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— Et le mégot a été envoyé au labo, glissa Patrik.

— Absolument, confirma Gösta. Il est parti chez Torbjörn, et s’il contient un ADN, on pourra le comparer avec un suspect éventuel.

— Sans tirer de conclusions hâtives, je pense que c’est le ravisseur qui se trouvait là. Il voulait se faire une idée des habitudes de Victoria pour préparer son enlèvement, déclara Mellberg d’un air satisfait, en croisant les mains sur son ventre. On n’a qu’à faire comme ils ont fait en Angleterre, dans ce village, vous savez ? Prélever l’ADN de tous les habitants de Fjällbacka puis comparer les résultats avec celui du mégot. Et hop, on tiendra notre homme. Simple, génial.

— Premièrement, nous ne savons pas s’il s’agit d’un homme, dit Patrik avec une patience forcée. Deuxièmement, nous ne savons pas si le ravisseur est domicilié ici, surtout si l’on considère les lieux où les autres filles ont disparu. Le cas de Minna Wahlberg devrait plutôt nous faire pencher pour Göteborg, il me semble.

— Toujours aussi négatif, grommela Mellberg, mécontent de le voir torpiller un plan que, pour sa part, il trouvait brillantissime.

— Réaliste, je dirais, riposta Patrik.

Il regretta immédiatement. Il était inutile de s’énerver contre Mellberg. S’il cédait à ce genre de sentiments, il n’aurait plus le temps pour rien d’autre. Il enchaîna donc rapidement :

— J’ai appris que Paula est venue hier ?

— Oui, je lui ai un peu parlé du cas. Cette histoire de langue tranchée lui rappelait quelque chose qu’elle avait lu dans un ancien rapport. Le problème, c’est qu’elle ne sait plus où, ni de quoi il s’agissait. Cerveau d’allaitement.

Mellberg fit tourner son index contre sa tempe, mais en entendant Annika souffler de mépris, il baissa promptement sa main. S’il y avait une personne que Mellberg ne voulait surtout pas provoquer, c’était bien la secrétaire du commissariat. Et peut-être Rita, quand elle était de mauvais poil.

— Elle a passé deux bonnes heures aux archives, dit Gösta. Mais je ne pense pas qu’elle ait trouvé ce qu’elle cherchait.

— Non, elle devait revenir aujourd’hui, annonça Mellberg avec un sourire contrit à Annika qui semblait toujours en rogne.

— Du moment qu’elle ne s’attend pas à une rémunération, dit Patrik.

— Non, pas de problème. À dire vrai, je crois qu’elle a besoin de prendre un peu le large, ajouta Mellberg dans un rarissime accès de perspicacité.

— Si elle préfère venir s’enterrer aux archives, c’est qu’elle doit vraiment tourner comme un lion en cage à la maison, sourit Martin.

Son visage s’illumina et Patrik réalisa qu’on ne le voyait pas souvent sourire. Il fallait impérativement qu’il garde un œil sur Martin. C’était sûrement difficile de faire son travail de deuil et d’assumer son rôle de père tout en prenant part à une enquête exigeante. Il lui rendit son sourire.

— Oui, espérons pour elle que la pêche sera fructueuse. Et pour nous aussi.

Gösta leva la main.

— Oui ? fit Patrik.

— Je n’arrive pas à lâcher cette histoire de cambriolage chez Jonas. Ça vaudrait quand même le coup de poser quelques questions aux filles de l’écurie. Vérifier ce qu’elles ont pu voir.

— Très juste. Tu pourras faire ça cet après-midi, juste après la cérémonie d’hommage. Mais il faut y aller avec des pincettes, elles seront sûrement bouleversées.

— Oui, et je peux emmener Martin. Ça se passera mieux si on est deux.

Patrik jeta un regard à Martin.

— Mouais, tu penses que c’est vraiment néces…

— C’est bon, je l’accompagne, l’interrompit Martin.

Patrik hésita un instant.

— D’accord, finit-il par dire, avant de se tourner vers Gösta : Et tu restes en contact avec Torbjörn pour les résultats du test ADN ?

Gösta opina du chef.

— Bien. Ensuite on devrait faire du porte-à-porte chez les voisins de Katarina, quelqu’un d’autre a pu remarquer un rôdeur dans le coin. Et il faut vérifier avec la famille Hallberg s’ils se sont rendu compte que quelqu’un les épiait.

