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— « Vous allez assembler les pièces d’un Larry Dever ? » interrogea le Batteur.

— « En le modifiant. Nous allons fabriquer un Larry Dever à ARN Ordonné, doté de toutes les caractéristiques répertoriées ; nous le baptiserons ARNOLD. »

Le président du Conseil s’était assoupi. Il se réveilla en sursaut. « Vous deux, vous pouvez continuer cette discussion en bas, dans le labo. La séance est levée. »

Chapitre sept

ARNOLD

Combattant Au service de la fourmilière, La Filandiere a tissé tes gènes. Qui a tissé ton âme ?

Le Batteur s’émerveillait de la dextérité qu’apportait Wandee à ses manipulations. La cellule rénale en division fut versée dans la chambre de tri, emplissant l’écran de chromosomes en forme de X et de Y. Wandee sélectionnait ceux qui seraient augmentés. Tout en parlant, elle découpait avec son faisceau électronique.

« Nous allons ôter la moitié de ces longs tentacules dans la phase secondaire de l’opération ; c’est un bon repère. Éliminer ces petits satellites et amputer les tentacules courts de ce chromosome. Attention à ce centromère. Là… maintenant, nous avons largement la place d’ajouter les chromatides synthétiques du bain préparé par la Filandière. »

Le bain (une soupe de purines et de pyrimidines) contenait l’enzyme reverse transcriptase, l’ADN polymérase subordonné à l’ARN. (Les molécules ARN servent de « patrons » pour la reproduction des gènes ADN.) La Filandière assembla le « patron » ARN. Lorsqu’on l’ajouta au bain, un gène ADN se reproduisit ; chaque groupe de trois paires de bases azotées formait un codon (une « lettre ») dans le code génétique.

« Il semble y avoir une quantité excessive en gène Grube-Hill, » avança le Batteur. Il avait observé l’écran de la Filandière, sur lequel était simulée l’activité moléculaire. Les proportions normales étaient indiquées sur la grille.

— « Une triple dose de cartilage. » Wandee souriait. « Nos ARNOLD seront de vrais étalons blindés avec trois fois plus de calcium, de collagène, de phosphatase et d’hormone de croissance. »

— « Mais, et cette chaîne, qu’est-ce que c’est ? » fit le Batteur en fronçant les sourcils. « Ça ne correspond à rien. »

— « C’est le facteur sécurité de la fourmilière : une chaîne absurde là où devrait se trouver le gène de synthèse des acides aminés. On a mis les groupes de bases sens dessus dessous ; ce qui nous donne UAA, UAG et UGA, qui ne correspond à rien. Les ARNOLD seront incapables de synthétiser six des acides aminés que les autres humains fabriquent à partir des constituants inorganiques fournis par leurs aliments. Vous et moi possédons le mécanisme moléculaire nécessaire à leur assemblage. Pour les ARNOLD, ces éléments seront " essentiels ", c’est-à-dire absolument exigés dans leur régime alimentaire. En plus des neuf acides aminés dont nous avons tous besoin, il faudra aux ARNOLD de l’alanine, de l’aspartate, du glutamate, de la glycine, de la serine et de la tyrosine. Leur alimentation devra comporter quinze acides aminés. Faute de quoi, tout leur métabolisme s’arrêtera. L’absence d’un seul de ces acides aminés " essentiels " entraînera la maladie, et, à brève échéance, la mort. »

Le Batteur était silencieux. Cette nouvelle tâche qu’on lui avait assignée en tant que Lion le mettait mal à l’aise. Construire un humain synthétique qui sacrifierait sa vie pour la fourmilière, et, en même temps, le piéger avec cette bombe moléculaire à retardement qui le tuerait s’il s’écartait du droit chemin. Le Batteur avait le sentiment d’être pour ARNOLD un ennemi pire que l’Océanide.

Un codon GAG fut transformé en CAC, l’histidine substituée à la glutamine : une autre chaîne absurde barrant la « porte de service » des transaminases à l’un des acides aminés : ARNOLD ne pourrait obtenir les acides aminés par le cycle de Kreb en ajoutant des aminés à un acide organique.

C’était un travail fastidieux que de jouer ainsi avec les structures de Watson-Crick, mais bientôt Wandee eut plusieurs clones prêts à servir de points de départ au prototype ARNOLD.

« Nous pouvons trier les cellules en culture en nous basant sur leur teneur en gène Grube-Hill. Les cellules qui contiennent le plus de phosphatase seront celles d’où émanera la plus grande fluorescence sous l’effet de ce substrat traceur. Nous allons commencer par un millier d’embryons à GH triple. »

— « Un millier ? » marmotta le Batteur, en pensant à la liste des particularités qu’elle lui avait présentée. « La fourmilière va se trouver en position de force, pour changer. »

Les Océanidcs se pressaient en foule autour du radeau funéraire. Des solives entrelacées et des tôles rouillées servaient de cadre au panégyrique de l’Homme aux écouteurs. Ils étaient réunis dans la bulle d’une galerie de métro crevée qui surplombait les ténèbres béantes des abysses. Le corps lesté resta un long moment à la surface. Puis il se mit à couler lentement, accompagné d’un halo de zooplancton : les minuscules animaux marins se disputaient le trésor qu’était son azote.

« Le Léviathan n’est-il pas une baleine ? » interrogea l’Homme aux écouteurs.

Palourde secoua la tête. « C’est un navire. J’ai visité l’intérieur de son corps et n’ai pas trouvé trace d’organes ou de muscles ; rien que des cabines et des machines. »

Larry essaya de démêler cette situation confuse.

« Trilobite croit que ce bateau est son dieu, Rorqual, mais il n’a pu réussir à lui parler depuis que la fourmilière l’a sous son contrôle. »

L’Homme aux écouteurs inclina la tête respectueusement. « Lorsqu’un dieu descend sur Terre, c’est un pur esprit. Il peut se loger dans le corps d’un homme ou d’un animal, ou encore d’un bateau. C’est écrit. »

Larry ouvrit la bouche pour réfuter cet argument dicté par la superstition primitive, mais le gros Har l’interrompit.

— « Le dieu a rendu la vie à la mer. Offrons un hommage à Rorqual. »

Un silence suivit. Larry hésita à le rompre. L’Homme aux écouteurs reprit son interrogatoire. « Et ce bateau, était-il encore vivant après que tu eus anéanti l’équipage ? »

— « Oui. Il m’ouvrait les portes et me suivait avec les petits yeux situés dans les cloisons. J’ai entendu et senti des choses que je n’ai pas comprises, mais je suis certain qu’il était conscient de ma présence. »

— « Et il n’a pas essayé de te faire du mal ?… » fit le vieillard en souriant. « Merveilleux ! Cela prouve que Rorqual, ou Léviathan, est un dieu bienveillant. »

— « Mais il a tué mon ami Patelle, » objecta Palourde. « Nous étions occupés à ramasser des fruits de mer, à quinze brasses de profondeur, lorsque les filets l’ont capturé et remonté. Il est mort à cause de la décompression brutale. »

— « C’était peut-être un accident, » suggéra l’Homme aux écouteurs. « Ceux qui vivent à la surface, même les dieux, peuvent tout ignorer de la décompression. C’est un secret des Prêtres des Abysses. Je pense que nous devrions essayer d’entrer en contact avec ce dieu et lui rendre hommage. Nous pourrions peut-être apprendre à lui parler. »