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Gösta ne demandait plus grand-chose à la vie. Si on a la tête et les pieds au chaud, il faut s’estimer heureux, c’est ce que disait toujours son grand-père. Gösta comprenait de mieux en mieux ce qu’il voulait dire : il ne faut pas trop en demander. Et depuis qu’Ebba était revenue dans sa vie, après les événements étranges de l’été dernier, il était parfaitement satisfait de son existence. Elle était retournée s’installer à Göteborg, et pendant quelque temps il avait craint qu’elle ne disparaisse de nouveau, que ça ne l’intéresse pas de garder le contact avec un vieux schnock qu’elle n’avait connu que très brièvement dans sa petite enfance. Mais elle donnait de ses nouvelles de temps à autre, et quand elle venait chez sa mère à Fjällbacka, elle passait toujours le voir, lui aussi. Il la trouvait chaque fois un peu plus requinquée, même si elle était encore fragile après tout ce qu’elle avait vécu. Il souhaitait de tout son cœur que ses plaies guérissent et qu’un jour elle retrouve sa foi en l’amour. Et peut-être qu’avec un peu de chance il pourrait faire office de grand-père de substitution et gâter un bambin de nouveau. C’était son rêve : s’occuper des framboisiers du jardin avec un petit à ses côtés, un enfant sur des jambes chancelantes, un doigt solidement ancré dans sa main, qui l’aiderait à cueillir les baies sucrées et juteuses.

Trêve de rêveries ! Il ferait mieux de se concentrer sur l’enquête. Il frémit en pensant aux mutilations de Victoria dont Patrik lui avait parlé, mais s’obligea à repousser sa sensation de malaise. Il ne fallait surtout pas s’y attarder. Il avait vu beaucoup d’atrocités au cours de ses années de service, et même si celles-ci dépassaient l’entendement, le principe restait le même : il devait faire son boulot.

Il lut rapidement le rapport qu’il avait sorti et réfléchit un instant avant de se lever pour rejoindre le bureau de Patrik, voisin du sien.

— Jonas a signalé le cambriolage quelques jours avant la disparition de Victoria. Et la kétamine fait partie des produits qui ont été volés. Je pourrais faire un saut à Fjällbacka pour l’interroger pendant que vous allez à Göteborg, Martin et toi.

Il remarqua le regard de Patrik et se sentit un peu froissé. Néanmoins, il pouvait comprendre la surprise qu’il y lisait. Il n’avait pas toujours été le plus assidu de l’équipe, et pour être tout à fait honnête, cet état de choses durait depuis un moment déjà. La capacité était pourtant là, en lui, et ces derniers temps, un sentiment nouveau s’était manifesté. Il voulait qu’Ebba soit fière de lui. Et puis, il compatissait particulièrement à la souffrance de la famille Hallberg dont il avait suivi de près les tourments pendant plusieurs mois.

— Ça ressemble indéniablement à un lien. C’est bien que tu t’en sois souvenu, dit Patrik. Mais tu es sûr de vouloir y aller seul ? Sinon je pourrais t’accompagner demain.

Gösta déclina l’offre en agitant la main.

— Non, je m’en occupe. Ce n’est pas un gros truc. Et comme c’est moi qui ai pris la déposition, c’est à moi d’y aller. Bonne chance à Göteborg.

Il hocha brièvement la tête et alla rejoindre sa voiture.

La ferme équestre n’était qu’à cinq minutes de route, et il fut bientôt garé dans la cour, devant la maison de Marta et Jonas.

— Toc, toc, dit-il en ouvrant la porte à l’arrière.

Le cabinet vétérinaire n’était pas très grand. Une minuscule salle d’attente, pas beaucoup plus grande qu’un vestibule, un coin cuisine et une salle de soins.

— J’espère que vous n’avez pas de boas ici. Ou d’araignées ou d’autres bestioles de ce genre, plaisanta-t-il en apercevant Jonas.

