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« Le vilain petit homme ! glapit lord Robert, hilare. Je peux le faire voler, Mère ? Je veux le voir voler !

— Plus tard, mon bébé joli, promit-elle.

— Le procès d’abord, expliqua ser Lyn Corbray d’une voix languide, ensuite l’exécution. »

On introduisit un instant plus tard les champions, chacun par une extrémité opposée. Deux écuyers assistaient le chevalier, le maître d’armes des Eyrié le reître.

Vêtu d’acier de pied en cap, ser Vardis Egen avait endossé, pardessus maille et surcot matelassé, sa pesante armure de plates. De vastes spallières en rondelles, émaillées de crème et de bleu à l’emblème lune-et-faucon, le protégeaient à la jointure vulnérable des bras et du torse. Une gonnelle à l’écrevisse l’enserrait depuis la taille jusqu’à mi-cuisses, un gorgeret massif lui couvrait le col. Aux tempes de son heaume en forme de bec crochu se déployaient des ailes de rapace, et une fente étroite assurait la vision.

Face à lui, Bronn avait l’air nu. Il ne portait, sur ses cuirs bouillis, qu’un haubert noir de mailles huilées, n’était coiffé que d’un camail et d’un demi-casque à nasal. De hautes bottes de cuir et des jambières de métal préservaient tant bien que mal le bas de son corps, et des disques de fer noir cousus entre les doigts renforçaient ses gants. Néanmoins, et Catelyn le remarqua d’emblée, le reître était d’une demi-paume plus grand que son adversaire, avec le bénéfice de l’extension et, pour autant qu’elle en fût juge, n’est-ce pas… ? l’avantage d’avoir quinze ans de moins.

Face à face, Lannister entre eux, tous deux s’agenouillèrent dans l’herbe aux pieds de la femme en pleurs. Le septon tira de la bourse de soie nouée à sa ceinture un globe de cristal taillé à facettes et l’éleva au-dessus de sa tête en pleine lumière, y suscitant mille irisations qui, tels des arcs-en-ciel, se mirent à folâtrer sur le visage du Lutin. Puis, d’une voix forte, solennelle et monocorde, il implora les dieux de daigner abaisser leurs regards et servir de témoins, de sonder l’âme de l’accusé et de lui décerner en conséquence la vie et la liberté s’il était innocent, la mort s’il était coupable. L’écho des tours environnantes répercutait des bribes de psalmodie.

Après que la dernière vibration s’en fut éteinte, le septon s’empressa de fourrer le globe dans son étui pour filer plus vite, et Tyrion s’inclina pour chuchoter quelque chose à l’oreille de Bronn avant de se laisser entraîner par les gardes. Fort égayé, le reître se releva et, d’un revers de main, balaya un brin d’herbe sur son genou.

Robert Arryn, seigneur des Eyrié, Défenseur du Val, manifestait cependant la plus vive impatience en trépignant sur son perchoir et serinait : « Quand c’est qu’ils vont se battre ? » d’un ton geignard.

L’un de ses écuyers aida ser Vardis à se redresser. L’autre approcha, muni d’un bouclier triangulaire, en chêne massif, tout clouté de fer, de près de quatre pieds de haut, et lui en sangla le bras gauche. Mais quand le maître d’armes du château tendit l’équivalent à Bronn, celui-ci l’écarta d’un geste avec un crachat dégoûté. Si trois jours de poil noir hérissaient sa mâchoire et ses joues, ce n’était pourtant pas faute de rasoir, car le fil de son épée présentait le redoutable éclat de l’acier qu’on a repassé durant des heures, chaque jour, jusqu’à ce qu’il blesse au moindre contact.

Ser Vardis tendit sa main bardée d’un gantelet, et l’écuyer y plaça une somptueuse rapière à double tranchant. Des niellures d’argent d’un travail exquis évoquaient sur la lame les fluctuations de ciels montagnards ; le pommeau figurait un chef de faucon, la garde, des ailes. « Je l’avais fait réaliser pour Jon, à Port-Réal, dit Lysa à ses hôtes d’un air faraud, tandis que le chevalier testait l’arme. Il l’arborait chaque fois qu’il occupait le Trône de Fer pour suppléer le roi Robert. N’est-elle pas ravissante ? Il m’a semblé des plus délicat de faire venger Jon avec sa propre épée. »

C’était là, sans conteste, un chef-d’œuvre, mais Catelyn ne pouvait s’empêcher de penser que ser Vardis eût manié son épée personnelle avec plus d’aisance. Elle garda néanmoins sa réflexion pour elle. Autant s’épargner ces prises de bec stériles avec son étourneau de sœur.

