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Kusanagi devina où son ami voulait en venir.

— Tu as pensé qu’il était sur le point de voir la femme dont il était amoureux.

Yukawa hocha la tête.

— Exactement. L’idée m’est venue que c’était la femme qui travaillait chez ce traiteur, sa voisine, dont l’ex-mari venait d’être assassiné. Cela a fait naître un soupçon en moi. Sur son attitude vis-à-vis de ce meurtre. L’affaire aurait dû beaucoup l’inquiéter mais il se montrait indifférent. M’étais-je trompé en le croyant amoureux ? J’ai décidé de le revoir et de l’accompagner chez le traiteur. Je pensais y apprendre quelque chose. Il se trouve que pendant que nous y étions est arrivée une personne qu’il ne s’attendait pas à voir, un homme que connaissait Yasuko Hanaoka.

— Kudo, dit Kusanagi, son ami.

— C’est ce que j’ai appris. Le visage d’Ishigami pendant qu’elle lui parlait… Yukawa fronça les sourcils et secoua la tête. En le voyant, j’ai eu la certitude que je ne m’étais pas trompé. Sa jalousie était évidente.

— Cela a ravivé tes soupçons.

— Oui. Il n’y avait qu’une seule manière d’élucider cette contradiction apparente.

— Ishigami devait être impliqué dans cette affaire. C’est ce que tu as pensé, et la raison pour laquelle tu as commencé tes investigations ? demanda Kusanagi en regardant son reflet dans la vitre. Tu es redoutable. La jalousie d’Ishigami a causé sa perte.

— Je me souvenais de lui parce que c’était un vrai original. Sinon, je n’aurais rien remarqué.

— Ce qui est sûr, c’est qu’il n’a pas eu de chance, dit Kusanagi en recommençant à marcher.

Il s’arrêta au bout de quelques mètres en remarquant que son ami n’avait pas bougé.

— Je croyais qu’on devait aller chez Bententei.

Yukawa s’approcha de lui en courbant le dos.

— Je peux te demander quelque chose de très difficile ?

Kusanagi se força à sourire.

— Tout dépend de ce que c’est.

— Es-tu prêt à m’écouter comme un ami ? En oubliant que tu es policier ?

— Comment ça ?

— J’ai quelque chose à te dire. Mais à toi en tant qu’ami, et non au policier que tu es. Tu devras par conséquent le garder pour toi et n’en parler à personne. Ni à tes supérieurs ni à personne d’autre. Es-tu prêt à me le promettre ?

Les yeux de Yukawa derrière ses lunettes avaient une expression désespérée. Il réalisa que son ami était dans une situation qui le forçait à faire un choix.

Il aurait aimé pouvoir lui répondre que cela dépendait de ce qu’il allait lui dire. Mais il n’en fit rien, car il comprenait que cela aurait signifié la fin de leur amitié.

— D’accord. Je te le promets.

18

Yasuko dit au revoir au client qui avait acheté une boîte-repas au poulet frit et regarda sa montre. Il était presque six heures. Elle soupira et enleva son fichu blanc.

Kudo voulait la voir après le travail. Il l’avait appelée dans la journée pour le lui dire.

— Pour fêter ça, avait-il expliqué d’un ton détendu.

— Fêter quoi ?

— Quoi d’autre que l’arrestation du coupable ? A présent, tu n’as plus à te faire de souci à propos de cette histoire. Ni moi non plus, d’ailleurs. Je ne risque plus d’avoir la visite de la police, et cela se fête, non ?

La voix gaie de Kudo lui avait paru bêtement nonchalante. Cela n’avait rien d’étonnant puisqu’il ne savait pas tout, mais cela avait ôté à Yasuko l’envie de le voir.

— Je n’ai pas envie de le fêter.

— Pourquoi ?

Yasuko n’avait rien répondu et, après quelques secondes de silence, Kudo avait repris, interprétant son silence :

— Ah… Vous étiez divorcés, mais il a été ton mari. J’ai eu tort de te proposer de fêter ça. Pardon.

