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— « Nous devons prouver que nous possédons de bons gènes Océanides avant de concevoir. »

— « Ça me semble terriblement prétentieux. Où êtes-vous allés chercher un pareil… ? »

Elle lui prit la main avec fermeté. Sa voix était lente et patiente. « C’est ainsi que nous faisons. Les Prêtres des Abysses enseignent la règle à tous les prépubères. La vie est déjà assez rude sous la mer pour ceux qui sont dotés des gènes appropriés. Engendrer un enfant aux gènes défectueux mettrait en danger non seulement l’enfant mais toute la cellule familiale. »

Har hocha la tête. « Tu possèdes les gènes appropriés. Ton fils, Palourde… »

— « Et j’espère que toi tu les as aussi, Har. Mais je ne voudrais pas mettre au monde ici un enfant juste bon pour vivre à la surface. Si mon enfant ne pouvait fabriquer assez de myoglobine pour nager durant vingt minutes, il ne pourrait survivre dans les dômes. Et lorsque toi tu en seras capable, je saurai que tu possèdes le gène. »

— « J’ai traversé le gouffre. »

— « Mais tu étais remorqué. Retenir son souffle pendant dix minutes n’a rien à voir avec une traversée de vingt minutes à la nage. Tu es toujours un terrestre. Au niveau sept, tu as pu respirer de l’air, et c’est ce qui t’a aidé à traverser. »

— « Quand serai-je prêt ? »

— « Bientôt, j’espère. »

Cette brève tentative d’approche avait mis de la chaleur dans les reins de Har. « Je crois que je pourrais y arriver tout de suite. »

Opale constata son état d’excitation. Après ces longues années de solitude, elle oublia sa prudence habituelle. « Cela vaut la peine d’essayer, » dit-elle. « Mais tu n’as pas de remorqueur. Ce sera difficile. Je vais t’indiquer le moyen le plus facile. Tu vas rester ici et t’aérer au maximum. Nous n’avons pas de dôme de niveau sept, il faudra donc se contenter de celui-ci. Quand tu sentiras des démangeaisons dans le bout de tes doigts, sors du dôme en nageant lentement sur le dos. Je viendrai du dôme qui se trouve là-bas. »

Har plissa les yeux et regarda par la paroi transparente. L’autre dôme se trouvait à vingt mètres de distance, et à environ deux brasses plus haut.

Elle l’étreignit brièvement. « Il faut répartir le travail dès à présent. Physiquement, tu ne feras rien. Je me charge de tout. Je possède suffisamment de myoglobine pour ça. Et ma capacité respiratoire est plus que suffisante. Mais il te faudra accomplir un très gros effort mental. Je ne sais pas quels sont tes fantasmes sexuels, mais tu devras les évoquer tous. Je sais que je ne suis pas très excitante, avec mon corps tout mouillé, froid et tanné. Mais pense à mes zones érogènes. Rappelle-toi : physiquement, ne fais rien ; mentalement, fais tout ce que tu pourras ! »

Har sourit humblement.

Elle administra une tape sur son postérieur mouillé. « Ça risque de marcher ! »

Il commença à respirer lentement et profondément, tandis qu’elle s’éloignait. Avec l’éloignement, sa silhouette devenait plus intéressante, plus floue ; elle gagnait en mystère. Lorsque le bout des doigts lui picota, il sortit lentement du dôme, en nageant. Il roula sur le dos, et de l’eau pénétra dans son oreille gauche en faisant des bulles. Il distinguait nettement au-dessus de lui la surface bleu givré, mais la distance y ajoutait de la profondeur. Elle le heurta durement. Il ne l’avait pas vue approcher, et soudain elle fut sur lui. Il aperçut des yeux brillants et des dents blanches. Les dents s’enfoncèrent dans la chair de son épaule tandis que ses orteils s’accrochaient derrière ses genoux. Il l’enveloppa de ses bras, dans un geste gauche qui fit que les amants se mirent à tournoyer lentement. Il voyait à présent le fond noir et boueux de l’océan, à quelques brasses plus bas seulement. De ses ongles, elle lui raclait le dos, cependant que son os pubien frappait le sien. Ses dents ouvrirent quelques capillaires. Une tache rose passa devant son visage. Ils continuèrent à tournoyer. D’une main, elle l’attira en elle ; de l’autre main, elle tentait d’arrêter leur mouvement de toupie. Ses talons se nouèrent derrière ses genoux et elle imprima à son pelvis un rythme effréné. Mais le vertige eut raison de l’excitation de Har.

