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ARNOLD travaillait dans sa cabine, les petits éléments d’une main mécanique étalés sur le sol autour de lui. Il fournirait une prothèse au négociateur, s’il parvenait à persuader les Océanides d’accepter une rançon. À la vue de Palourde, ils se sentirent soulagés. « J’aurais dû le savoir ! » s’écria Larry. « La fourmilière nous a dit que vous aviez fait prisonnier un des leurs. Accepteriez-vous une rançon ? Nous avons un transmetteur, et sommes en communication avec l’un des présidents de la fourmilière, qui désire vivement récupérer son homme. »

— « Prisonnier ? » dit Palourde.

Larry sentit son sang se glacer. « Oui. Prisonnier. N’avez-vous pas capturé une péniche de la fourmilière ? Je vois des vêtements bariolés sur vos femmes, là-bas. Ils viennent de la fourmilière. »

— « Nous avons arraisonné la péniche, mais nous n’avons pas fait de prisonniers. »

Larry examina les ponts du trimaran, depuis la proue de Rorqual. Ils étaient jonchés de boîtes décorées, de garnitures dorées, de babioles électriques ; tout avait été cassé par les primitifs curieux. Un cercle de pierres et une pile d’ossements carbonisés racontaient le reste de l’histoire.

« Ils l’ont mangé, » fit tristement Larry.

Wandee fut suffoquée. Furlong se leva et quitta la pièce. La fourmilière pouvait transformer les Citoyens en protéines de base, mais un individu n’avait pas le droit d’en manger un autre !

« Je sais que ça paraît barbare, » reprit l’homme-tronc, « mais Palourde pense que vous devriez vous sentir honorés. Manger son ennemi après l’avoir vaincu est le plus grand hommage qu’on puisse lui rendre. Cela signifie que vous l’admirez et désirez lui ressembler. »

Wandee garda le silence. Le Batteur se pencha par dessus son épaule et coupa la communication.

ARNOLD se contenta de serrer les mâchoires. « Cela découragera peut-être cette satanée fourmilière d’envahir nos mers. »

Larry haussa les épaules. « Cela devrait servir à quelque chose. »

Rorqual regagna l’archipel.

Furlong introduisit une paire de Médimaches dans la chambre du Grand Maître Ode. « Il est temps d’arrêter le traitement E°par courant d’électrons. Aujourd’hui, on va remplacer le plâtre par une armature. »

— « Bien ! Ces démangeaisons commençaient à me déprimer. Où est le Batteur ? »

— « Il viendra vous voir dans la salle des Guéris. En fait, vous êtes en bien meilleure forme que lui. Il se ratatine avec l’âge. Il a l’air chaque jour plus petit. »

— « N’a-t-il pas reçu un traitement quand il était président ? »

— « Non. Il a perdu son droit de priorité en démissionnant. Mais nous essaierons de faire quelque chose pour lui, » dit Furlong en souriant. « Je vous verrai quand on vous aura enlevé le plâtre.) »

Des artères épaissies battaient sous le mince cuir chevelu du Batteur tandis qu’il installait l’échiquier dans la salle des Guéris. Ode était endormi lorsqu’on l’amena sur un chariot. Le Batteur s’assoupit aussi.

« Dites donc ! » intervint Wandee. « Allez-vous dormir éternellement, tous les deux ? »

Ode essaya d’ouvrir les yeux, mais une de ses paupières le démangeait douloureusement. « Ouille ! Je ne vois pas bien clair. »

— « Ce sont simplement les sédatifs. Y vois-tu assez pour faire une partie ? »

— « Non, » gémit le Grand Maître. « Mes jambes me tuent ! »

Le Batteur ramassa les pièces et alla les ranger. Il était trop fatigué pour rentrer dans son habitacle, et il dormit sur une natte dans un coin. Wandee contempla ses deux amis. Tous deux semblaient avoir besoin de repos. Elle vérifia leurs pouls et les imprimés avant de sortir.

