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« Tu ne réponds pas ? »

Il sort son palmeur en espérant que ce sera quelqu’un voulant lui parler de comédie. Mais non. Vishram, c’est Shâstrî. Pas maintenant, vieux domestique. Surtout pas maintenant.

Mais la fête commence à l’ennuyer. Il passe à la manœuvre no 4.

« Tu veux rester ici, ou on va ailleurs ?

— Je ne suis pas difficile. »

Bonne réponse.

« Ça te dit, un p’tit café chez moi ?

— Oui, ça me va. »

Dehors, sur Byres Road, il reste un peu de l’heure bleue au-dessus des toits. La lueur des phares des voitures semble peu naturelle, théâtrale, une scène tournée en nuit américaine. Le taxi avance à vitesse réduite dans un crépuscule de minuit. Anye est assise tout près de Vishram sur la grande banquette en cuir. Il insinue la main. Elle se recule afin d’ouvrir le devant de son taille-basse. Il écarte l’élastique du slip. Manœuvre no 5.

« L’humoriste », dit-elle en guidant ses doigts.

La pierre dorée des immeubles semble luire dans la pénombre. Vishram sent sur son visage la chaleur emmagasinée par la maçonnerie. Une odeur d’herbe coupée monte encore du parc.

« C’est chouette, dit Anye. Cher. »

Vishram a toujours la main dans la culotte de la jeune femme et, de son doigt brûlant, guide cette dernière jusqu’en haut des marches. Il sent dans son entrejambe, dans sa respiration, dans les muscles de son ventre qu’il va prendre brutalement Anye nue à même le parquet. Il va découvrir les bruits qu’elle fait. Voir la saleté dans sa tête, les choses qu’elle veut qu’un autre corps lui fasse. Dans sa précipitation et son désir, Vishram manque trébucher sur le seuil et son pied envoie valser dans le hall l’objet qui l’attend là. Il pense à l’y laisser. Les lumières automatiques révèlent le logo vert et chrome de la Compagnie.

« Juste une toute petite seconde. »

Déjà sa proto-bandaison diminue.

L’enveloppe en plastique de courrier prioritaire est adressée à Vishram Ray, Appartement 1a, 22 Kelvingrove Terrace, Glasgow, Écosse. Dégoûté, dégrisé et plus du tout excité, Vishram l’ouvre. Elle contient deux objets : une lettre de Shâstrî le domestique ridé, et un aller simple Glasgow-Vârânacî via Heathrow, en première classe.

Il avait commencé à baratiner la femme en très bon tailleur dans le salon de la BhâratAir Râja Class parce qu’il planait toujours à cause de sa victoire et de la boisson, mais surtout par frustration sexuelle.

À l’arrivée de la limousine, il fermait le sac dans lequel il venait de fourrer son nécessaire de voyage. Il avait proposé à Anye de la raccompagner. Elle lui avait décoché un regard glacial de bonne gaélique activiste du SNP.

« Désolé, une affaire de famille. »

Elle semblait avoir très froid, avec ce pantalon et autant de peau dénudée, dans la lumière qui précédait une aube de début août à Glasgow. Vishram arriva à l’embarquement avec dix minutes à tuer. Il était le seul à l’avant lors du bref vol par navette aérienne jusqu’à Londres. Un peu étourdi par la rapidité de tout cela, il descendit de la passerelle et gagna aussitôt le salon de première classe, bien décidé à boire une vodka. Une douche, un coup de rasoir, des vêtements propres et un peu de vodka polonaise lui permirent de redevenir Vishram Ray. Il se sentit assez bien pour essayer d’attirer dans une conversation désinvolte cette femme vêtue d’un tailleur confortable-pour-voyager. Juste histoire de passer le temps. Reptile de salon.

Elle s’appelle Marianna Fusco. Elle est avocate d’entreprise.

On l’envoie à Vâranasî s’occuper d’un problème complexe de fidéicommis.

