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Adolf qui se contenait, posa soudain la main sur le poignet du sceptique.

— Écoutez, fit-il, cassant, je peux vous donner un aperçu de ce dont je suis capable, mais vous n’auriez pas beaucoup de temps pour l’apprécier puisque je vous propulserais sur la chaussée par cette baie. Et tout le monde, dans le restaurant, y compris votre ami, attesterait qu’il s’agit d’un suicide ! Prenez-vous le pari ?

Leurs regards se nouèrent.

À la fin, « Ben Gourion » rompit la joute et lui tendit la main.

— Il semble que je me sois trompé, fit-il, conciliant.

— Je le pense également, assura Hitler.

— Qu’espérez-vous de nous ? intervint Maria. Le bonhomme s’adressa à son partenaire :

— Racontez, mon cher !

« L’élégant » accepta d’un signe de tête.

— Les mystères de l’Histoire sont généralement longs à être percés, commença-t-il. Certaines versions dûment accréditées perdurent, et puis un jour, un élément jusqu’alors inconnu fausse les données précédentes.

Il s’interrompit pour boire et reprit :

— Vous êtes jeunes, ce qui m’induit à vous poser une question : connaissez-vous la fin de votre tristement célèbre homonyme ?

— Il s’est suicidé dans le bunker de la Chancellerie ; après quoi, son cadavre a été incinéré avec les moyens du bord. Cela s’est passé le 30 avril 1945, répondit Adolf, comme s’il subissait un examen oral.

— Très bien ! complimenta l’homme au nez busqué. Mais des facteurs nouveaux ont été récemment découverts par certains services secrets,

— Israéliens ? interrogea le garçon.

Son interlocuteur n’apprécia pas la question :

— Peu importe. Nous savons maintenant qu’il existait à l’intérieur de l’ultime refuge du chancelier, un grand nombre de documents enfermés dans un sac tyrolien en daim.

— Il a disparu au cours des événements du 30 avril ? demanda Maria.

— Exact, mademoiselle.

— Et c’est ce sac que vous espérez récupérer un demi-siècle plus tard ?

— Plus exactement son contenu, admit le type aux cheveux gris, et également ceux qui s’en sont emparés, à supposer qu’ils soient toujours vivants.

— Vous détenez des indices ?

« Nez busqué » tira de sa poche intérieure quelques feuillets minces et soyeux, couverts de caractères d’imprimerie d’un noir brillant.

— Tout ce que nous savons est consigné là.

Hitler fit disparaître les documents avec une prestesse qui plut à ses clients.

— Si vous faites appel à des Italiens, c’est parce que vous supposez que vos hommes et leur butin se trouvent dans la Botte ? questionna-t-il.

— Vous lirez le rapport, éluda son interlocuteur.

— Je croyais vos services les meilleurs du monde, répliqua l’Autrichien d’un ton sincère.

« Ben Gourion » hocha la tête :

— Les exceptions confirment les règles. Maintenant, parlons des conditions.

— Je vous propose un coup de poker. Si nous échouons, nous ne vous demanderons rien ! Si nous réussissons, nous vous réclamerons beaucoup, et même davantage ! répondit Adolf avec un sourire de renard.

34

— Vous avez été en tout point remarquables, les félicita Vicino lorsqu’ils furent seuls : vous les avez impressionnés.

— C’était l’unique moyen d’avoir barre sur eux. Cela dit, il est évident qu’ils m’ont écouté parce que je leur étais présenté par vous, Don Vicino.

— C’est la première fois que vous m’appelez ainsi, fit le vieil homme.

— Sans doute parce que je me sens pleinement sous votre tutelle.

— Quel dommage que tu ne sois pas napolitain ! murmura Gian Franco.

— Je le deviens ! fit Adolf dans le dialecte du pays.

Le Parrain étendit la main afin de caresser la joue de son jeune interlocuteur.

— Peut-être est-ce San Gennaro qui t’envoie ? murmura-t-il.

— Qui sait ? répondit Hitler.

