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— Ils sont partis, dit Moiraine, et tout est rentré dans l’ordre. Je suis sûre que la nuit sera paisible…

Perrin ne dit rien, mais il ne partageait pas la sérénité de l’Aes Sedai.

L’histoire des mariages et celle des Capes Blanches sont bien gentilles, mais moi, je veux savoir si Rand est passé par ici et dans quelle direction il est parti. Cette puanteur ne peut pas être la sienne.

Simion guida le jeune homme et l’Ogier jusqu’à une chambre très dépouillée qui contenait deux lits, deux chaises et pas grand-chose d’autre. Se pliant presque en deux, Loial passa la tête à l’intérieur. Une chiche lumière sourdait des soupiraux, et si les lits se révélèrent grands et dotés de bonnes couvertures et d’édredons agréables, les matelas, même vus de loin, n’inspiraient guère confiance.

Simion chercha à tâtons sur le manteau de la cheminée, dénicha une bougie et l’alluma.

— Je vais m’occuper de vous trouver une chambre avec deux lits mis bout à bout, maître… hum… Ogier. Oui, oui, je vais le faire…

L’employé ne semblait pas pressé de passer à l’action. D’une main tremblante, il tentait de trouver la meilleure place pour le bougeoir, comme si c’était d’une importance capitale. Perrin trouva qu’il avait l’air très mal à l’aise.

Si des Fils de la Lumière s’étaient conduits comme ça à Champ d’Emond, je serais perturbé aussi…

— Simion, un autre étranger ne serait pas passé par chez vous, ces derniers jours ? Un jeune type aux yeux gris et aux cheveux cuivrés ? Il a peut-être joué de la flûte pour se payer le gîte et le couvert.

— Je me souviens de lui, bon maître, répondit Simion sans cesser de déplacer le bougeoir. Il est arrivé hier matin, très tôt, l’air de crever de faim. Toute la journée, il a joué de la flûte pour les mariages. Un brave garçon, à son allure… Il a tapé dans l’œil de quelques femmes, au début, mais… (Il coula à Perrin un regard de biais.) C’est un ami à vous ?

— Une connaissance, disons… Pourquoi ?

— Eh bien… Comme ça, simplement… Il était un peu bizarre… Il se parlait tout seul, par moments, ou il éclatait de rire alors que personne n’avait rien dit de drôle. Il a dormi dans cette chambre, la nuit dernière. Mal dormi, je dois préciser… Au milieu de la nuit, il nous a réveillés en criant. Un cauchemar, mais qui l’a convaincu de partir sans plus attendre. Après tout ce vacarme, maître Harod n’a pas fait beaucoup d’efforts pour le retenir. (Simion marqua une courte pause.) En partant, il a dit quelque chose d’étrange…

— Quoi donc ?

— Qu’on le poursuivait et qu’on l’abattrait s’il ne filait pas d’ici. Puis il a ajouté : « L’un de nous deux doit mourir, et j’ai bien l’intention que ce soit lui. »

— Il ne parlait d’aucun de nous, dit Loial, parce que nous sommes ses amis.

— Je sais bien, mon bon maître Ogier… Il ne parlait pas de vous, c’est évident… Ne le prenez pas mal, mais j’ai peur qu’il soit malade… Dans sa tête, je veux dire.

— Nous nous occuperons de lui, dit Perrin. C’est même pour ça que nous le suivons. Dans quelle direction est-il parti ?

— Je le savais ! s’exclama Simion, tressautant d’excitation. Dès que je vous ai vus, j’ai su que votre bonne maîtresse pourrait l’aider. Dans quelle direction ? Vers l’est, comme s’il avait le Ténébreux à ses trousses. Dites, vous croyez qu’elle ferait quelque chose pour moi ? Enfin, pour mon frère. Noam est gravement malade et Mère Roon ne sait pas quoi faire.

Restant impassible, Perrin se gagna un peu de temps de réflexion en déposant son arc dans un coin puis en mettant sur le lit sa couverture et ses sacoches de selle. Hélas, réfléchir ne l’avança pas à grand-chose. Consultant Loial du regard, il vit qu’il n’avait pas plus d’idées que lui sur la marche à suivre.

