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Les cinq Chinois arrivaient sur lui. Ils stoppèrent à dix mètres, puis s’avancèrent tranquillement, sûrs de leur coup.

Malko, dans un réflexe de désespoir, ôta sa veste de soie et la brandit devant lui. C’est tout ce qu’il avait pour arrêter l’acide. Les muscles tendus, il attendit.

À l’autre bout de la ruelle, il entendit le brouhaha impuissant des spectateurs horrifiés et les cris déchirants des blessés. Le conducteur du tri-shaw gémissait, recroquevillé sur lui-même.

Le premier Chinois visa soigneusement et une boule d’acide jaillit dans sa direction. Instinctivement, il jeta sa veste en avant. La boule se brisa dessus et il dut lâcher la veste. Maintenant, il n’avait plus rien pour se défendre. Il fit face aux cinq visages grimaçants qui s’approchaient. À ses pieds, la veste verte, mangée par l’acide, fumait.

Un des Chinois leva le bras et visa sa tête.

Chapitre VII

Le jeune Chinois qui ramenait son bras en arrière pour lancer sa boule d’acier ne termina jamais son geste. Il y eut un cri rauque derrière lui, comme un aboiement, poussé par une forme humaine qui semblait sortir du mur et s’était précipitée dans sa direction.

Malko vit soudain le Chinois se plier en arrière et lâcher sa boule d’acide qui tomba à terre. Il tournoya sur lui-même, exposant une excroissance noirâtre qui sortait de son flanc droit, à la hauteur de ses reins.

Un poignard.

Les quatre autres Chinois s’étaient immobilisés. Deux autres formes jaillirent de l’ombre. Malko distingua une ouverture très basse dans le mur. Stupéfait, il s’aperçut que les trois nouveaux venus étaient des femmes !

Des Chinoises qui ne devaient pas dépasser 1,50 m, en jupe et en sandales de tennis. L’une d’elles brandissait dans la main gauche un couvercle de poubelle comme bouclier. Un autre faisait tourner au bout de son bras une chaîne de moto. Les quatre voyous semblaient aussi médusés que Malko. Ils n’eurent pas le temps de récupérer. Le blessé n’avait pas envoie atteint le sol que les trois inconnues se ruaient à l’attaque avec une brutalité inouïe.

Tout se passa en quelques secondes, dans un feu d’artifice de cris inarticulés. Une des filles bondit une jambe à l’horizontale et, d’un coup de pied précis, écrasa la trachée-artère d’un des voyous qui laissa tomber par terre sa boule d’acide.

Avec un hurlement sauvage, celle au bouclier se rua vers les trois autres serrant un long poinçon dans la main droite. Les Chinois encore debout ne pensaient plus à Malko mais à repousser cette attaque inattendue. Trois boules d’acide s’écrasèrent sur le bouclier. Celle qui le tenait, parvint à la hauteur du premier Chinois, se baissa et d’un seul élan, lui plongea son arme dans le bas-ventre. Mais elle n’eut pas le temps d’éviter le poignard d’un autre Chinois qui s’enfonça dans sa cuisse. Elle poussa un cri sourd et recula en boitillant, se protégeant tant bien que mal. Les deux Chinois encore debout s’étaient adossés au mur, protégeant celui qui gémissait à terre, le poignard planté dans ses reins. Une boule s’écrasa sur le bord de la poubelle et la fille poussa un cri, brûlée par des éclaboussures d’acide. L’une des trois courut vers Malko, le prit par le bras et le poussa avec une force insoupçonnée vers le trou d’où elles étaient sorties. La blessée l’avait déjà atteint, tandis que la fille au bouclier tenait en respect les voyous.

— Quick[9] ! cria la Chinoise. En s’engouffrant dans l’ouverture. Malko eut le temps d’apercevoir la fille au bouclier cingler à toute volée d’un coup de chaîne de moto le visage d’un des Chinois.

