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Le Chinois se retourna vers un des guichets, et précisa.

— Mr Hong-Wu vous attend là-bas.

Malko aperçut un visage rond et souriant. Il s’avança jusqu’au guichet. Le Chinois lui tendit la main à travers le guichet.

— Je suis Mr Hong-Wu, annonça-t-il à voix haute.

— Je crois savoir qui vous êtes, dit Malko. Mais…

Le Chinois eut un sourire poli.

— Effectivement, nous avons déjà été en rapport. Dans Sago Street.

Ainsi c’était son mystérieux sauveteur.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-il.

Le Chinois accentua son sourire.

— Je ne suis pas du tout important, dit-il onctueusement.

— Pourquoi m’avez-vous aidé ?

Le visage du Chinois prit une expression sévère.

— Pour faire éclater au grand jour un complot des révisionnistes soviétiques.

Malko le scruta, de plus en plus intrigué.

— Vous semblez en savoir beaucoup sur cette affaire. Pourquoi ne pas être intervenu directement ?

Celui qui se faisait appeler Wong-Hu eut un sourire fin.

— Nous avons une position délicate à Singapour. Il ne nous est pas possible de nous mêler directement de certaines choses…

— D’abord, comment saviez-vous que j’allais venir ici ? demanda Malko.

— Nous n’avons jamais complètement perdu votre trace, dit modestement le Chinois. Il toussota. Heureusement d’ailleurs.

Malko écoutait, sur ses gardes. Le Chinois se pencha à travers le guichet et murmura.

— On vous attend dehors. On veut vous kidnapper.

Chapitre XVIII

Un flot d’adrénaline accéléra le rythme cardiaque de Malko. Derrière son guichet, Mr Hong-Wu, ressemblait à un sage employé de banque. Or, il était certain que l’homme à qui il parlait était un membre des services spéciaux chinois. Il fallait une raison sérieuse pour qu’il se découvre ainsi.

— Qui va m’enlever ? demanda-t-il. Et comment ? Il y a beaucoup de gens dehors. Je peux crier, me défendre.

Le Chinois se pencha en avant à travers le guichet.

— Ce sont des hommes de la C.I.S.C.O., en uniforme. La foule croira que vous êtes un malfaiteur. Personne ne vous défendra. Au contraire. Ensuite ce sera trop tard…

Malko examina le visage volontairement inexpressif de son interlocuteur. Autour d’eux, le train-train de la banque continuait. John Canon devait être loin. Soudain, l’attaché-case plein de billets lui parut terriblement lourd.

— Comment êtes-vous au courant de cette tentative d’enlèvement ? demanda-t-il.

— Nous avons beaucoup d’informateurs, dit le Chinois. Nous avions peur que Tong Lim soit mort sans avoir parlé. Maintenant, nous savons qu’il n’en est rien.

Malko était suffoqué par la certitude tranquille du Chinois.

— Mais enfin comment sont-ils ici à m’attendre ? dit-il. Une seule personne connaissait ce rendez-vous.

Mr Hong-Wu s’extirpa un petit sourire triste.

— Il faut faire très attention au téléphone. Il est souvent surveillé.

Tout cela ressemblait à un mauvais rêve. Après tout, rien ne disait que ce Chinois soit ce qu’il disait. Il y avait déjà eu tant de pièges dans l’histoire Lim. Tant de faux-semblants…

— Pouvez-vous m’excuser une seconde ? dit Malko.

Sans lâcher son attaché-case, il traversa le hall de la banque, s’approchant de la porte tournante.

Il examina la longue queue qui attendait pour signer le livre d’or. Raffles Place grouillait de monde. Tout à coup, il eut un choc au cœur. Contre le trottoir circulaire, il y avait une BMW de la C.I.S.C.O. avec quatre hommes à bord. Prenant dans leur champ de vision l’entrée de la banque. Une fine antenne de radio émergeait du coffre.

Il fit demi-tour, regagna le guichet où Mr Hong-Wu n’avait pas bougé.

— Vous me croyez maintenant, Mr Linge ?

— Qui me dit que cette voiture m’attend ?

Le Chinois secoua la tête.

— À votre place, je ne prendrais pas le risque de le vérifier.

— Bien, dit Malko. Que faut-il faire ?

Mr Hong-Wu eut un hochement de tête imperceptible.