« Mais qu’ils se battent ! » piailla lord Robert.

Ser Vardis fit face au sire des Eyrié, leva son arme en guise de salut. « Pour les Eyrié et le Val ! »

On avait installé Tyrion Lannister, sous bonne garde, à un balcon qui surplombait la lice, et c’est à sa personne que Bronn adressa un salut fugace.

« Ils n’attendent plus que tes ordres, glissa Lysa au seigneur son fils.

— Battez-vous ! » piaula le petit, les mains tellement tremblantes qu’il dut tâtonner pour agripper les bras de son fauteuil.

Haussant son lourd bouclier, ser Vardis pivota, de même que Bronn, et leurs épées sonnèrent, une fois, deux, à titre d’essai. Le reitre recula d’un pas, le chevalier, protégé par son rempart de bois, progressa d’autant, tenta de tailler, mais un saut en arrière mit Bronn hors de portée de la lame d’argent qui ne fendit que l’air. Bronn se mit à tourner vers sa droite. Vardis suivit le mouvement et, non sans interposer toujours son bouclier, se fit plus pressant, tout en plaçant soigneusement chacun de ses pas sur le sol inégal. Un imperceptible sourire aux lèvres, Bronn prit du champ. Vardis attaqua en taillant de droite et de gauche, Bronn lui échappa d’un bond léger par-dessus la saillie moussue d’un rocher, puis se mit à tracer des cercles vers la gauche, sur le flanc vulnérable de son adversaire, mal couvert là par le bouclier. Vardis essaya de lui cisailler les jambes, mais sans succès, vu l’intervalle. Bronn alla danser plus à gauche, Vardis tournicota sur place.

« Un pleutre, déclara lord Hunter. En garde, et combats, maraud ! » Des voix indignées se joignirent à la sienne.

Du regard, Catelyn consulta ser Rodrik. Lequel branla sèchement du chef. « Il veut simplement se faire poursuivre. Le poids de l’armure et de l’écu finit par épuiser l’homme le plus vigoureux. »

Depuis sa naissance, elle avait vu presque chaque jour des hommes s’entraîner, assisté jadis à une bonne cinquantaine de tournois, mais cette danse-ci était toute différente et, au moindre faux pas, fatalement mortelle… Du coup revint l’assaillir, brusquement, vivace comme de la veille, le souvenir d’un autre duel, à une tout autre époque.

… La rencontre a lieu sur la courtine inférieure de Vivesaigues. En voyant Petyr ne porter qu’un heaume, une cotte de mailles et un rectoral de plates, Brandon se désarme presque entièrement. Elle a refusé à Baelish ce qu’elle a accordé à Stark, son promis : la faveur d’arborer ses couleurs. Sous les espèces d’un mouchoir bleu pâle où elle a, de ses propres mains, brodé la truite au bond Tully. En le lui remettant, elle a plaidé la cause du rival. « Ce n’est qu’un béjaune, mais je le chéris comme un frère. Sa mort me ferait grand peine. » Alors, il a posé sur elle ses prunelles grises et froides d’homme du nord et promis d’épargner le soupirant transi.

Et voici que la lutte s’achève, à peine commencée. En homme fait, Brandon a forcé Littlefinger à parcourir la cour dans toute sa largeur, à descendre l’escalier d’eau, à subir à chaque pas, titubant, saignant de toutes parts, une averse d’acier. Il a crié : « Demande grâce !» et à maintes reprises, mais, chaque fois, Petyr, dents serrées, multipliait les signes de dénégation, s’obstinait à résister, farouche. Alors, Brandon, dont déjà la rivière baigne les chevilles, décide d’en finir et, d’un effroyable revers, tranche au bas des reins cuir, maille, entamant si profond la chair que, Catelyn en jurerait, la blessure doit être mortelle. Les yeux sur elle, le gamin tombe, murmure : « Cat », le sang ruisselle, écarlate, entre ses doigts gantés…