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— Qu’il serait malheureusement difficile de relever des empreintes, puisque Mellberg a tout piétiné. Mais il a prélevé le sang. Il devrait pouvoir le comparer avec le groupe sanguin de Lasse, et même avec l’ADN de ses fils, pour confirmer que c’est bien le sien.

— C’est déjà ça. Vous croyez qu’il est mort ?

— Il y avait beaucoup de sang sur le ponton et sur la glace autour du trou, mais aucune trace qui s’en éloignait. Alors, si c’est celui de Lasse, la conclusion s’impose.

— Ça me chagrine.

Les yeux d’Annika se remplirent de larmes. Elle avait toujours été très émotive, et depuis qu’elle et son mari avaient adopté une petite fille chinoise, elle était encore plus sensible aux injustices de la vie.

— On n’avait pas imaginé que ça se terminerait si mal. On pensait plutôt le retrouver ivre mort dans un fossé.

— Quel triste destin. Je plains sa famille, dit Annika, et elle se tut un instant avant de se reprendre. Au fait, j’ai réussi à contacter tous les enquêteurs concernés, il y aura une réunion à Göteborg demain à dix heures. J’ai informé Patrik, et Mellberg bien entendu. Comment vous allez faire, Gösta et toi ? Vous irez ?

Le commissariat était bien chauffé et Martin commençait à transpirer. Il retira sa veste et, en passant les doigts dans ses cheveux roux, sa main devint humide.

— J’aurais bien aimé, et Gösta aussi, je pense. Mais on ne peut pas laisser le commissariat sans effectifs. Surtout pas maintenant, avec un meurtre à élucider.

— Ça me paraît sensé. Et à propos de sensé : Paula est revenue, elle est descendue aux archives. Tu pourrais aller vérifier que tout va bien, s’il te plaît ?

— Bien sûr, j’y vais de ce pas, dit Martin, mais il passa d’abord par son bureau pour suspendre sa veste.

Dans la cave, la porte des archives était grande ouverte. Il frappa quand même un coup discret car, assise par terre, Paula semblait plongée dans le contenu des cartons.

— Tu n’as pas encore abandonné ? dit-il en entrant.

Elle leva les yeux et rangea le dossier qu’elle venait d’examiner.

— Je ne vais probablement pas y arriver, mais ça me permet d’avoir un petit moment tranquille. Qui pourrait croire que c’est un tel boulot d’avoir un bébé ? Ce n’était pas du tout comme ça avec Leo.

Elle voulut se lever et Martin lui tendit la main.

— Oui, j’ai cru comprendre que Lisa a son petit caractère. C’est Johanna qui la garde ?

— Non, elle a emmené Leo faire de la luge, Lisa est restée à la maison avec sa grand-mère, dit Paula, puis elle respira profondément et s’étira le dos. Et vous, comment ça s’est passé ? J’ai compris que vous avez trouvé la voiture de Lasse, et qu’il y avait du sang sur place.

Martin répéta ce qu’il venait de raconter à Annika, le sang, le trou dans la glace et la trempette involontaire de Mellberg.

— Sans blague ! Comment peut-on être aussi balourd ? rit Paula, puis elle ajouta aussitôt : Mais il n’a rien ?

Martin eut chaud au cœur d’entendre que Paula s’inquiétait pour Mellberg. Il savait que Bertil adorait le fils de Paula et Johanna, et le bougre avait quelque chose qui forçait malgré tout l’affection, même s’il était extrêmement fatigant.

— Non, il va bien. Il est en train de dégeler chez Patrik.

— En tout cas, on ne s’ennuie jamais quand Bertil est dans les parages, répliqua-t-elle en s’étirant encore un peu. Ça fait super mal au dos de rester accroupi comme ça. J’ai besoin de faire une pause. Tu m’accompagnes pour un café ?

Ils remontèrent l’escalier et se dirigèrent vers la cuisine lorsque Martin s’arrêta.

— Faut juste que je voie un truc vite fait dans mon bureau.

— Pas de problème, je te suis, dit Paula joyeusement.