— Quand vous sortirez d’ici, tournez à gauche le long des gens qui font la queue. Suivez la rue jusqu’à Boat Quay. Quelqu’un vous attend dans une barque pour vous faire traverser la rivière. Il vous fera signe. Je ne pense pas qu’ils aient prévu cela…

— Et s’ils tirent ?

Le Chinois secoua la tête.

— Ils ne tireront pas. Ils vous veulent vivant.

Les deux hommes se mesurèrent du regard pendant quelques instants. Son sixième sens disait à Malko que ce Chinois disait la vérité, qu’il voulait sincèrement l’aider. Il se décida d’un coup.

— Très bien, dit-il, je vais faire ce que vous me dites.

— J’espère que tout se passera bien, dit le Chinois. Nous souhaitons de tout notre cœur que vous réussissiez.

Après un petit signe de tête, Hong-Wu recula, disparut du guichet.

Malko reprit le lourd attaché-case et se dirigea d’un pas ferme, vers la porte tournante.

* * *

Après la fraîcheur du hall de la Bank of China, la chaleur poisseuse lui tomba sur les épaules comme une charge de plomb. Calmement, il descendit les marches du perron et s’arrêta sur le trottoir, comme s’il hésitait sur son chemin. La voiture bleue et blanche de la C.I.S.C.O. était en face de lui à dix mètres. À sa gauche, la file des Chinois s’allongeait le long de la petite rue sans trottoir qui rejoignait le quai de la Singapore River.

Il n’était pas là depuis vingt secondes que deux des portières de la voiture bleue et blanche s’ouvrirent. Il en sortit deux policiers chinois en bleu qui s’avancèrent vers Malko, sans se presser. Les deux autres restèrent dans le véhicule. Si Mr Hong-Wu ne l’avait pas prévenu, Malko ne se serait douté de rien. Les policiers semblaient calmes, détendus. Il en eut froid dans le dos. L’enlèvement avait été bien préparé.

Une voiture arriva de Shenton Way, tournant autour de Raffles Place, dissimulant pendant quelques secondes Malko aux yeux des deux policiers chinois. D’un seul élan, il démarra, courant le long de la queue, vers la rivière. La voiture lui permit de prendre une vingtaine de mètres d’avance.

Il entendit des appels derrière lui, en chinois et en anglais. Se retournant, il aperçut les deux policiers chinois lancés à ses trousses. Le chauffeur de la voiture bleue et blanche faisait à toute vitesse le tour de la place pour rejoindre la petite rue par laquelle fuyait Malko.

Un Chinois se dressa tout à coup devant lui, un rasoir à la main. Un coiffeur en plein air, en train d’opérer sur le trottoir. Malko lui envoya l’attaché-case dans l’estomac, le pliant en deux. Les Chinois de la queue le regardaient avec effarement.

Essoufflé, il déboucha sur « Boat-Quay », encombré de marchandises et de véhicules chargeant et déchargeant. Les cris s’enflaient derrière lui. Il dut envoyer un coup de poing à un autre Chinois qui essayait de le ceinturer. L’eau sale de la « Singapore River » disparaissait sous les jonques ventrues et basses sur l’eau, où vivait toute une population lacustre. Il parvint au bord du quai, s’arrêta, cherchant l’embarcation qui devait l’attendre. D’abord, il ne vit que les énormes jonques, bord à bord. Puis il aperçut une barque minuscule coincée entre deux jonques plates. Avec un seul homme à bord. Jeune. En jeans et maillot de corps. Il se retourna, les policiers étaient à trente mètres. Il courut le long du quai. En le voyant le Chinois le héla. Malko arriva au-dessus de lui. L’eau se trouvait à 1,50 m environ en contrebas du quai.

Sans lâcher l’attaché-case, Malko sauta d’un seul élan dans la barque, disparaissant à la vue de ceux qui le poursuivaient. Il crut que le choc de sa chute allait faire chavirer la frêle embarcation. Mais le Chinois poussant sur sa gaffe se mit à godiller furieusement se faufilant habilement entre les jonques. Les deux policiers jaillirent sur le quai, criant des menaces. Malko les vit se consulter. L’un sortit son revolver de son étui et le brandit, visant la barque. À cette distance-là, il ne pouvait pas rater Malko.