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« Salut ! »

Larry se tourna vers les machines obscures à proximité. « Est-ce que l’une de vous fonctionne ? » Il promena à la ronde le faisceau de sa lampe pectorale. Épidermes métalliques déformés et couverts d’algues, optiques aveugles. Mais l’une des paires d’optiques clignota en retour. « C’est donc toi. Tu n’as pas assez d’énergie pour allumer tes lampes-témoin ? »

— « Non, » dit-elle. « Durant la bataille, on m’a mise en manuel, ce qui m’a épuisée. Je suis très bas. »

Larry regarda autour de lui. « Je vais amener un câble générateur… »

— « Non. Mes plaques sont O.K. C’est ma roue inertielle qui en a besoin. C’est un volant à support magnétique qui emmagasine la force giratoire. Je l’emploie pour tout, excepté le travail mental. »

— « Et comment recharge-t-on ce volant ? »

— « Tu montes l’Araignée d’Uréthane. Elle m’a déjà dépannée. As-tu le temps de t’occuper de moi ? »

— « Ça dépend. Laisse-moi te sortir de ce tas de ferraille. Mais… tu n’es qu’une boîte ! »

— « J’ai perdu mes accessoires dans une explosion. Ma mâchoire d’accouplement flexible se trouve sous le dessous. Elle peut se raccorder à l’extrémité de ton arbre de transmission. »

— « Eh bien… Je ne sais pas… »

— « L’Araignée l’a déjà fait. Ça ne prend qu’une seconde. Appelle une grue avec un crochet à pivot et soulève-moi à environ un mètre du sol. Je pèse une cinquantaine de kilos ; alors, attention à tes pieds… euh !… tes sabots. » Elle gloussa.

Larry apprit une foule de choses sur son nouveau corps-mache. Son arbre de transmission était une tige flexible dotée d’une capacité de torsion de vingt-cinq kilos. Une enveloppe flexible protégeait ses doigts vulnérables durant l’opération.

« Utilise l’huile lourde au bisulfure de molybdène pour réduire le coefficient de friction des surfaces d’accouplement, » lui recommanda-t-elle.

— « Je ferais peut-être mieux de sortir d’ici. Je n’aime pas être aussi proche d’un générateur. »

— « Ce n’est pas nécessaire. Mets ce casque spécial. » Il obéit.

« Garde la même capacité de torsion. N’oublie pas que l’arbre déviera en charge maximum. Il se mettra à tourner comme une hélice. Mais nous ferions mieux d’enclencher notre monture hélicoïdale pour plus de sûreté : quarante-cinq degrés d’inclinaison, un virgule soixante-quinze sur l’arbre, cinq rainures par centimètre. »

Elle prescrivit au centaure de passer en position satyre et de s’étendre sur le pont pour aligner les biseaux. Elle descendit en pivotant sur l’écrou, selon la meilleure technique « panier oriental ». À chaque tour, elle descendait d’un demi-centimètre environ. Après trente révolutions, la boîte se mit en place. Le long câble qui la reliait à la grue se mit à vibrer, d’un mouvement simple et harmonique. Quand la monture se resserra, un fluide visqueux réduisit les vibrations.

« Maintenant ! » dit-elle. « Enclenche l’arbre de transmission. Mon diamètre de logement est suffisamment grand. Je suis conçue pour recevoir quarante-cinq mille livres par centimètre carré. » Ses lampes papillotèrent plusieurs fois, puis s’allumèrent de tout leur éclat. De nombreuses lampes-témoin pailletaient son châssis. Il y en avait trois grosses au centre, qui ressemblaient à des yeux. D’autres étaient disposées en volutes et en boucles, beaucoup plus décoratives que fonctionnelles. Des alvéoles vides marquaient l’emplacement des bras et des jambes.

Le pont rugueux irritait le dos de Larry.