Il commença à farfouiller dans ses papiers, et Paula fit mine d’examiner les livres dans sa bibliothèque, tout en essayant de voir ce qu’il faisait. Comme d’habitude, son bureau était un vaste foutoir.

— Le boulot te manque, hein ?

— C’est le moins qu’on puisse dire, répondit-elle en inclinant la tête sur le côté pour lire les titres au dos des ouvrages. Tu as lu tout ça ? De la psychologie, de la criminalistique, dis donc, tu as même…

Elle s’interrompit au milieu de sa phrase et fixa la série de livres soigneusement rangés dans la bibliothèque de Martin.

— Quelle idiote ! Ce n’est pas dans les archives que j’ai lu cette histoire de la langue. C’est là-dedans !

Elle montra les livres, et Martin se tourna d’un air étonné. Est-ce que ça pouvait réellement être aussi simple ?

Gösta se gara dans la cour devant le centre équestre. Il était venu directement après sa visite à Terese. C’était toujours difficile de transmettre de mauvaises nouvelles. Dans le cas présent, il n’avait même pas pu annoncer un décès formel à la famille, seulement des signes probants qu’un malheur était arrivé et que selon toute vraisemblance Lasse n’était plus en vie. Terese ne serait pas fixée avant un bon moment.

Croiser Jonas l’avait surpris. Qu’est-ce qu’il faisait chez elle ? Il avait eu l’air inquiet d’entendre que Gösta voulait lui parler. Tant mieux. S’il se sentait bousculé, il serait plus facile de le faire craquer. C’était en tout cas ce que l’expérience lui avait appris.

— Toc toc.

Il frappa à la porte de chez Jonas et Marta, en prononçant les mots à voix haute. Il espérait voir Jonas en tête à tête. Si Marta ou leur fille étaient présentes, il proposerait d’aller au cabinet vétérinaire.

Jonas vint ouvrir. Son visage semblait recouvert d’une pellicule grise que Gösta n’avait jamais remarquée auparavant.

— Vous êtes seul ? Il y a une chose dont j’aimerais discuter avec vous.

Il y eut quelques secondes de silence pendant lesquelles Gösta resta à attendre sur le perron. Puis, résigné, Jonas fit un pas de côté, comme s’il savait déjà ce dont Gösta voulait parler. Il avait dû comprendre que ce n’était qu’une question de temps avant que l’information n’arrive aux oreilles de la police.

— Entrez, dit-il. Je suis seul.

Gösta regarda autour de lui. L’intérieur semblait meublé sans âme et sans soin, et n’avait rien de chaleureux. C’était la première fois qu’il entrait chez les Persson, et sans doute s’attendait-il à ce que les gens beaux habitent de belles maisons.

— C’est terrible, ce qui est arrivé à Lasse.

Jonas indiqua d’un geste un canapé dans le salon. Gösta s’y installa.

— Oui, ce n’est jamais évident d’avoir à annoncer ce genre de nouvelles. Qu’est-ce que vous faisiez chez Terese, d’ailleurs ?

— Il y a longtemps, nous étions ensemble. Depuis, on s’est un peu perdus de vue, mais quand j’ai appris pour Lasse, j’ai voulu passer voir si je pouvais l’aider. Sa fille fréquente le club d’équitation, elle a été très affectée par ce qui est arrivé à Victoria. Je voulais lui montrer que je me souciais d’elle et de ses enfants en ce moment difficile.

— Je vois.

Ce fut le seul commentaire de Gösta et il sentit que Jonas attendait impatiemment sa prochaine réplique.

— J’aimerais vous poser quelques questions au sujet de Victoria. Quelle était votre relation ? finit-il par demander.

— Eh bien… Il n’y a pas grand-chose à en dire. Elle faisait partie des élèves de Marta. Une de celles qui traînent tout le temps dans l’écurie.

Il balaya une poussière invisible sur son jean.

— D’après ce que j’ai compris, ce n’est pas toute la vérité, déclara Gösta, les yeux plantés sur Jonas.

— Comment ça ?

— Vous fumez ?

Jonas le dévisagea, le front plissé.