Il tâtonna dans l’obscurité d’un étroit couloir puis une lumière s’alluma devant lui. Les trois furies encore haletantes l’encadraient, échangeant de brèves interjections, soutenant la blessée. La lumière se rapprocha. Une torche électrique tenue par une Chinoise semblable aux trois autres. Dans l’autre main, elle tenait un parang[10] à la lame rouillée.

— Quick, répéta-t-elle.

Malko se mit à courir derrière elle, talonné par les trois furies, trébuchant, se cognant le long d’un couloir puant et obscur. Puis ils émergèrent dans une cour, pour replonger dans un autre couloir, franchir des tas de gravats aboutissant enfin en face d’un escalier qui s’enfonçait dans le sol.

Il dégringola les marches de bois et s’arrêta. Une des Chinoises passa devant lui et ouvrit une porte. Une odeur de haschich, de soupe chinoise et de sueur frappa ses narines. Il avança dans une grande cave brillamment éclairée découvrant un spectacle inouï.

Assis sur des nattes à même le sol, tassés les uns contre les autres, il y avait une vingtaine de travestis, semblables à ceux rencontres dans Bugis Street. Maquillés, vêtus de robes ouvertes dans tous les sens, coiffés de perruques ! La cage aux folles ! Les uns fumaient, d’autres bavardaient, mais la plupart étaient prostrés, amorphes, les yeux dans le vide. Ils semblèrent à peine remarquer l’entrée de Malko. Une des furies s’avança vers les deux plus proches et jeta un ordre en chinois. Aussitôt, docilement, ils se levèrent et disparurent vers l’escalier.

La fille au bouclier se fraya un passage au milieu de la masse humaine, faisant signe à Malko de la suivre. Comme l’un d’eux ne s’écartait pas assez vite, elle le frappa avec sa chaîne brutalement et il tomba sur le côté avec un cri de souris. Ils atteignirent un rideau de velours rouge rapiécé et taché. La Chinoise le souleva :

— Come in.

Malko écarta le rideau, pénétrant dans une autre pièce qui lui parut, dans la pénombre, ressembler à un bar. De la musique chinoise jouait en sourdine. Plusieurs Chinoises étaient assises sur des chaises ou des tabourets.

L’une d’elles s’avança vers lui, la main tendue.

Somptueusement différente des furies qui l’avaient sauvé. Sa robe chinoise noire brodée de dragons, fendue très haut des deux côtés, moulait un corps ravissant et élancé. Le galbe des jambes étaient accentué par des escarpins très hauts. Mais le visage de l’inconnue démentait la sensualité de son corps. Les yeux intelligents brillaient d’un éclat avide et dur, au milieu d’une face plate au nez très épaté et aux lèvres épaisses, presque négroïdes. Pourtant l’ensemble était assez séduisant, attirant même.

Mais quand la chinoise, tendant la main à Malko, retroussa sa lèvre supérieure, elle exhiba une rangée de dents plantées en avant et lui fit penser instantanément à un requin.

— I am Linda, dit-elle d’une voix neutre.

Elle arborait une étrange montre au poignet gauche : un large bracelet d’or où étaient enchâssés deux cadrans. À tous les doigts, chatoyaient des bagues, incrustées de pierres. Un énorme papillon d’émeraudes était pendu autour de son cou par une lourde chaîne d’or. Malko fut fasciné par les yeux. Deux taches noires sans vie, sans chaleur.

Il retira sa main. Aussitôt, Linda jeta, retournant la sienne, paume en l’air :

— Votre argent !

C’était tomber de Charybe en Scylla ! Derrière Malko les furies attendaient en silence. Il avait l’impression d’être au centre de la terre, dans un univers de fiction. Le luxe de Linda contrastait incroyablement avec le cadre misérable, les murs suintant d’humidité ! Il sentit qu’il valait mieux ne pas discuter. Se fouillant, il tira une liasse de dollars de sa poche. Aussitôt, les longs doigts aux ongles rouges s’en emparèrent et les donnèrent à une des furies. De nouveau, le sourire retroussa les lèvres sur les dents de requin.

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10

Sorte de coupe-coupe malais.