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Déjà Sakra hurlait des injures et des menaces, le téléphone à la main.

Luttant contre son étourdissement, Malko lui arracha l’appareil et ils se retrouvèrent l’un contre l’autre, haletants, emmêlés dans une lutte furieuse. Il sentait le cœur de Sakra qui battait follement contre ses côtes. Tout à coup, elle dit d’une voix imperceptible qui contrastait avec sa fureur.

— Laissez-moi ! Pourquoi faites-vous cela ? Je veux partir. Je ne sais rien.

Elle parlait comme une somnambule, les yeux révulsés, la bouche entrouverte. Ivre de Champagne et de violence. Malko n’avait plus du tout envie de la laisser partir. Même si elle ne savait rien. Le spectacle de ses superbes seins qui se soulevaient à quelques centimètres de lui, à peine protégés par les débris de soie noire le rendait fou. Encouragé par le calme soudain de Sakra, il laissa sa main gauche glisser le long du corps de l’Indienne, l’effleurant du torse à la cuisse. Lorsqu’il effleura son pubis à travers le tissu noir, elle eut un sursaut désespéré, un cri d’oiseau et une détente de tout son corps. Mais cette fois, elle n’essaya pas de mordre.

Malko acheva de la déshabiller sans rencontrer de résistance. Quand il entra en elle, elle était brûlante et douce, comme du miel. Les deux morceaux de réglisse continuaient à fixer le plafond, mais la bouche épaisse aux lèvres violettes était déformée en un rictus mécanique. Malko s’acharnait sur ses hanches un peu enveloppées, pétrissant la poitrine somptueuse et ferme, s’acheminant vers son plaisir quand Sakra sembla retrouver la vie. Elle l’agrippa soudain à plein bras, se jeta contre lui, une langue dure pénétra sa bouche, puis il n’éprouva plus qu’un feu d’artifices des sensations violentes. Sakra se jetait dans l’amour comme un derviche dans sa danse. Déchaînée, trempée de sueur, hystérique. Des mots inattendus jaillirent de sa bouche entrouverte, comme une litanie obscène, criés plutôt dits. En contradiction inouïe avec son attitude si sage.

— Oh yes ! Like that ! Inside… Jésus-Christ… Oh ! Oh…

Sentant que Malko prenait son plaisir, elle s’accrocha encore plus fort.

— Fuck-me, fuck-me, fuck-me[14].

Sa voix était détimbrée, absente.

Mais lorsqu’il voulut s’écarter, elle le retint de ses jambes, de ses bras, de sa bouche, de tout son corps, de chaque centimètre carré de sa peau. Ils refirent l’amour sans même s’être séparés. Doucement d’abord, puis brutalement.

Malko n’arrivait plus à se lasser de cette étrange veuve. Il l’écartelait, la martelait, l’ouvrait, la prenait encore, sans qu’elle semble jamais s’en rassasier. Sans un mot. Avec des grognements, des halètements, des glissements humides, de petites exclamations. Plus il devenait brutal, plus elle était alanguie, soumise, dans ses bras, souple comme une peau vide et, pourtant, toujours prête à le reprendre en elle. Maladroitement, avidement, agressivement. Il la pétrissait, aurait voulu lui arracher des hurlements, mais elle préférait mordre ses lèvres épaisses jusqu’au sang.

Cela dura un temps infiniment long. Ils somnolèrent. Puis elle le récupéra à tâtons, ils firent l’amour presque en dormant. Fugitivement, il pensa à Ibrahim, de l’autre côté de sa porte.

Quand enfin ils s’arrêtèrent, il était une heure du matin. Sakra fixait Malko, d’énormes cernes sous les yeux. Il lui sourit, mais elle lui répondit par un regard noir, presque méchant. D’un geste vif, elle attrapa son haut et couvrit sa somptueuse poitrine aux pointes violettes qui continuaient à saillir sous la soie comme d’impertinents animaux. Comme Malko se penchait vers elle, tout son corps partit en arrière et elle cracha :

— Salaud, vous m’avez violée !

Il la détailla. Le nez court, un peu épaté, les épaisses lèvres violettes, la profonde échancrure de l’œil noir. Une bête de proie. Cachant ses deux grains de beauté sous le sein gauche. Soudain, il vit la tache de sang sur sa chemise qu’il n’avait pas eu le temps d’enlever et découvrit la petite blessure ronde, déchiquetée, à la naissance de son cou. Comme une morsure de vampire.