Wandee appela Furlong : « Président, je viens de contrôler la Médimache du Grand Maître Ode. Les relevés semblent avoir empiré depuis qu’on a ôté le plâtre. Il souffre davantage, et son œil gauche… »

— « Ne vous inquiétez pas. Cela se produit parfois dans des opérations de ce genre. Quand on retire les électrodes, il faut s’attendre à ce que cela irrite le cal osseux qui ressoude la fracture. Il se sentira mieux demain. »

Le Batteur fut réveillé par les plaintes d’Ode. Il resta à son chevet jusqu’à ce que la Médimache ait administré une Haute Dose de tranquillisant. Mais le narcotique n’allégea pas les souffrances d’Ode. Le Batteur bondit dans le couloir et revint avec la Médimache. On fit passer à Ode une série de tests. Le Batteur ne comprenait rien à ces suites de chiffres. Un tech entra, avec un flacon d’édetate de bisodium de calcium, qu’il ajouta au sérum qui l’alimentait par voie intraveineuse. Sur son plateau-repas, on plaça un shaker de dolomite en poudre.

« Ça va un peu mieux, » soupira Ode. « Ces douleurs dans l’estomac m’inquiétaient. Elles s’étendaient partout. » Il promena ses doigts sur son torse, palpant, sondant… rien. « J’avais mal là, puis là. À présent, la douleur est partie. Les spasmes musculaires ont pris fin également. »

— « Dois-je appeler… »

— « Non, non. Je vais bien. Je vais boire quelque chose, et ensuite nous pourrons nous occuper de cette partie d’échecs dont tu parlais. »

Le Batteur prépara l’échiquier tandis que son vieil ami buvait, et leurs doigts paralysés par l’arthrite tremblaient en prenant les pions et la coupe. Le Batteur gagna à pile ou face le droit de commencer et prit le roi de droite. Il attaqua en I-P-D4, et le roi de gauche riposta par I-N-CF3. Le Grand Maître utilisa une défense semi-Tarrasch, avec une série de combinaisons non orthodoxes qui pimentèrent le milieu de la partie. Le Batteur se trouva bientôt confronté à l’impossible tâche d’arrêter deux pions associés, avec son seul roi. « Bien joué, » dit-il en renversant son roi.

Ode retapa sa literie pendant que son hôte rangeait les pièces du jeu d’échecs. Le silence du Batteur le mettait mal à l’aise.

« Je serai bientôt sur pied, » dit-il faiblement. « Comment se présente ma nouvelle fonction d’ambassadeur ? »

Le Batteur s’assit et sortit les cartes du casier. « Très bien. Nous sommes en train de monter un faisceau de liaison avec détecteurs de mensonge pour éviter toute trahison. Et on a adapté une ligne Psych sur les individus les plus marquants parmi eux. »

— « Pourquoi toutes ces précautions ? »

— « Tu seras notre premier représentant officiel. Nous ne voulons pas prendre un mauvais départ. »

— « Il y a autre chose. Tu ne me dis pas tout. »

Les deux vieux amis lurent dans la pensée l’un de l’autre, l’espace d’un moment. « Ils ont mangé notre négociateur, » dit le Batteur. « Il voguait sur l’océan sans leur consentement, mais avec un drapeau blanc, et ils l’ont mangé, tout simplement. C’était un festin de cérémonie, destiné à nous flatter et à nous décourager en même temps, je crois. »

— « Je suis découragé. »

Le Batteur esquissa un pâle sourire et tapota le bras du Grand Maître. « C’est la raison de toutes ces précautions. À présent, les individus ayant la plus forte personnalité parmi les Océanides ont été catalogués, grâce à la mémoire du C.U. Trois d’entre eux sont issus du même clone : Larry Dever, qui est à l’origine du clone ; cet énorme Entre-les-Murs, et ARNOLD. Larry Dever a été coupé en deux par le milieu du corps, il y a plus de deux cents ans. Il s’est enfui de la Suspension à l’époque où nous étions dans le Service des Égouts. Mais c’est un infirme, et il ne devrait pas représenter de danger. L’Entre-les-Murs est un colosse paisible. Il vit sur une île et n’en demande pas plus ; il ne prend aucune part aux affaires publiques. Nous connaissons ARNOLD : un guerrier agressif, présentant une carence d’acides aminés. »