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— Tu les suçais mieux que ça tes Chinois, croassa-t-il d’une voix pleine de méchanceté.

Une onde de douleur passa dans les yeux marrons de Sani. Mais sans un mot, elle rabaissa sa bouche et reprit sa caresse.

Malko, discrètement, se redressa sur son séant. Il n’eut pas le temps d’aller plus loin. Phil Scott avait tourné vers lui des yeux de glace.

— Restez, fit-il, nous parlerons business tout à l’heure.

Chacun des nerfs de Malko était transformé en câble à haute tension. La lampe à opium s’était éteinte et seule la clarté d’un réverbère d’Anguilla Road permettait de discerner quelque chose. Sani continuait son inlassable caresse, sans paraître se fatiguer. Sans résultat non plus. Peu à peu, Phil Scott avait été pris d’une activité fébrile. Il avait de brusques sursauts, grognait, se trémoussait, arrachait de son ventre la tête de Sani, l’injuriait. Celle-ci continuait inlassablement, sans un regard pour Malko, comme un renard creusant son terrier.

Elle s’interrompit enfin, glissa le long du corps étendu, s’allongeant sur lui et se mit à onduler, incrustant son ventre au sien.

Ce corps brun, superbe était suprêmement excitant. Sauf pour Phil Scott.

Brutalement, ce dernier attrapa Sani par l’épaule et la fit basculer sur le côté. Elle se retrouva sur le dos, le triangle de son pubis faisant une tache plus sombre sur sa peau cuivrée. Elle haletait légèrement, la bouche entrouverte, le corps encore agité d’ondulations.

Phil Scott se dressa brusquement, appuyé sur une main. Une lueur de folie brillait dans le bleu de ses yeux délavés. Il la prit à la gorge, la secouant violemment.

— Salope, tu veux te faire baiser. Hein, c’est tout ce que tu veux !

— Phil ! gémit Sani d’une voix étranglée, please. Je t’aime.

— Salope, répéta l’Australien avec conviction. Il se tourna vers Malko. « Baisez-la ! Qu’elle me foute la paix. »

Appuyé sur un coude, Malko observait la scène, partagé entre le dégoût et le désir. Cela avait une allure irréelle de mauvais psychodrame. Sani tourna lentement la tête vers lui et il croisa son regard. Entièrement soumis, avec une sorte de désespoir animal et autre chose de plus ambigu.

— Vas-y, répéta Phil Scott.

Il lâcha son cou et, violemment la poussa contre Malko. Elle s’approcha à quatre pattes et, comme une automate, se coula contre lui. Il sentit la tiédeur de son corps élastique à travers le tissu du sarong, et cela fit battre encore plus vite le sang dans ses tempes. D’abord, elle demeura strictement immobile, puis sa bouche mordit légèrement la chair de son épaule, descendit le long de son torse, ses mains défirent le sarong, comme on déshabille un enfant, trouvèrent son ventre. Leur seul contact faillit le faire hurler de plaisir. Elles étaient si souples qu’elles semblaient ne pas avoir d’os.

Le ricanement tout proche de Phil Scott le toucha brutalement.

— C’est ça ! Petite salope. Excite-le bien !

Dressé sur un coude, il les observait, ses yeux bleus brillant de haine. Malko remarqua que la caresse de Sani semblait avoir agi à retardement. Mais Phil Scott ne semblait pas s’en soucier. La bouche de Sani le quitta. D’un seul geste, elle se coula contre lui, l’enjamba, creusa son ventre et s’empala sur lui d’un geste coulé. Sans même qu’il ait à se guider en elle, tant elle était déjà prête. Instinctivement, il enfonça ses doigts dans la chair élastique de ses hanches. Elle se redressa, les yeux révulsés, la bouche ouverte sur un cri silencieux. Le torse très droit, faisant jaillir sa somptueuse poitrine, s’élevant et se laissant retomber sur un rythme lent, s’accrochant des deux mains aux flancs de Malko.