« Moi, je suis juste le mouton noir, le bouffon de la cour. Le frère cadet envoyé en Angleterre étudier le droit dans une bonne université, sauf qu’il se retrouve en Écosse à vouloir devenir un de ces humoristes qui se produisent seuls sur scène. Le stand-up est la forme d’art la plus élevée qui soit, entre parenthèses. Et pas très différente du droit, j’imagine. Vous et moi sommes des créatures de l’arène. »

Elle ne réagit pas sur ce point, mais demande :

« Combien de frères ?

— Grand ours, moyen ours.

— Pas de sœurs ?

— Il n’y a pas beaucoup de sœurs à Vârânacî, du moins pour ce que j’en connais.

— J’en ai entendu parler, dit-elle en se tournant plus confortablement vers lui sur le canapé en cuir. À quoi ressemble une société où il y a quatre fois plus d’hommes que de femmes ?

— À une société qui manque d’avocates, dit Vishram en se laissant aller sur le cuir craquant. De femmes exerçant un métier.

— Il faudra que je me souvienne de pousser mes avantages. Je vous offre une autre vodka ? Le vol sera long. »

Peu après la troisième, l’embarquement commence. Le siège de Vishram peut prendre une vraie position allongée. Après des années de classe économique, il n’en revient pas d’avoir autant de place pour les jambes. Il s’amuse tellement avec les boutons et les gadgets qu’il ne remarque pas tout de suite la passagère qui boucle sa ceinture à côté de lui.

« Eh bien, salut, vous parlez d’une coïncidence ! dit-il.

— Ce n’en est pas une », répond-elle en ôtant sa veste. Elle a des bras bien fermes sous son haut en stretch à brocart.

On leur sert leur premier armagnac au-dessus de la Belgique, alors que l’hypersonique monte en flèche vers son altitude de croisière, à trente-trois mille pieds. Vishram n’avait jamais envisagé de boire cela. Il carbure à la vodka. Il estime néanmoins que l’armagnac convient assez bien au rôle qu’il joue pour le moment. Marianna Fusco et lui traversent le ciel indigo en discutant de leur enfance, elle dans une grande famille élargie par les mariages et remariages – et qu’elle appelle sa constellation familiale –, lui dans la bourgeoisie patriarcale de Vârânacî. Elle trouve la stratification sociale émergente aussi horrible que fascinante, comme tous les Anglais. C’est ce qu’ils ont toujours aimé dans la culture et la littérature indiennes. La culpabilité et l’émotion que procure un système de classes sociales vraiment bon.

« Je viens d’une famille plutôt aisée. » Insiste. « Mais pas brâhmane. Genre avec un grand B, je veux dire. Mon père est kshatriya, assez dévot à sa manière. Toucher à l’ADN serait blasphématoire. »

Après deux autres armagnacs, la conversation se tarit et cède la place au sommeil. Voluptueusement allongé dans son fauteuil, Vishram remonte sa couverture de compagnie aérienne sur ses épaules en imaginant le froid de la stratosphère derrière la paroi de nanocarbone. Marianna bouge contre lui sous sa propre couverture. Elle est chaude, beaucoup trop près, et respire au même rythme que lui.

Manœuvre no 6. Quelque part au-dessus de l’Iran, il pose la main sur un sein. Elle remue contre lui. Ils s’embrassent. Langues saveur armagnac. Elle se rapproche en se tortillant. Il fait glisser ses seins hors du haut blanc en stretch. Marianna Fusco a de grandes aréoles aux pores hérissés, des mamelons comme de petits obus. Elle soulève sa jupe confortable mais stricte alors que l’hypersonique atteint Mach 3,6. Il lèche et essaye de se glisser, mais Marianna Fusco l’intercepte et guide son doigt vers cet autre trou grivois. Elle lâche un petit soupir, s’empale sur son doigt et dégrafe habilement Vishram Ray, dont la queue épaisse jaillit dans l’espace séparant les fauteuils. Marianna Fusco lui frotte le gland avec le pouce. Vishram lui caresse le clitoris en s’efforçant que l’hôtesse n’entende rien.