Il ne s’agissait pas du tout de cela, mais Yasuko ne l’avait pas détrompé. Il avait ajouté :

— J’ai aussi quelque chose d’important à te dire. Je voudrais absolument te voir ce soir. C’est possible ?

Elle aurait préféré refuser. Elle n’avait pas envie de le voir. Elle se sentait coupable vis-à-vis d’Ishigami qui s’était dénoncé à sa place. Mais elle ne trouva pas les mots pour le faire. Que pouvait vouloir lui dire Kudo ?

Ils convinrent de se retrouver à six heures et demie. Kudo voulait inviter Misato, mais elle avait refusé. Elle ne voulait pas laisser Misato le rencontrer en ce moment.

Yasuko laissa un message à sa fille pour lui dire qu’elle rentrerait tard. Elle se sentit mal à l’aise en pensant à sa réaction quand elle l’écouterait.

A six heures, elle défit son tablier et dit à Sayoko et son mari qu’elle s’en allait.

— Je ne savais pas qu’il était déjà si tard ! s’exclama Sayoko qui prenait son dîner dans l’arrière-boutique. Merci pour aujourd’hui. Tu peux y aller, je m’occuperai du reste.

— Alors à demain, fit Yasuko en repliant son tablier.

— Tu as rendez-vous avec Kudo, non ? chuchota-t-elle.

— Hein ?

— Il t’a appelée cet après-midi. Vous avez rendez-vous ?

Yasuko, embarrassée, se tut.

— Je suis contente pour toi, reprit Sayoko en se méprenant sur son silence. Cette histoire est réglée, tu vois Kudo, j’ai l’impression que tu commences enfin à avoir de la chance.

— Tu crois…

— Mais oui ! Tu n’as pas eu la vie facile jusqu’à présent, mais à partir de maintenant, il faut que tu sois heureuse. Pour toi, et pour Misato.

Les paroles de Sayoko lui pesèrent. Elle souhaitait sincèrement son bonheur. Elle ne la soupçonnait aucunement d’avoir tué.

Elle sortit de chez Bententei et se dirigea dans la direction opposée à celle qu’elle prenait pour rentrer chez elle. Elle avait rendez-vous avec Kudo au café-restaurant qui se trouvait au coin de la rue, celui où elle était allée avec Togashi. Kudo avait choisi l’endroit, le plus facile à trouver pour lui, et elle n’avait pas su comment refuser.

Elle emprunta le passage sous l’autoroute et au moment où elle en sortit, elle entendit derrière elle une voix masculine qui l’appelait.

Elle s’immobilisa et vit en se retournant deux hommes qu’elle connaissait. Ils s’approchaient d’elle. Le premier était Yukawa, le vieil ami d’Ishigami, le second Kusanagi, le policier. Yasuko se demanda pourquoi ils étaient ensemble.

— Vous vous souvenez de moi ? lui demanda Yukawa.

Elle répondit d’un hochement de tête en les dévisageant l’un après l’autre.

— Vous auriez une minute ?

— Euh… c’est que… répondit-elle en regardant ostensiblement sa montre sans arriver à lire l’heure tellement elle était choquée. J’ai rendez-vous.

— Ah bon. Vous n’auriez même pas trente minutes à m’accorder ? J’ai quelque chose d’important à vous dire.

— Je suis désolée mais… fit-elle en secouant la tête de côté.

— Un quart d’heure, cela vous irait ? D’ailleurs, dix minutes suffiront. Asseyons-nous sur ce banc, suggéra Yukawa en tendant le doigt vers un petit square qui occupait l’espace sous l’autoroute.

Son ton était plaisant, mais son attitude ne lui laissait pas d’alternative. Yasuko eut l’intuition qu’il était venu lui parler d’une chose essentielle. Chaque fois qu’elle avait rencontré l’universitaire, il avait été aimable avec elle mais elle s’était sentie oppressée.