Phil Scott, dressé sur un coude, les contemplait, les prunelles agrandies comme un hibou, son sexe en érection. Les yeux fixés sur le couple, sa main commença à s’activer, tandis qu’il murmurait des mots incompréhensibles.

Sani avait tourné la tête vers lui, les yeux pleins d’amour dément. Elle accéléra les mouvements de son bassin, calquant son rythme sur celui de son amant. Ne laissant aucune initiative à Malko.

En entendant le gémissement rauque, il sut avant même de le voir que Phil Scott était arrivé au bout de son chemin. Aussitôt, comme prise de frénésie, Sani accéléra son rythme, Sani soulevant ses reins si loin qu’elle faillit le perdre, se laissant retomber de tout son poids ensuite. Jusqu’à ce que la semence de Malko jaillisse en elle. Elle s’immobilisa aussitôt, le ventre frémissant, les yeux fixés sur son amant.

Phil Scott avait toujours la main nouée autour de son organe, les traits crispés, douloureux. Comme si, au dernier moment, il n’avait pu aller au bout de son plaisir.

Alors, il se passa quelque chose d’inouï. Sans même s’arracher de Malko, Sani pivota, allongea la main vers l’Australien, atteignit son sexe, écarta les doigts de son amant, prit leur place. En quelques mouvements, elle en vint à bout. Phil Scott poussa un cri léger, se laissa aller en arrière. La main avec laquelle il s’était caressé, partit à la rencontre de celle qui tenait encore son sexe. Les dix doigts s’entrelacèrent et demeurèrent immobiles. Malko en dépit du poids de Sani sur lui, sentait qu’il n’existait plus.

Ils restèrent ainsi un temps qui parut infiniment long à Malko. Le poids de Sani lui coupait la respiration. Puis la jeune femme s’écarta doucement de lui, aussi naturellement que s’ils venaient de prendre le thé. Elle dégagea ses doigts de ceux de Phil Scott. Ce dernier était retombé en arrière, foudroyé, et s’était endormi immédiatement, la bouche ouverte. Sani ramassa un des saris, se drapa dedans, jeta un regard plein de tendresse à l’Australien, puis se tourna vers Malko, et dit d’une voix douce :

— Il ne faut pas en vouloir à Phil. Il est très malheureux parce qu’il ne peut plus faire l’amour normalement. Il lui faut des choses très compliquées, maintenant…

— Qu’est-ce qui l’a amené là ?

Sani eut un sourire innocent et triste.

— Le « chaudi[7] » surtout. Depuis deux ans, il boit aussi.

Malko était en train de se rhabiller, perplexe :

— Pourquoi supportez-vous cela ? demanda-t-il. À dix-huit ans…

Sani secoua doucement la tête.

— Je l’aime. Quand nous serons mariés, cela ira mieux.

Il éprouvait une certaine honte d’avoir fait l’amour de cette façon. Sani semblait l’avoir totalement oublié. Elle l’accompagna à la porte et dit très vite :

— Je suis sûre qu’il peut vous aider pour ce que vous cherchez.

— Comment le savez-vous ?

— Il m’en a parlé. Il a appris que Tong Lim est à Singapour.

Malko sentit son cœur battre plus vite. Mais Sani repoussait déjà la porte. Sans même l’embrasser.

Dans le jardin, l’air était tiède, les étoiles brillaient. Il se retrouva sur Orchard Road déserte, la tête lourde, et agité de pensées contradictoires. Est-ce que, par hasard, cette folle soirée allait lui être utile ? Le grand building blanc du Mandarin se détachait sur le ciel clair un peu plus bas. Il lui fallut à peine cinq minutes pour regagner le Goodwood. En se mettant au volant, il se dit que le beau vernis du puritanisme de Singapour commençait à craquer. Il y avait sûrement d’autres fissures. Pour regagner le Shangri-la, il ne croisa pas une seule voiture. À 3 heures du matin, Singapour était totalement mort. Le portier chamarré à aigrette le regarda curieusement.

Malko n’arrivait pas à ôter de son esprit l’incident des crocodiles. Il fallait un autre son de cloche que l’opinion de Phil Scott.

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7

Opium prêt à fumer.