Elle essaya différentes caresses et appuya en divers endroits, mais il ne réagit pas. Ses nerfs pelviens étaient épuisés par le vertige nauséeux. Elle le repoussa, le renvoya vers son dôme et sa bulle d’air salutaire. Au bout de quelques minutes, elle vint le rejoindre.

« Je crois que tu n’es pas tout à fait prêt, » dit-elle avec enjouement, en lui donnant une autre tape sur les fesses.

Il frotta les marques qu’avaient laissées ses dents sur-son épaule.

« Tes épaules seront couvertes de cals une fois que tu auras remorqué quelques centaines de chargements des Jardins jusqu’au dôme, » dit-elle. « Et j’ai oublié de te dire de garder les bras étendus horizontalement, pour nous stabiliser. Sinon, le tournoiement t’ôtera tous tes moyens à chaque fois. »

Har haussa les épaules et s’étendit sur le pont flottant.

« L’essai était satisfaisant, » dit-elle. « Très satisfaisant. »

Ils dormirent.

Au cours des mois qui suivirent, la capacité de Har à retenir. sa respiration augmenta considérablement. Un cal dur se forma sur son épaule gauche, à force de haler, et il réussit l’épreuve de l’accouplement. Trilobite et le semi-humain exploraient le plateau continental, se faisant de nouveaux amis et relevant l’emplacement des dômes vivants.

Furlong considéra les rapports. « C’est tout ce que nous avons ? Quelques enregistrements optiques flous et des impressions sonores ? » Il passa à Ode la pile d’imprimés. Le Batteur chercha dans les rapports et sortit l’une des empreintes vocales. Puis il tria et rangea toutes les empreintes en une pile séparée « J’ai déjà fait ça, » dit Furlong. « Il n’y en a qu’un. Le clone a déjà été identifié. »

— « Le clone ? »

— « Le clone. La lignée cellulaire. Nous ne savons pas de quel individu du clone il s’agit, leurs empreintes vocales sont toutes identiques, ainsi que les empreintes digitales. »

Le Batteur hocha la tête. « Alors, nous ne savons pas combien ils étaient sur le bateau. Au moins deux, puisqu’ils se parlaient. De quelle lignée cellulaire ? »

Furlong jeta un regard au dossier. « L. D. Larry Dever. Voici son numéro d’ident. D’après la résonance laryngienne, il a – ou ils ont – atteint la puberté. »

— « Avez-vous dressé la liste des membres du clone L. D. dont on est sans nouvelles à l’heure actuelle ? »

— « Oui. Et il y en a beaucoup : suicides, accidents, Suspensions ratées. Il est souvent impossible d’effectuer une identification précise. Voici la liste. »

— « Mais… il y en a des milliers ! Et certains ont des siècles ! »

— « C’est compréhensible, avec la Suspension Volontaire et la Suspension Temporaire, » dit Ode. Il déroula la liste. « Et voici le premier, le vieux Larry Dever lui-même, tout en haut de la liste. Pourquoi l’a-t-on inscrit ? »

— « Sa mort n’a pas été prouvée, » expliqua Furlong. « Le C.U. a contrôlé tous ces renseignements. Ces vieux clones sont d’une grande valeur pour la fourmilière ; on les utilise souvent lorsqu’on a besoin de sujets à la peau épaisse ou qui résistent aux infections. La liste serait dix fois plus longue si la plupart d’entre eux n’avaient pas été poinçonnés et rectifiés pour pouvoir s’adapter à la fourmilière. Les seuls dont nous devons nous préoccuper, ce sont ceux qui n’ont pas été poinçonnés, puisque les empreintes vocales dénotent un larynx adulte. Et les glandes pituitaires sont nécessaires à la puberté. »