Les dents de Sakra.

Il ne se souvenait même plus de l’avoir senti, tant avait été violent leur affrontement.

— Nous avons fait merveilleusement l’amour, dit-il. Presque pour lui-même.

Elle baissa les yeux. Pleine de honte. Il la sentait en train de se construire une petite histoire bien convenable, à base de viol, de contrainte et de Champagne. Puis elle se mit à pleurer et gémit.

— Je n’aurais jamais dû venir… Vous m’avez fait boire. Vous vouliez faire ça avec moi. Je l’ai senti la première fois où je vous ai vu…

— Pourquoi êtes-vous venu, alors ? demanda Malko agacé par tant d’hypocrisie.

— J’ai cru que vous étiez très malade, blessé. Sur la photo du journal, vous étiez dans une civière…

Ça avait au moins trompé une personne. Assouvi, Malko laissait sa conscience professionnelle prendre le dessus.

— Sakra, dit-il. Je suis sûr que vous savez quelque chose sur la mort de votre mari que vous ne m’avez pas dit. Je ne le répéterai à personne.

— Vous mentez, fit-elle. Vous êtes journaliste.

— Je ne suis pas journaliste.

Elle se tut, la bouche encore ouverte pour répliquer. Dans ses yeux noirs, Malko lut d’abord la stupéfaction, puis la peur et enfin le soulagement.

— Dites-moi, insista-t-il.

D’un coup elle se débloqua et dit à voix basse.

— Tan m’a téléphoné parce qu’il était très en retard. Il voulait surprendre le rendez-vous de Tong Lim avec quelqu’un. Il ne l’avait pas encore vu, mais il avait aperçu sa voiture. Une Toyota 2000 bleue.

— À qui appartenait-elle ?

— Au directeur de la Banque Russe.

— Quoi ?

Malko n’en croyait pas ses oreilles.

— Vous ne vous trompez pas ?

— Non.

— Qui l’avait prévenu.

— Un informateur. Un Chinois qui lui téléphonait de temps en temps. Un certain Hong-Wu. Je ne sais rien de plus.

— Après la mort de mon mari, la police m’a dit qu’il ne fallait pas poser de questions. J’ai compris que si j’essayais de parler aux journaux, il m’arriverait des ennuis. Je perdrai mon travail, des choses comme ça. Ils avaient reçu des ordres…

Comme si elle en avait trop dit, Sakra se leva brusquement, exposant ses fesses cambrées, légèrement empâtées qui ressemblaient à deux énormes olives et se mit à se battre avec ce qu’il restait de son vêtement… Malko la regarda s’habiller, partagé entre la nostalgie et la stupéfaction. C’était rare de rencontrer une telle amoureuse. Et l’information qu’elle venait de lui donner n’avait pas de prix. Fiévreusement, il essayait de reconstruire dans sa tête l’histoire Lim avec ce nouvel élément.

— J’aimerais vous revoir, dit-il.

Sakra se ferma de nouveau.

— Non, je ne veux pas. Vous m’avez fait mal. J’ai mal partout. J’ai des bleus, vous êtes une brute.

Elle recommençait, s’excitant elle-même. Elle acheva de se rhabiller, cachant le corps somptueux qui venait de donner tant de plaisir à Malko. Celui-ci s’approcha, mais elle fit un bon en arrière.

— Je vais vous raccompagner.

— Non.

Elle avait déjà ouvert la porte de la chambre. Malko enfila un pantalon et la suivit dans le couloir jusqu’aux ascenseurs. Au moment où l’appareil arrivait, il la prit par les hanches et elle se laissa faire. L’espace d’une seconde, il eut encore sa chair élastique contre lui, son ventre bombé qu’il avait tant labouré, puis elle lui échappa.

Il revint sur ses pas dans le couloir désert. Absorbé par ses pensées. Dégrisé. Au moment où il venait de dépasser la porte donnant sur l’escalier de service, il perçut un léger grincement derrière lui. Tétanisé, il se retourna d’un bloc.

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14

Baisez-moi ! Baisez-moi ! Baisez-moi !