STEVE
Ouais, ouais. J’y vais.
MICHAEL
Mais si elle… tu sais… si elle t’approche de façon plus personnelle ?
STEVE
Je me débrouillerai.
MICHAEL réfléchit un instant.
MICHAEL
Dis donc, c’est à mon tour d’être jaloux, maintenant.
STEVE est touché.
STEVE
Allez. Tu dis ça juste pour me faire plaisir.
MICHAEL
Ah ouais ?
STEVE hésite. Doit-il le croire ou pas ?
STEVE
Une autre bière. J’en ai besoin. Pour me donner du courage.
MICHAEL
Hé, elle va pas te mordre, tu sais. Ça va peut-être même te plaire. C’est une fille sympa. Il y a pire.
STEVE
(se mettant debout)
Ouais.
SCÈNE 22 :
NASSAU STREET – EXTÉRIEUR NUIT
STEVE avance lentement sur le trottoir, habillé à présent d’un veston et d’une cravate. Il arrive chez PJ, la Maison des Pancakes. Il regarde par la vitrine. Il ne voit pas grand-chose. Il déglutit deux fois, rectifie sa cravate et entre.
SCÈNE 23 :
CHEZ PJ – INTÉRIEUR NUIT
JO-BETH raccroche son uniforme de serveuse. Elle se retourne en entendant la porte.
STEVE
(timidement)
Salut, Jo-Beth.
JO-BETH
(embarrassée)
Oh. Steve. Salut ! Euh, écoute… J’ai essayé de te joindre, mais…
STEVE
Il y a un problème ?
UN HOMME se lève de son siège et se retourne. C’est RONNIE.
RONNIE.
C’est moi, le problème…
STEVE
(le dévisageant avec surprise)
Ronnie ?
RONNIE
(haussant les épaules avec arrogance)
Désolé, vieux. Mais, comme on dit : à l’amour comme à la guerre, tous les coups sont permis. Tu vois ce que je veux dire ?
STEVE
Oh… tu veux dire que toi et…? Oh, je vois.
JO-BETH
Steve, je suis vraiment désolée. Franchement. C’est simplement que Ronnie et moi, nous…
STEVE
(levant la main)
Hé ! Non, non. Vraiment. Ça va. Je comprends. Totalement. Je comprends parfaitement. C’est sincère. Crois-moi.
RONNIE vient vers lui avec un large sourire.
RONNIE
Hé, serre m’en cinq, Burns. Tu encaisses comme un homme.
STEVE serre la main de RONNIE. Un geste d’hommes, des vrais.
STEVE
Bien sûr. Pas de problème. Je… À un de ces jours. Amusez-vous bien, d’accord ? Bon film ou… vous savez… ce que vous voulez…
STEVE sort à reculons, en essayant désespérément de paraître à la fois amèrement déçu et généreux dans la défaite, alors qu’intérieurement, il jubile, délivré.
SCÈNE 24 :
L’APPARTEMENT DE MICHAEL, SA CHAMBRE, HENRY HALL – INTÉRIEUR NUIT
Couché dans son lit, MICHAEL lit Tombent les ténèbres. Il entend sa porte s’ouvrir, et s’assied, en alerte.
La porte de la chambre s’ouvre et STEVE est là.
MICHAEL paraît surpris de le voir et consulte sa montre. Il n’est que vingt-deux heures.
MICHAEL articule sans bruit les mots : « Comment était le film ? »
STEVE secoue la tête lentement et entreprend de se débarrasser de ses chaussures d’un coup de pied.
Il articule en silence le mot Ronnie.
MICHAEL allume la radio à côté de son lit et monte le son. Une musique country & western emplit la pièce.
MICHAEL
(couvert par la musique)
Tu as dit Ronnie ?
STEVE
Il a pas traîné, je dois dire.
MICHAEL
Alors, tu as été plaqué ? Largué. Abandonné. Je n’aurais jamais cru que Jo-Beth manquait autant de goût.
STEVE sourit du compliment, s’assoit sur le lit et ébouriffe les cheveux de MICHAEL.
STEVE
(savourant le mot)
Tu es vraiment cool…
Il tend le bras et éteint la radio.
SCÈNE 25 :
MERCER STREET, PRINCETON – EXTÉRIEUR, DEBUT DE MATINÉE
PANORAMIQUE ARRIÈRE sur le numéro 22 devant lequel est toujours garée la voiture bleue de LEO.
VUE en plongée sur la rue, belle dans la lumière du matin. Chants d’oiseaux, le soleil qui mouchette le trottoir, un matin d’été idyllique.
MICHAEL, adossé à un arbre, sur sa bicyclette, tient son sac dans ses mains et vérifie les pages de son manuscrit à l’intérieur.
Une vingtaine de pages du début sont libres, le reste est fermement arrimé.
Il entend un bruit et lève les yeux vers la rue et le numéro 22.
Une porte s’ouvre. LEO émerge, une mallette sous le bras.
MICHAEL se raidit, arrange son sac en bandoulière et se courbe sur le guidon, prêt à partir.
LEO démarre sa voiture et allume la radio.
Flots de MUSIQUE. La Symphonie héroïque, de Beethoven.
Chantonnant tout seul, LEO jette un coup d’œil rapide dans le rétroviseur et recule lentement pour sortir de l’allée.
SCÈNE 26 :
SOUS UN AUTRE ANGLE : couché sur le guidon, collé à la ligne d’arbres, MICHAEL pédale furieusement vers nous.
UN AUTRE ANGLE : le coffre de la voiture qui émerge lentement de l’allée.
UN AUTRE ANGLE : LEO fredonnant avec entrain en accompagnant Beethoven.
UN AUTRE ANGLE : PLAN PLUS LARGE et PLUS HAUT, le vélo de MICHAEL qui se précipite sur l’arrière de la voiture qui sort.
UN AUTRE ANGLE : LEO en train de chanter avec énergie, à présent : il accélère en faisant reculer la voiture et…
BOUM ! PATATRAS !
La roue avant de MICHAEL PERCUTE le métal bleu de la voiture de LEO.
Des FEUILLES DE PAPIER volent.
LEO écrase les freins, horrifié. Des feuilles volettent autour de sa tête et voltigent dans la voiture elle-même.
LEO coupe le moteur, la MUSIQUE se tait.
LEO
(jaillissant de la voiture)
Oh, mon Dieu. Mon Dieu !
MICHAEL est étendu sur le macadam dans une pose artistique, le plus gros de son manuscrit toujours logé en sécurité dans son sac.
LEO contourne la voiture et s’accroupit avec inquiétude. Il a un fort accent germanique, sans nulle trace d’accent américain.
LEO
Vous allez bien ? Oh, mon Dieu, faites que vous alliez bien ! Je ne vous ai pas vu. Je ne vous ai pas vu du tout. Pardon, pardon.
MICHAEL
(en se remettant debout)
Ouah – tout va bien, monsieur. Rien de cassé. Pfouu !