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Je dors mieux quand je sais ce que font mes poursuivants. »

Le semi-humain hocha la tête. Il était en train de trier les détritus dans le fond de son nid, écartant ceux qui ne présentaient aucune valeur. « Je crois bien que je n’ai plus rien à manger. »

— « Viens. »

Ils suivirent les traverses.

— « Ces petits habitacles qui ressemblent à des grappes de raisin sont des appartements. Tous identiques, comme tu peux le voir. Il faut que nous trouvions un palier ; c’est là que sont situés les Distributeurs. »

— « Nous venons d’en dépasser un, » dit Larry.

— « Le Distributeur est en panne sur celui-là, » expliqua le géant. « Tu vois ces conduits bruns tout rouilles ? Ils acheminent la pâte des calories de base. Je pose les mains dessus pour savoir s’il y a une arrivée de nourriture. Si les tuyaux ne vibrent pas, c’est qu’il n’y a rien. Ce serait stupide d’aller nous exposer pour rien. »

— « Il n’y a qu’un conduit par Distributeur ? »

— « Oui. La pâte renferme les calories de base et la quantité minimale requise de nutriments. La machine y ajoute des colorants, lui donne une texture et parfois une saveur. Il paraît que certaines peuvent aussi en modifier la température, mais je n’en ai jamais vu. »

Larry s’efforça de se remémorer sa vie d’avant la Suspension pour retrouver les goût des soupes chaudes et des boissons glacées.

Ils assaillirent des Citoyens qui faisaient la queue et s’échappèrent par une conduite d’éclairage, emportant gels, pâtes et briquettes friables. Har s’adossa à une bâche de turbine conique et chaude, et mangea.

« C’est le plafonnier d’éclairage de l’Embryo, » fit-il en désignant le cône. « Tu pourras regarder les Citoyens en train de pousser dans leurs bocaux rien qu’en arrachant un de ces verrous. Attends, je vais te montrer. Tu vois le noiraud tout velu, dans le bocal du fond ? C’est ce qu’ils appellent un simien. Il sera mis à la poubelle. Ces bocaux dont les couvercles sont brisés laissent entrer trop de lumière. Cela peut résulter en une gargouille comme moi. »

— « Pourquoi ? »

— « C’est comme un embryon de crapaud ou de grenouille qui se développe à la lumière ; les yeux s’hypertrophient par suite d’une stimulation excessive. »

— « Oh ! »

Les deux visages noirs scrutèrent l’égout à travers une grille encrassée de suie. Des flots lents charriaient des monceaux d’ordures.

« Où cela va-t-il ? » demanda le semi-humain.

— « Je n’en sais rien, » dit le gros Har. « Probablement dans un digesteur ou quelque chose comme ça. Ces cités sont pleines d’organes capables d’engloutir des flots de cette importance. »

— « Je voudrais que ça aboutisse à la mer, » gémit Larry. « Une mer tropicale, très loin d’ici, où les bananes et les noix de coco mûrissent sur les arbres. »

— « C’est quoi, un arbre ? »

— « Un truc vert qui monte vers le ciel. Dessus, il y a de la nourriture. Et tu peux te servir même si tu n’as pas de crédits.

Le gros Har se contenta de secouer la tête. « La nourriture vient des Distributeurs, des machines. Les arbres n’existent pas ailleurs que dans tes rêves. »

— « Les arbres existaient bien, autrefois. Je m’en souviens parfaitement : très hauts, avec une écorce rugueuse et des feuilles douces et lisses. Toutes sortes de choses poussaient sur les arbres. »

Le gros Har cessa de secouer la tête. Un rêve prenait forme dans la tête du géant, grâce aux images qu’évoquaient les mots de Larry ; des couleurs, des saveurs, des textures, des odeurs et… la liberté.

— « Où étaient-ils ces arbres, autrefois ? »

— « Dehors, » dit Larry.

