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— J’ai préparé la piste, dit-elle en laissant le cheval aux soins de Molly.

Avec agilité, celle-ci se hissa en selle et prit les rênes. À l’aide de ses cuisses et de ses talons, elle guida Scirocco qui, habitué à sa cavalière, obéit. Dès que Molly se retrouvait sur le dos d’un cheval, l’adolescente renfrognée disparaissait. Elle se métamorphosait en jeune femme forte, sûre d’elle, calme et apaisée. Jonas adorait être témoin de cette transformation.

Il monta s’asseoir dans les gradins pour observer le travail de Marta. Elle instruisait sa fille avec compétence. Elle savait exactement comment amener la cavalière et sa monture à se surpasser. Molly avait un don naturel pour les disciplines équestres, mais c’était Marta qui perfectionnait son talent. Elle était fantastique, debout au centre du manège, faisant voler le cheval et sa cavalière par-dessus les obstacles par ses brèves instructions. Ils formaient une équipe formidable, Marta, Molly et lui. Il sentit l’attente et l’excitation familières germer lentement dans son corps.

Installée dans son cabinet de travail, Erica passait en revue la longue liste de choses à faire. Anna avait dit qu’elle pouvait rester avec les enfants toute la journée s’il le fallait, et Erica avait sauté sur la proposition. Elle avait tant de gens à rencontrer, tant de matériel à analyser, et elle avait pris beaucoup de retard. Sinon, elle aurait peut-être déjà compris pourquoi Laila avait conservé tous ces articles. Tout à l’heure, en quittant l’institution, elle avait envisagé de revenir sur ses pas et de lui poser la question, avant de comprendre que ça ne mènerait nulle part. Du coup, elle était rentrée directement à la maison pour essayer d’en apprendre davantage.

— Mamaaaaan ! Les jumeaux se disputent !

La voix de Maja la fit sursauter. D’après Anna, les enfants avaient eu un comportement exemplaire en son absence, mais depuis son retour on aurait dit qu’ils s’entre-tuaient au rez-de-chaussée.

Elle dévala l’escalier en deux enjambées et se précipita dans le séjour. Maja observait d’un œil furibard ses petits frères qui se battaient sur le canapé.

— Ils gâchent tout quand je regarde la télé, maman. Ils me piquent la télécommande, ils appuient tout le temps sur stop.

— Très bien ! rugit Erica un peu plus fort que voulu. Alors le mieux, c’est que personne ne regarde la télé.

Elle s’avança pour attraper la télécommande. Les garçons levèrent les yeux, tout étonnés, avant de se mettre à hurler en chœur. Erica compta lentement jusqu’à dix, mais sentit quand même l’irritation la gagner et la transpiration suinter sous ses bras. Elle n’aurait jamais cru qu’être mère mettrait sa patience à si rude épreuve. Et elle était désolée de punir encore une fois Maja, qui n’y était pour rien.

Anna, qui était dans la cuisine avec Emma et Adrian, arriva dans le séjour à son tour. En voyant l’expression d’Erica, elle eut un petit sourire en coin.

— Toi, ça te ferait du bien de sortir de chez toi un peu plus souvent. Tu n’as pas d’autres visites à faire ? Profites-en, tant que je suis là !

Erica allait lui répondre qu’elle lui était déjà très reconnaissante de pouvoir travailler en paix, quand une pensée la frappa. Il y avait effectivement une chose qu’elle devait faire. Un point sur la liste avait particulièrement retenu son attention.

— Je dois partir travailler encore un peu, les enfants, mais Anna va rester avec vous. Si vous êtes gentils, elle vous donnera un goûter.

Les garçons se turent immédiatement. Le mot goûter avait un effet magique.

Erica embrassa chaleureusement sa sœur, puis alla téléphoner dans la cuisine. Il fallait d’abord qu’elle s’assure de ne pas se déplacer pour rien. Un quart d’heure plus tard elle roulait en direction d’Uddevalla. Les enfants étaient probablement attablés devant des brioches, des biscuits et un verre de sirop. Ils allaient se gaver de sucre, tant pis, c’était un problème qu’elle gérerait plus tard.

Elle n’eut aucun mal à trouver la petite maison mitoyenne où habitait Wilhelm Mosander. L’homme s’était montré curieux au téléphone, et il ouvrit la porte avant même qu’elle ait eu le temps de poser le doigt sur la sonnette.

— Entrez, dit-il, et, après s’être débarrassée de la neige sur ses bottes, elle pénétra dans le vestibule.

Elle n’avait jamais rencontré Wilhelm Mosander auparavant, mais son nom lui était familier. Avant de prendre sa retraite, il était un journaliste légendaire à Bohusläningen, et son reportage le plus connu portait sur le meurtre de Vladek Kowalski.

— Alors vous êtes en train d’écrire un nouveau livre ?

Il la précéda dans la cuisine. Erica regarda autour d’elle et constata que si la maison était petite, elle était aussi propre et bien tenue. Elle ne voyait aucune trace de présence féminine, et devina que Wilhelm était célibataire. Comme s’il lisait dans ses pensées, il dit :

— Il y a dix ans, quand ma femme est morte, notre maison est devenue trop grande pour moi et je l’ai vendue pour m’installer ici. Celle-ci est plus facile à entretenir, mais ça fait tout de suite un peu spartiate quand on ne sait pas y faire pour les rideaux et ces trucs-là.

— Je trouve que c’est très agréable chez vous, répondit Erica en s’asseyant à la table pour le rituel du café. Et pour répondre à votre question : mon nouveau livre va parler de la Maison de l’horreur.

— Et en quoi pensez-vous que je pourrais vous être utile ? Je suppose que vous avez déjà lu la plupart de mes articles là-dessus.

— Oui, Kjell Ringholm à Bohusläningen m’a aidée à avoir accès aux archives du journal. Je dispose de pas mal de données concernant le déroulement des événements et le jugement. Ce que j’aimerais maintenant, c’est entendre les impressions de quelqu’un qui était sur place. J’imagine que vous avez fait des observations et en avez tiré des conclusions impossibles à mentionner dans vos articles. Vous avez peut-être même une théorie sur l’affaire ? Si j’ai bien compris, vous ne l’avez jamais vraiment lâchée.

Erica sirota son café tout en observant le vieux journaliste.

— C’est vrai, il y avait de quoi en pondre, des articles, confirma Wilhelm en soutenant son regard, et une lueur brilla dans ses yeux. Je n’ai jamais suivi un cas aussi fascinant, ni avant ni après. Personne n’aurait pu rester impassible.

— Oui, c’est l’une des histoires les plus épouvantables que j’aie jamais entendues. J’aimerais vraiment savoir ce qui s’est réellement passé ce jour-là.

— Nous sommes deux alors, dit Wilhelm. Même si Laila a avoué le meurtre, je n’ai jamais pu me débarrasser de la sensation que quelque chose clochait. Je n’ai pas de théorie, mais je pense que la vérité est plus complexe.

— J’en suis convaincue moi aussi, dit Erica, tout excitée. Le problème, c’est que Laila refuse de parler.

— Mais elle a accepté de vous rencontrer ? Je ne l’aurais jamais cru.

— Oui, on s’est vues quelques fois. Ça faisait un moment que j’insistais, je lui envoyais des lettres, je la contactais par téléphone, et j’avais presque abandonné quand tout à coup elle a dit oui.

— C’est sidérant. Pendant toutes ces années, elle s’est tue, puis soudain elle accepte de vous voir… J’ai moi-même essayé d’innombrables fois d’obtenir une interview, en vain.