— Pourquoi penses-tu qu’elle pourrait aider ton frère ?

La mauvaise question, imbécile ! La bonne est : Que compte-t-il faire de cette information ?

— Eh bien, bon maître, je suis allé à Jehannah, un jour, et j’y ai vu deux femmes comme votre compagne. Après cette rencontre, je l’aurais reconnue entre mille… (Il baissa le ton.) On dit qu’elles peuvent ranimer les morts…

— Qui d’autre est au courant ? demanda Perrin.

— Si ton frère est mort, dit en même temps Loial, personne ne pourra rien pour lui.

Simion regarda les deux clients, l’air inquiet, puis il vida son sac :

— Je suis le seul à savoir, mon bon maître… Maître Ogier, Noam n’est pas mort, mais simplement malade. Rassurez-vous, tous les deux, personne ici ne peut la reconnaître. Même maître Harod ne s’est jamais éloigné de plus de cinq lieues du village. Noam souffre tant… Je présenterais bien ma requête moi-même, mais elle ne m’entendrait pas, parce que mes genoux joueraient des castagnettes. Imaginez qu’elle se vexe et qu’elle me foudroie sur place ? Et si je me trompais à son sujet ? Ce n’est pas le genre d’accusation qu’on lance à la légère sur quelqu’un… Enfin, je veux dire…

Simion leva les mains, un peu pour conclure sa plaidoirie et un peu pour se protéger en cas d’attaque.

— Je ne peux rien te promettre, dit Perrin, mais je lui parlerai. Loial, si tu tenais compagnie à notre ami pendant que je vais voir Moiraine ?

— Bien sûr ! (L’Ogier posa un de ses battoirs sur l’épaule de Simion, qui en sursauta de terreur.) Il en profitera pour me montrer ma chambre, et nous parlerons un peu. Dis-moi, Simion, que connais-tu des arbres ?

— Les ar-arbres, mon-mon bon maî-maître…

Perrin ne s’attarda pas. Faisant demi-tour, il remonta le couloir et alla frapper à la porte de Moiraine.

Il entra au moment même où l’Aes Sedai l’y invitait.

À la lueur d’une demi-douzaine de bougies, Perrin constata que la meilleure chambre du Bond n’avait rien d’extraordinaire. Le lit à baldaquin en imposait, et son matelas semblait moins défoncé que celui du jeune homme. Un tapis miteux couvrait le sol, et les chaises, ici, étaient remplacées par des fauteuils rembourrés. À part ça, il n’y avait pas de quoi s’extasier.

Debout devant la cheminée éteinte, Moiraine et Lan devaient être en train de converser. À son air revêche, l’Aes Sedai n’appréciait pas l’interruption.

Le Champion, lui, affichait son visage de pierre coutumier.

— Rand est bien passé par ici, annonça Perrin. Simion se souvient de lui.

Moiraine soupira d’agacement et Lan grogna :

— On t’avait dit de fermer ton clapet…, souffla-t-il.

Préférant affronter son regard plutôt que celui de Moiraine, Perrin se campa face au Champion.

— Comment savoir si Rand était là, sans poser de questions ? Hein, comment ? Il est parti vers l’est, la nuit dernière, après avoir dit que quelqu’un le poursuivait et voulait le tuer.

— Vers l’est…, répéta Moiraine, très calme. (Un frappant contraste avec ses yeux furibards.) C’est bon à savoir, même si c’est normal, quand on veut rallier Tear. J’étais sûre de son passage par ici avant d’avoir entendu parler des Capes Blanches – et après, je n’avais plus le moindre doute. Rand a au moins raison sur un point : nous ne sommes pas les seuls à vouloir le retrouver. Si ses autres poursuivants entendent parler de nous, ils risquent de vouloir nous arrêter. Rattraper Rand est déjà assez difficile comme ça, alors, avec des ennemis en plus… Tu devras apprendre à tenir ta langue jusqu’à ce que je t’autorise à parler.

— Les Capes Blanches ? répéta Perrin, incrédule.