— « Est-ce qu’ils y sont toujours ? »

— « Peut-être. Je le pense. Oui ! Je suis certain qu’ils y sont encore. »

— « Pourrais-tu m’y conduire ? »

— « Je crois que c’est de l’autre côté. Emmène-moi jusqu’en haut, et nous verrons à quoi ressemble le Dehors. »

Le gros Har prit le semi-humain sur son épaule et ils commencèrent l’ascension de la cité. Le jour suivant, ils atteignirent une écoutille de visite située au-dessus des générateurs de courant laminaire.

« Nous devons être près du sommet. Il n’y a pratiquement pas de circulation sur la spirale, » dit Larry.

Le gros Har grogna.

— « Si je ne me trompe pas, il devrait y avoir une sorte de porte donnant sur l’extérieur, là-haut. Restons dans l’Entre-Murs jusqu’à ce que nous ayons contourné la Cité. Je ne veux pas attirer la Brigade de Sûreté. » Larry essaya de démêler le réseau compliqué des conduits : air, eau, vidange et approvisionnement des Distributeurs.

« Je n’ai aucune idée de la façon dont on sort de l’Entre-Murs. Continuons à monter la spirale. Elle doit bien mener quelque part. »

Le géant noir sortit dans la lumière du corridor, ruisselant de suie et de crasse. Le semi-humain était perché sur son épaule et lui conférait une grotesque apparence bicéphale. Les Néchiffes se dispersaient ou s’évanouissaient.

« Nous ferions mieux de nous hâter, » dit Larry. « Nous avons créé une certaine sensation. Et nous sommes encore loin du sommet, il reste deux spires à grimper. »

Devant eux, la foule paniquée s’écoulait par les boyaux d’accès. Elle n’était constituée que de Citoyens standard : un mètre vingt-cinq de protoplasme pauvre, mou, blanc et atone. Har dominait de la tête les NéchifFes tremblants. Larry, lui, rasait le plafond, à deux mètres du sol. Une couche de suie et de toiles d’araignée empêchait de discerner qu’il s’agissait de deux individus distincts.

Les circuits de Surveillance de la cité localisèrent la cause de la perturbation et firent le relevé. Un écran se mit en marche dans le local de la Sûreté. Le chef de Brigade contempla l’image noire et hirsute.

« Qu’est-ce que c’est ? »

— « Un intrus dans la Spirale, » dit le Surveillant-mache.

— « Ça ressemble plutôt à un monstre composé : deux têtes, quatre bras et deux jambes. Y a-t-il eu des pertes en matériel ou en personnel ? »

— « Non… »

— « Alors, préviens le Bio. Je suis sûr qu’eux seront intéressés. Nous pas. »

— « Mais… »

Le chef de Brigade s’étira sur sa couchette, en faisant signe au Surveillant-mache de se taire. « Appelle le Bio, » répéta-t-il. « Tous mes hommes sont en train d’accomplir une mission d’importance : la confiscation de plants végétaux au Synthé. Un étourdi d’embryotech a découvert une variété mutante aux fleurs parfaites, pistils chargés d’ovules et étamines produisant du pollen. Tu sais le danger que cela représente… des plantes capables de croître hors de la fourmilière et de fournir de la nourriture… Nous nous consacrons à cette tâche capitale. Appelle le Bio pour ton monstre. »

Le Surveillant-mache changea de canal.

L’apprentie Wandee leva les yeux de son scope – des yeux bleus, larges et doux. Elle escalada un amoncellement de récipients poussiéreux et prit l’écoute de l’écran bourdonnant.

« Oui ? Ici le Bio ! »

Le Surveillant-mache prit le ton qu’il fallait pour vendre sa marchandise à ce service. « J’ai un spécimen intéressant pour vous. »

Wandee hocha la tête et se rendit à une table où était entassé son matériel de collection. « De quelle taille ? » Elle se mit à choisir des filets et des récipients.