Gösta passa sa main dans ses cheveux gris, qui se dressèrent immédiatement sur sa tête, comme des poils de chèvre drus.

— Je pense qu’ils l’auraient signalé. Je crois même qu’on le leur a déjà demandé, mais je peux vérifier dans les comptes rendus d’interrogatoire.

— Repose-leur quand même la question de vive voix. Je peux me charger de l’enquête de voisinage. Et Bertil, tu peux assurer la permanence ici et voir avec Annika pour l’organisation de la grande réunion ?

— Bien sûr. Je suis l’homme de la situation. Ils vont tous vouloir traiter avec le chef, le responsable de l’enquête.

— Parfait, c’est parti ! dit Patrik, et il vit une lueur amusée dans les yeux de Martin.

Il se sentit tout de suite un peu ridicule ; après tout, ils n’étaient pas dans un épisode de Hill Street Blues. Mais si ça pouvait rendre le sourire à Martin.

— Dans une semaine, il y a un nouveau concours. Tu devrais oublier l’autre et aller de l’avant.

Jonas caressa les cheveux de Molly. Il ne cessait de s’étonner de sa ressemblance avec sa mère.

— On dirait le docteur Phil à la télé, marmonna-t-elle, la tête enfouie dans son oreiller.

La joie qu’elle avait ressentie à l’idée d’avoir une voiture était vite retombée et elle boudait de nouveau à cause de la compétition manquée.

— Tu vas le regretter si tu ne t’entraînes pas à fond. D’ailleurs, ce n’est même pas la peine d’y aller dans ce cas-là. Tu t’en voudras à mort si tu ne gagnes pas, et maman et moi, on n’y pourra rien.

— Marta n’en a rien à faire, dit Molly en marmonnant.

Jonas stoppa net son mouvement et retira sa main.

— Tu veux dire que tous les kilomètres qu’on se tape, toutes les heures qu’on y consacre, ça ne compte pas ? Maman… Marta a investi de l’argent et du temps dans tes concours, et pas qu’un peu. C’est vraiment ingrat de ta part de dire ça.

Sa voix était tranchante, mais il fallait que sa fille devienne adulte un jour.

Molly se redressa lentement. Tout son être exprimait la surprise de l’avoir entendu lui parler sur ce ton, et elle ouvrit la bouche, prête à protester. Finalement, elle baissa les yeux.

— Pardon, dit-elle à voix basse.

— Excuse-moi, qu’est-ce que tu dis ??

— Pardon !

Les sanglots montèrent dans sa gorge, et Jonas passa son bras autour de ses épaules. Il savait qu’il l’avait trop gâtée, il comprenait qu’il avait contribué aussi bien à ses mauvais qu’à ses bons côtés. Mais elle venait d’adopter le bon comportement. La vie exigeait parfois qu’on s’incline, elle devait l’apprendre.

— Allons, ma puce, allons… Tu veux qu’on descende au manège ? Il faut que tu t’entraînes si tu veux battre Linda Bergvall. Ne la laisse pas croire qu’elle va garder son titre.

— Non… dit Molly en essuyant ses larmes dans sa manche.

— Allez, viens. Je ne travaille pas aujourd’hui, je pourrai assister à l’entraînement. Maman t’attend en bas avec Scirocco.

Molly bascula les jambes par-dessus le bord du lit, et Jonas vit l’instinct de compétition scintiller dans ses yeux. Ils se ressemblaient tant. Ni l’un ni l’autre n’aimait perdre.

Quand ils arrivèrent dans le manège, Marta tenait Scirocco sellé et prêt à être monté. Elle regarda ostensiblement sa montre.

— Mademoiselle daigne enfin venir. Tu aurais dû être là il y a une demi-heure.

Jonas lança un regard d’avertissement à sa femme. Un mot de trop et Molly retournerait tout droit dans sa chambre pour bouder sur son lit. Il vit que Marta négociait avec elle-même. Elle détestait devoir se caler sur Molly, et elle détestait la complicité entre père et fille, même si elle s’en était volontairement exclue. Mais elle aimait gagner aussi, fût-ce par l’intermédiaire d’une enfant qu’elle n’avait jamais désirée et jamais comprise.