Il prit la dextre fripée et la porta à ses lèvres. Après quoi il présenta à Don Vicino les feuillets laissés par les Israéliens.

— Il vous appartient d’en prendre connaissance d’abord, déclara-t-il.

— Non, garde-les, mon garçon : c’est « ton » affaire. Et puis, ajouta-t-il avec un sourire malicieux, je lis trop mal l’anglais.

Adolf coula les documents dans la poche intérieure de son veston.

— Je vous les transcrirai en italien, promit-il.

Le couple raccompagna le Parrain jusqu’à sa voiture, au milieu de ses gardes du corps.

Avant de le quitter, Gian Franco embrassa Hitler sur la bouche.

Puis il prit Maria contre lui et chuchota :

— Sois heureuse, ma fille : tu as trouvé un homme d’exception.

Ils regagnèrent leur appartement et Adolf se colla à la traduction. Il lisait l’anglais presque aussi rapidement que l’allemand. Lorsqu’il avait terminé un feuillet, il le tendait à sa maîtresse. Maria épluchait à grand-peine le document car elle n’avait de cette langue que des rudiments scolaires. Hitler finit sa lecture bien avant la jeune femme.

— Tu me résumes ? implora-t-elle.

— Un instant, si tu permets.

Il avança le bras, déboutonna son chemisier, le lui ôta ainsi que son soutien-gorge.

— C’est à tes seins que je veux raconter cette histoire, dit-il en la poussant dans un fauteuil.

S’étant agenouillé devant elle, il électrisa l’extrémité de ses exquises mamelles du plat de la main, en un geste circulaire, doux et régulier.

— Je ne vais pas pouvoir t’écouter longtemps, assura Maria en souriant.

— Eh bien, je reprendrai autant de fois qu’il le faudra.

Il attaqua son résumé, sur le mode plaisant, compatible avec les gestes qui le ponctuaient.

— Ces sacrés Juifs sont accrocheurs comme des poux de corps, commença l’Autrichien. Plus de quarante années ont passé depuis la chute du national-socialisme, et ils continuent d’enquêter ! Il leur faut « la vérité, toute la vérité, sans la moindre faille » ! Ainsi, concernant la fin du Führer dans le bunker de la Chancellerie, sont-ils parvenus à questionner les survivants. Le temps les décimant, ils s’en prennent à leurs proches. Souvent ces confidences du « deuxième rang » sont plus poussées, les narrateurs étant moins impliqués.

« Nos enquêteurs ont ainsi établi qu’au moment où le corps du Führer brûlait, deux hommes parvinrent à quitter le bunker par un conduit menant aux égouts. Ces types, l’un et l’autre sous-officiers de la Wehrmacht, se nommaient : Karl Hubber et Frantz Morawsky. Ils ont emporté avec eux le fameux sac tyrolien en peau. »

— On ne les a jamais revus ? demanda Maria, dont le garçon continuait de lui flatter les seins du bout de ses doigts humectés de salive.

— Jamais.

— Leurs familles ?

— À notre connaissance, le dénommé Frantz Morawsky ne possédait qu’une sœur anormale ; quant à Hubber, tous les siens ont été anéantis par le bombardement de Brème, l’un des plus terrifiants de la guerre.

Les attouchements élaborés de son compagnon excitaient Maria, laquelle avait de plus en plus de peine à suivre son récit.

Parvenant à refréner les ondes ardentes qui l’investissaient, elle demanda d’une voix mourante :

— Pourquoi l’Italie ?

Adolf interrompit ses manœuvres épidermiques.

— En effet, pourquoi « nos » clients se sont-ils orientés sur le Vésuve ? Pour une raison simple, mon amour. Récemment, une femme de Saviano a vendu un fond de grenier à un brocanteur itinérant. Dans le bric-à-brac se trouvait un sac tyrolien vert, passablement moisi, dont l’une des poches contenait les papiers militaires allemands de Frantz Morawsky, ainsi qu’une enveloppe au nom de la Chancellerie, marquée d’un tampon indiquant « Destiné au Führer. Strictement confidentiel ».