— Tiens, Gösta, bonjour. Non, soyez sans crainte. Il n’y a pas beaucoup d’animaux comme ça à Fjällbacka, Dieu soit loué.

— Je peux entrer ?

— Bien sûr, mon prochain rendez-vous n’est que dans une heure. La journée s’annonce calme. Vous pouvez poser votre veste là-bas. Je vous sers un café ?

— Oui merci, je veux bien. Sans vouloir trop vous déranger.

Jonas l’assura que non et se dirigea vers le coin cuisine où trônaient une machine à café et différentes capsules dans un bol.

— J’ai investi dans une de ces machines pour survivre. Vous le voulez comment ? Corsé ou doux ? Avec du lait ? Du sucre ?

— Corsé, avec du lait et du sucre, merci.

Gösta se débarrassa de sa veste et prit place sur une des deux chaises réservées aux visiteurs.

— Voilà, tenez.

Jonas lui tendit son café et s’assit en face de lui.

— Vous venez me parler de Victoria, je suppose.

— Ben, en fait, je voulais vous poser quelques questions au sujet du cambriolage dont vous avez été victime.

Jonas leva les sourcils.

— Ah bon, je croyais que c’était une affaire classée. J’étais un peu déçu que l’enquête n’ait rien donné, même si je comprends que vous ayez donné la priorité à Victoria. Je suppose que vous ne pouvez pas me dire pourquoi vous vous y intéressez soudain à nouveau ?

— Non, je regrette. Comment avez-vous découvert qu’on s’était introduit ici ? Je sais que nous en avons déjà parlé, mais j’aimerais que vous me le racontiez une nouvelle fois.

Gösta fit un geste comme pour s’excuser et faillit renverser son café. Il rattrapa la tasse de justesse, puis la garda dans sa main pour éviter d’autres maladresses.

— Oui, donc, comme je l’ai déjà dit, j’ai trouvé la serrure fracturée en arrivant le matin. Vers neuf heures. C’est l’heure habituelle où je démarre la journée, les gens aiment rarement se déplacer plus tôt. Toujours est-il que j’ai immédiatement compris qu’il y avait eu effraction.

— Dans quel état avez-vous trouvé le cabinet ?

— Pas trop saccagé, en fait. Certains objets avaient été sortis des meubles et éparpillés par terre, rien de bien méchant. Ce qui m’a le plus embêté, c’est que le meuble où je garde les produits classés comme stupéfiants avait été forcé. Je fais toujours très attention de le fermer à clé. La criminalité à Fjällbacka est plutôt faible, mais les quelques toxicos du coin savent que je conserve des substances ici. Cela dit, je n’ai jamais eu de problèmes auparavant.

— Je vois de qui vous parlez, et nous les avons interrogés juste après le vol. Nous n’avons pas réussi à leur faire cracher le morceau. Je ne pense pas qu’ils auraient réussi à tenir leur langue si l’un d’entre eux s’était introduit ici. Et aucune des empreintes digitales ne correspondait aux leurs.

— Vous avez raison. Ça doit être quelqu’un d’autre.

— Qu’est-ce qui manquait ? Je sais, ça figure dans votre déposition, mais reprécisez-le malgré tout.

Jonas plissa le front.

— Les stupéfiants en question étaient de l’éthylmorphine, de la kétamine et de la codéine. Pour le reste, il manquait aussi certains produits paramédicaux, des gazes, des antiseptiques et… des gants en latex, je crois. Des trucs ordinaires et pas chers qu’on peut acheter dans n’importe quelle pharmacie.

— Sauf si on veut se procurer tout un tas d’articles de soins sans attirer l’attention, réfléchit Gösta à voix haute.

— Oui, évidemment.

Jonas but une gorgée de café, la dernière, et se leva pour s’en préparer un deuxième.

— Vous en voulez un autre, aussi ?

— Non merci, il m’en reste, répondit Gösta, qui réalisa qu’il n’y avait pas touché. Parlez-moi encore des substances classées comme stupéfiants. Y en a-t-il qui présenteraient un intérêt particulier pour des toxicomanes ?