m’a emmené à proximité de la Kyu-Edogawa.

— Pourquoi n’êtes-vous pas descendu à Shinozaki ?

— Parce que cela m’aurait fait courir le risque de tomber sur lui, rétorqua Ishigami. J’ai fait s’arrêter le taxi à bonne distance de l’adresse que je lui avais indiquée. Pour moi, le plus important était d’éviter qu’il me voie avant le moment où j’avais décidé de passer à l’acte.

— Qu’avez-vous fait après être descendu du taxi ?

— Je suis allé à pied à l’endroit où j’étais sûr qu’il viendrait, en faisant attention à ne pas me faire remarquer. En réalité, je n’ai rencontré personne. Il s’interrompit pour boire une autre gorgée de thé. Mon téléphone portable a sonné peu de temps après mon arrivée sur la berge. C’était lui. Il m’appelait pour me dire qu’il se trouvait à l’adresse que je lui avais donnée mais qu’il ne voyait pas d’immeuble. Je lui ai demandé de me dire où il était. Il m’a renseigné sans faire aucune difficulté. Il ne se rendait même pas compte que j’étais tout près de lui. J’ai raccroché en lui expliquant que j’allais vérifier l’adresse et que je le rappellerais, mais je l’avais repéré. Comme un idiot, il s’était assis sur l’herbe du talus. Je me suis approché de lui sans bruit, tout doucement. Il n’a rien remarqué. Il ne s’est aperçu de ma présence que lorsque j’étais derrière lui. Je lui ai immédiatement passé le cordon autour du cou. Il s’est débattu mais j’ai serré très fort et il s’est vite effondré. C’était vraiment très facile. Ishigami reprit une gorgée et s’aperçut que son gobelet était vide. Pourrais-je avoir encore un peu de thé ?

Kishitani se leva et remplit son gobelet. Ishigami le remercia poliment.

— La victime était bien bâtie, et n’avait que quarante ans. J’ai du mal à croire que cela ait été si facile s’il s’est débattu, lança Kusanagi.

Sans rien répondre, Ishigami cligna des yeux.

— Je suis chargé du club de judo. Je peux dominer presque n’importe quel adversaire en l’attaquant par-derrière.

Kusanagi hocha la tête et tourna les yeux vers les oreilles d’Ishigami. Elles étaient en chou-fleur, la marque d’honneur des judokas. De nombreux policiers avaient les mêmes.

— Et après l’avoir tué ? demanda Kusanagi.

— Il fallait absolument que je dissimule son identité. Parce que si elle était découverte, il y avait un risque qu’un lien soit établi avec Yasuko Hanaoka. J’ai commencé par le déshabiller. Je me suis servi du cutter que j’avais apporté pour aller plus vite. Ensuite, j’ai écrasé sa figure, expliqua-t-il d’un ton égal. J’ai ramassé une grosse pierre, j’ai recouvert son visage de la bâche en plastique, et j’ai frappé très fort, plusieurs fois, je ne saurais vous dire combien. Mais au moins dix. Puis je lui ai brûlé le bout des doigts avec le briquet. Ensuite, j’ai pris ses vêtements et je suis parti. Au moment où j’allais descendre du talus, j’ai aperçu un bidon métallique. J’ai mis les vêtements dedans et j’ai essayé de les faire brûler. La flamme qui en est sortie était beaucoup plus grande que ce à quoi je m’attendais, j’ai eu peur que quelqu’un ne la remarque, et je suis vite parti. J’ai marché jusqu’à la rue où passe le bus, j’ai hélé un taxi qui m’a emmené à la gare de Tokyo. Là, j’en ai pris un autre pour rentrer chez moi. Il devait être minuit passé lorsque je suis arrivé. Ishigami expira profondément. Voilà la manière dont j’ai procédé. Le cordon que j’ai utilisé, le cutter et le briquet sont chez moi.