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L’animal bâille, ce qui me confirme dans la certitude que sa bouche se trouve dans la partie haute de ce tas de poils.

J’avale mon œuf mayonnaise et je passe au mutton-chop. La boutanche de pommard est plus qu’à moitié vide. J’ai le cœur en fête. Ma pin-up consomme un pamplemousse et un steak sur le gril, sans beurre because la ligne.

À elle toute seule c’est une attraction internationale.

Pour trimbaler une nana pareille dans les rues faut avoir son brevet de pilote ! En tout cas, on ne doit pas passer inaperçu…

CHAPITRE VI

L’éternel féminin !

C’est moi l’éternel féminin. Je suis féministe à fond ! La plus belle conquête de l’homme, vous direz ce que vous voudrez, mais c’est bel et bien la femme. Il suffit de jeter un coup d’œil sur Pauline Carton pour s’en rendre compte.

La femme avec un Q majuscule et des talons Louis XV pour piétiner votre cœur…

Celle qui se tient à côté de moi avec l’animal bizarroïde qui lui sert de chien est particulièrement sexy. Si vous voyiez ce format, les gars, vous sortiriez une langue longue comme un tapis roulant. Elle est, je vous l’ai déjà bonni, bronzée comme un secrétaire d’acajou, avec des tifs incandescents et des yeux qui vous perforent le futal de part en part.

J’engage la conversation parce qu’un lot de cette nature vaut qu’on lui réserve un peu de salive. Elle me laisse dégoiser. Quand j’ai achevé de célébrer le chien-chien, j’attaque la toilette de la dame. Elle porte une robe verte qui, si elle ne sort pas de chez Lanvin, ne vient certainement pas de Prisunic. Le couturier a pensé à l’humanité souffrante, aussi l’a-t-il largement échancrée. Il s’est dit, ce digne homme, qu’on n’a pas le droit de voiler des roberts comme ceux qui sont accrochés au premier étage de la dame. Alors il a eu le ciseau dévorant, ce qui me procure un ravissant panorama. On aimerait passer ses vacances dans son corsage, croyez-moi.

Et c’est pas du Dunlopillo ! Pas du subterfuge, aucune chambre à air à l’intérieur… Du vrai, taillé dans la masse, délicat, parfumé, tiède (je suis un imaginatif !).

Elle voit bien que je m’intéresse à son avenir immédiat, aussi joue-t-elle le jeu de la belle convoitée. Ses cils longs comme des ramasse-miettes battent pudiquement son regard langoureux. On aimerait en faire un paquet, de cette fille, et se l’arrimer sur le porte-bagages.

— Vous paraissez bien seule, j’observe… C’est surprenant.

— Pourquoi est-ce surprenant ?

— Parce qu’une femme aussi sensationnelle que vous ne l’est jamais.

C’est peut-être un peu direct, mais ça dit bien ce que ça ne dit pas. Son bronzage ne lui permet pas de rougir, mais moralement elle est siphonnée par mon audace. Elle se dit qu’un dégourdi de mon espèce mérite qu’on lui accorder attention en attendant de lui accorder mieux.

Oh ! je sais ce que vous pensez, les gnaces ! Vous vous dites que j’exagère un peu, que je me « vinte ». Vous êtes surpris — vous qui ne calecez votre bourgeoise que le dimanche en matinée — parce que je charge une moukère après m’en être embourbé une dans l’après-midi ! Ça vous paraît un exploit d’Hercule, ça vous terrorise, vous croyez qu’on tombe dans la fiction ! Et pourtant je vous donne ma parole d’honneur que tout ça est vrai ! Je vous l’ai annoncé ; je suis féministe, j’aime l’amour. D’accord, je trouve pas que ça soit tellement reluisant. La bête à deux dos, considérée à froid, c’est même assez navrant, vous voyez que je comprends la vie ? Seulement, qu’on le veuille ou non, c’est une belle invention (plusieurs siècles d’expérience) et ça change les idées… Pendant qu’on fait ça on oublie les autres mesquineries de la vie. Et puis un vice ne peut se justifier qu’en lui-même, vous comprenez ? Il ne faut pas tricher avec le plaisir… il ne faut pas le minuter, le doser, ou alors vous devenez des gagne-petit du libertinage… Les épargnants du fignedé… On ne fait pas l’amour comme on achète des bons du Trésor lorsqu’on a mis trois ronds à gauche… C’est mesquin, ça dégrade… L’amour, je vais vous dire, c’est une bataille… La plus bath de toutes ! Faut toujours être sur le qui-vive ; toujours prêts, comme disent les boys-scout. Alors là, oui, ça devient presque un art. Là, c’est acceptable…

Si mes théories vous choquent vous n’avez qu’à échanger ce livre chez votre bouquiniste contre le Manuel du parfait casseur de claouis.

Je baratine si vivement la donzelle qu’elle ne peut moins faire que d’accepter le caoua que je lui offre. Un susucre à l’O Cedar et alors c’est le grand délire. Elle comprend que je suis du genre gentleman, avec sens des usages et tout !

Nous sortons ensemble, escortés du tas de poils. Une fois sur le boulevard des Capucines nous nous regardons.

— On pourrait aller prendre un verre quelque part ? je propose.

C’est du classicisme à toute épreuve, le coup du godet. Notez que c’est hypocrite. Quand un homme seul invite une dame seule à boire un glass il a fatalement une idée quelque part. Et quand je dis quelque part vous voyez à peu près à quel niveau se situe cette idée !

Elle hésite…

C’est le moment de foutre l’argument massue.

— Je me sens tellement seul, ce soir… Ça me ferait plaisir d’aller boire une bouteille de brut avec une ravissante personne comme vous dans une taule un peu huppée…

Cette fois le rouge est mis. Elle se trémousse. Évidemment elle y va du superclassique :

— Croyez-vous que soit raisonnable d’accepter ?

Auquel je riposte par un immédiat :

— Croyez-vous que ce soit raisonnable de refuser ?

Elle rit, ce qui est bon signe. Je me tue à vous le seriner, mais les gonzesses, si vous voulez les emballer, y a deux méthodes et pas une de plus : les amuser ou les intriguer…

— Ce que vous êtes persuasif ! dit-elle.

— J’ai eu un grand-père maquignon, il peignait des rayures noires sur le pelage des ânes pour faire croire que c’étaient des zèbres…

— Seulement il faut que je me change, dit-elle. Je ne peux pas sortir dans cette tenue.

— Pourquoi ? En voilà une idée !

— Mais non !

Ça, c’est la nana de luxe. Elle doit passer la moitié de sa vie chez son couturier et l’autre moitié à changer de frusques. Il faut en passer par là, jamais elle ne se laissera véhiculer après huit heures du soir avec une robe de ville.

— Bon, vous habitez loin ?

— Non, de l’autre côté de l’eau, rue de Verneuil… Vous avez une voiture ?

— Heu… pas ici !

— En ce cas, prenons un taxi…

Un qui ne doit pas se poiler, je vous le dis, c’est le gros Bérurier. Tel que je connais le bipède, il doit croquer son soixante-douzième sandwich en fulminant contre San-Antonio qui lui fait user les plus belles heures de sa vie à attendre. Et il doit être vachement en renaud en me voyant escorter une pépée de ce format.

Elle reprend, la petite :

— De toute façon, il n’est pas question de sortir avec Kaiser…

Je laisse tomber un regard gluant sur l’animal ainsi baptisé. Il est bath, le Kaiser ! Pourquoi pas Napoléon pendant qu’elle y était… Il est vrai que ça ne commence pas par la même lettre, ce qui chamboulerait le pedigree de l’O Cedar.