JO-BETH
Mais bien sûr, que je veux sortir avec toi, Steve. Tu es mignon.
MICHAEL
(donnant un coup de coude guilleret à Steve)
Là ! Tu vois ! Qu’est-ce que je t’avais dit ?
Jo-BETH
Bon…
STEVE
Heu…
Jo-BETH
Il y a un film qui passe au Prytania…
GROS PLAN sur l’expression désorientée de STEVE.
SCÈNE 9 :
CAMPUS DE PRINCETON – EXTÉRIEUR NUIT
MICHAEL et STEVE se dirigent vers HENRY HALL.
STEVE
Bon Dieu, Mikey…
MICHAEL
Pardon. C’est juste à cause de Ronnie. Il était lourd, tu vois. Il me faisait sur toi des allusions lamentables, bien macho… alors, je… alors, j’ai…
STEVE
Alors, tu lui as raconté que je sortais avec Jo-Beth.
MICHAEL
En tout cas, ça lui a bien cloué le bec, à ce crétin…
STEVE
Mais qu’est-ce que je vais faire, bon Dieu ? Je dois aller au cinéma avec elle vendredi soir.
MICHAEL
Allez, fais pas le dégonflé. Tu sais aller au cinéma.
STEVE
Oui, mais si elle passe le bras sur mes épaules ? Et si on est supposés aller ailleurs ensuite et…
MICHAEL
Tu ne vas pas vomir parce qu’elle te passe le bras sur les épaules, si ? Allez ! Elle est sympa, comme fille.
STEVE
Mais tu ne comprends rien ? Tu ne comprends vraiment rien. Ce ne serait pas bien, vis-à-vis d’elle. Ce ne serait pas bien.
MICHAEL
Bon, bon. Je vais te dire. J’irai, moi. Je lui raconterai que tu es malade. Je lui apporterai un mot de ta part, et j’irai à ta place.
STEVE
(sur un ton lamentable)
C’est ça. Et ensuite, vous irez tous les deux vous envoyer en l’air dans ta chambre, c’est ça ?
MICHAEL
Je n’en sais rien. Peut-être, oui. Bon Dieu, excuse-moi ! Je croyais te rendre service.
STEVE
Oui, ben, la prochaine fois que tu veux me rendre service, demande-moi d’abord, d’accord ?
MICHAEL
C’est l’affaire d’une semaine, à peu près. Quelques jours, même, si Leo travaille sur ce que je suppose. Nous y voilà.
Il lève les yeux vers la façade pseudo-gothique couverte de lierre de Henry Hall.
SCÈNE 10 :
CHAMBRE DE MICHAEL, HENRY HALL – INTÉRIEUR NUIT
MICHAEL et STEVE sont assis devant un ordinateur.
STEVE appuie sur l’écran.
Tous deux parlent sur un ton qui sonne plutôt faux, pour le bénéfice de dispositifs d’écoute qui pourraient se trouver dans la pièce.
STEVE
Mince, Mikey, c’est quand même bizarre que tu n’arrives toujours pas à te rappeler comment on se sert du système.
MICHAEL
Je sais. Tout me revient peu à peu. Mais merci, c’est sympa de m’aider comme ça.
Ils se sourient comme des écoliers dissipés devant la rigueur ridicule de leurs propos.
STEVE
Pas de problème. On regarde tes dossiers de travail ?
L’écran porte des icônes permanentes, sur les bords : la zone centrale se compose de pages.
STEVE appuie sur une icône et un certain nombre de dossiers de couleur beige apparaissent, avec des titres sur leurs étiquettes.
MICHAEL
Alors, c’est quoi ? Ça se passe comme sur Internet, non ?
STEVE
Pardon ?
MICHAEL
Cet ordinateur est relié à d’autres ordinateurs en réseau ?
STEVE
Exact. Ce n’est pas un ordinateur, Mikey. C’est un Pap.
MICHAEL
Euh… un Pap ?
STEVE
Un Poste d’accès personnel. Les ordinateurs se trouvent à l’autre bout du campus. On accède à ses documents par le Pap.
MICHAEL
Ah oui. Pap. Pigé. Bien sûr. Mais comment je tape pour entrer du texte ?
STEVE
Pourquoi est-ce que tu veux faire ça ?
MICHAEL
Ben, je travaille dessus, non ? Tu sais, du traitement de texte, le courrier, les devoirs, ce genre de trucs ?
STEVE
Tu lui parles, c’est tout.
MICHAEL
Oh, c’est vrai. Je lui parle. Il connaît ma voix ?
STEVE
Bien sûr, qu’il connaît ta voix.
MICHAEL
Alors pourquoi il n’est pas en train de rédiger ce que nous sommes en train de dire ?
STEVE éclate de rire et flanque une tape enjouée sur l’épaule de MICHAEL.
STEVE
Tu presses le glyphe parole, idiot.
Nous voyons l’écran, à présent. Il y a une icône dans le coin supérieur gauche, c’est l’icône de parole, qu’on appelle un Glyphe parole.
STEVE
(suite)
Bon, quand tu touches le glyphe parole, il s’éclaire, tu vois ? Et tout ce que tu dis est soit un ordre soit du texte à taper. Ensuite, tu le presses à nouveau, pour éteindre et tu peux parler sans qu’il note tout ce que tu dis. Bon, je vois que tu as des documents de travail, ici. Tu as des notes sur Hegel, hein ? Donc, tu appuies sur le glyphe parole et tu dis ouvrir notes sur Hegel ou ouvre-moi les notes sur Hegel, tout ce que tu veux dans ce genre. S’il y a plus d’un choix, il affichera les options et tu toucheras celle que tu veux, c’est tout simple.
MICHAEL
(inquiet)
Mais, et la voix bizarre avec laquelle je parle en ce moment ? Cet accent anglais ?
STEVE
Ça ne devrait pas poser de problème.
MICHAEL se penche en avant et touche le glyphe parole, qui s’allume.
MICHAEL
(s’adressant à l’écran : très fort, en articulant)
Va chercher mes notes sur Hegel.
Rien ne se passe. STEVE appuie sur le glyphe parole pour l’éteindre.
STEVE
Holà, holà, pas besoin de hurler. Parle normalement, ça suffit.
MICHAEL touche le glyphe parole. Celui-ci se rallume.
MICHAEL
(voix ordinaire)
Va chercher mes notes sur Hegel.
Une sorte de fenêtre s’ouvre sur un côté et la représentation d’un dossier apparaît instantanément, à très haute résolution avec HEGEL : NOTES écrit sur le devant et une liste de titres différents sur un côté. Biographie, Dialectique, Hegel et Nietzsche, et ainsi de suite.
MICHAEL
Ouah, qu’est-ce que c’est cool !
STEVE
Bien, maintenant, touche ça…
MICHAEL touche l’écran à l’endroit marqué Dialectique. Une page à très haute résolution de texte net et anticrénelé s’ouvre avec élégance. C’est une liste de notes sur Hegel et la dialectique.