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— « Je suis un ARNOLD. Elle a plongé sans dommage, et ce n’est qu’une femelle. »

— « Une Océanide femelle. Elle possède peut-être certaines facultés dont nous ignorons tout. Tu es un produit de la fourmilière. Et puis… ce régime t’affaiblit. Nous avons besoin de ce pain aux quinze acides. Rentrons au port pour nous ravitailler. »

— « Ma poule grivelée est en bas. Je vais descendre la chercher, » dit ARNOLD. Le cycle des acides aminés s’était interrompu, et l’inanition sapait ses forces. Il mangeait tout ce que lui donnait Rorqual, mais le bateau était incapable de pourvoir aux besoins précis de son système enzymatique brutalement détérioré. Il manquait toujours au moins une molécule, et il mourait de faim.

Rorqual produisit un casque transparent en forme de globe et cent mètres de tuyau. Les matelots équipèrent dans les règles leur capitaine pour la plongée : chaussures plombées, optiques et communicateurs à longue portée, lance, corde de communication. Il s’habilla, plein d’assurance.

« Si quelque chose va de travers, vous pourrez toujours me remonter, » dit-il. « Pourras-tu m’envoyer de l’air à cette profondeur ? »

— « Nous irons doucement la première fois. » ARNOLD posa un pied sur le grappin et la grue le souleva du pont. Lorsqu’il descendit dans les profondeurs, le froid et la pression ne lui firent aucun effet. Le casque-bulle était épais ; il limitait et brouillait sa vision des formes vert olive qui l’entouraient. Les poissons tournaient autour de lui, la plupart aussi gros que sa cuisse, et écailleux. Quand ils commencèrent à le frôler, il agita sa lance pour refroidir leur curiosité.

« Tes observations ? » demanda le navire.

— « La prochaine fois, nous donnerons au casque une surface optique horizontale. Je n’y vois pas très bien. »

— « Quoi d’autre ? L’alimentation d’air est-elle satisfaisante ? »

— « Jusqu’ici, ça va. Descends-moi encore. » Lorsqu’il s’approcha du dôme, six formes roses s’éclipsèrent vivement. Elles furent si rapides qu’il eut à peine le temps de les compter avant qu’elles ne sortent de son champ de vision, comme des flèches. Il esquissa quelques mouvements malhabiles dans leur direction, mais ne réussit qu’à tomber de son grappin et à atterrir sur le toit du dôme. Il barbota jusqu’à l’intérieur et se hissa sur le ; radeau. Il ôta son casque et aspira l’air avec précaution.

« Que vois-tu ? » demanda le bateau.

ARNOLD ramassa son casque et le tourna dans toutes les directions afin que les optiques de Rorqual puissent enregistrer ses trouvailles : le radeau, les ustensiles, la coupelle d’eau douce, et les reliefs d’un repas. ARNOLD goûta le contenu des bols.

« Ils vivent ici, » dit ARNOLD. « Ils mangent comme moi. Ils respirent comme moi. Je vais laisser ici mes bottes plombées et fouiller les autres dômes. Continue à m’envoyer de l’air. »

En retenant un minimum d’air dans ses poumons, il parvint à rester au fond sans le lest. En utilisant les rochers comme prises, il grimpa jusqu’à un autre dôme. Il était également vide. Apparemment, les Océanides y voyaient beaucoup mieux que lui. Ils n’avaient aucune peine à lui échapper.

« Rien ici non plus. Tu ferais aussi bien de me remonter. Je commence à me sentir tout drôle. »

Rorqual enroula promptement le câble. « La prochaine fois, nous observerons tes réactions physiologiques avec des bio-électriques, » commenta le navire.

ARNOLD ignora les premiers élancements de douleur dans ses bras et ses jambes. Sa peau le démangeait, et il avait l’impression de suffoquer. Le bateau entendit ses halètements rapides. Il accéléra la remontée. Il était agrippé des deux mains au câble lorsqu’il arriva sur le pont.