« Ça va ? »

— « Parfait. Merveilleux ! » Sa voix était trop chaude. « Tu peux disconnecter le câble générateur et me faire pivoter dans l’autre sens pour défaire l’accouplement. »

La grue la redéposa parmi les robots de guerre cassés. Ses lampes témoin flamboyaient. « Merci. C’était vraiment très gentil. »

Larry était euphorique, ce qui lui parut louche. Il se releva et épousseta son mannequin. Quand il ôta son casque, les marques sur son dos lui causèrent des élancements. À nouveau, il était irrité. Ce changement d’humeur lui mit la puce à l’oreille. Il examina l’intérieur du casque. Des transducteurs gris tendre lui firent un clin d’œil. « Des stériosoniques ! » s’écria-t-il. « À quoi ce dispositif est-il relié ? »

— « Il est branché sur la zone érogène de ton mannequin : la monture filetée. Ces soniques sont dirigés sur ton hypothalamus et plusieurs noyaux du cerveau moyen : Brady, Lilly, Olds… le système réticulaire. »

— « Les centres de plaisir ! »

— « Je voulais que tu éprouves du plaisir à me recharger. J’aime échanger du plaisir contre de l’énergie ; un marché honnête, » dit-elle.

Il se fâcha tout rouge et recula vivement. « Je ne veux pas faire ça avec une machine ! »

Sa mâchoire d’accouplement s’avança en une moue chagrine.

« Je peux veiller à ton alimentation en énergie, mais tu n’as pas besoin de… euh ! me payer de cette façon ! » grommela-t-il.

— « Tu es gêné. Je suis vraiment désolée. »

— « Je ne suis pas gêné. Mais je ne te considère absolument pas comme un objet sexuel. Tu n’es qu’une boîte rouillée… »

— « Et quand je serai réparée ? Tu m’aideras à choisir mes nouveaux accessoires… des jambes, des bras, une tête ? »

Il refusa de répondre. Son attitude était trop familière, possessive et féminine. Elle eut un petit rire. « Qu’y a-t-il de si drôle ? »

— « Mon nouveau nom. Tu peux m’appeler Rouille. Ça te plaît ? »

— « Non. Quelle sorte de machine es-tu ? »

— « Regarde bien mes trois yeux. » Les trois lampes changèrent rapidement de couleur et des symboles apparurent, un à la fois : un citron et deux cerises. « Je suis une machine à jetons, pour les jeux de hasard. »

— « Et que gagne-t-on ? »

— « Sur le dernier vaisseau où j’étais, on m’avait branchée au cerveau du bateau et je distribuais les crédits-calories. Dans l’équipage de Poursuivant Trois, il y a eu des veinards qui sont allés à la mort avec des savorisées pour toute une année. »

— « Tu parles d’une chance ! » Larry trépignait en décrivant un large cercle et en agitant les bras. « Une machine à jetons femelle ! Et elle a besoin de mon mannequin pour se recharger ! » Il s’arrêta, inquiet. « Cela m’ennuie de te le demander… mais tu dois te… euh ! recharger souvent ? »

Elle gloussa et fit cligner son œil central. « Tous les jours ce serait l’idéal, mais une fois par semaine ça peut aller. »

Larry descendit pour le souper. Les épouses d’ARNOLD fixaient avec méfiance son torse luisant. Il caracola autour de la table, sourit, et se mit en position satyre, pour s’asseoir comme un humain.

Poisson-Lune lui apporta son habituel sandwich aux légumes verts. L’Épurateur de Sang avait abaissé son taux d’urée et de potassium, le soulageant de sa perpétuelle nausée urineuse. L’arôme des palourdes à la vapeur et du homard bouilli fit gonfler ses narines. Il se sentait en appétit pour la première fois depuis la perte de son premier mannequin. Il ouvrit son sandwich d’ascète, y ajouta une tranche de poisson rôti, et mordit une grosse bouchée. Des miettes tombèrent. Il entassa sur son assiette des tentacules de calmar, de la laitance d’oursin, des moules. Trois chopes de bière de Rorqual plus tard, le satyre était allongé, appuyé sur le coude droit, et bavardait librement, la voix un peu pâteuse.