« Médi-équipe ! » appela le bateau.

ARNOLD fit en chancelant le tour du pont, repoussant les Néchiffes emplis de sollicitude. Sa peau se marbra d’un exanthème violacé. « Mon bras ! Je ne peux plus bouger le bras ! » hurla-t-il. Il resta immobile et silencieux durant un long moment ; la fixité de son regard leur apprit qu’il n’y voyait plus non plus. Puis il s’affaissa lentement et resta étendu, inanimé. La Médi-équipe se démenait autour du géant dans le coma.

« Pouls irrégulier, mais ferme. Respiration égale. Nous allons l’emporter dans sa cabine. »

Rorqual pleurait son guerrier silencieux. Ses pieds nus lui avaient procuré du plaisir, et à présent il se mourait. Il fouilla sa mémoire dans l’espoir d’y trouver des indications, mais il n’y avait rien dans ses magasins qui concernât les profondeurs. C’était un navire de surface.

La Médimache, ses analyses terminées, fit son rapport : « Multiples lésions tissulaires résultant d’un épanchement de particules dans le sang. Coma dû à un œdème cérébral. »

— « Des particules ? » interrogea Rorqual. « De quoi ? »

— « Indéterminé. Le mécanisme de coagulation semble normal. Pas de caillots veineux. Mais sa vie n’est pas en danger. Il devrait se rétablir rapidement. Cependant, le taux de trois de ses acides aminés est dangereusement bas. Pourriez-vous lui fournir de l’acide glutamique, de l’alanine et de la phénylalanine ? »

— « J’ai des tonnes de plancton, mais je suis incapable de purifier les acides aminés. »

— « Demandez à la fourmilière. Je suis sûr que le renseignement dont vous avez besoin est dans les fichiers du Bio ou du Synthé, » conseilla la Médimache.

Le président du Conseil – le Batteur – fut réveillé par le C.U. « Rorqual Maru a appelé. »

Il s’assit, en se frottant les yeux. « Que disent-ils ? »

— « Simple demande de renseignements de mache à mache : hydrolyse des protéines et résolution chromatographique des constituants positifs de la ninhydrine. »

— « Qu’est-ce que cela veut dire ? » demanda le Batteur, en chaussant ses pantoufles.

— « Cela veut dire que le bateau a trahi. »

— « Quoi ? ! »

— « Rorqual demande le renseignement qui lui est nécessaire pour la fabrication du pain aux quinze acides aminés. »

— « Ne le lui donnez pas… pas tout de suite. Où se trouvent-ils en ce moment ? »

Le C.U. projeta un diagramme sur lequel une baleine lumineuse indiquait la position du navire. Une ligne en pointillé montrait le trajet effectué les jours précédents.

Le Batteur hocha la tête. « Bien. Maintenant, dans combien de temps pourrons-nous mettre à l’eau l’un de nos nouveaux Moissonneurs ? »

Le C.U. comprit quel était son plan. « Nous pouvons en employer un comme vaisseau de Chasse dès à présent. La coque et les organes de commande sont prêts. Les cybercircuits sont loin d’être achevés, mais il pourrait poursuivre Rorqual sous commande manuelle. »

Le Batteur opina. « Les Agrimaches côtières serviront de vigies. Espérons qu’ils resteront à portée jusqu’à ce que nous lancions Poursuivant Un. »

ARNOLD parcourait le pont, la jambe raide, appuyé sur une canne.

« Je ne rentrerai pas à la fourmilière sans ma poule grivelée, » marmonna le géant. « Je serai bientôt guéri de ce mal des profondeurs. Je peux continuer à la chercher. »

— « Ton système enzymatique a des ratés. Tu as besoin du pain de la fourmilière, » dit le navire.

— « Essaie encore d’entrer en participation avec les banques de mémoire du Bio. S’ils relâchent leur surveillance un seul moment, nous pourrons connaître la formule. »