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— Les gens sont allés du côté de l’ancien terrain d’aviation, traduisit la Mamma, mais elle ne veut pas quitter cet endroit. Elle pense que son chat est sous les ruines et qu’elle finira par l’entendre miauler. Si elle s’en va il ne saura plus où aller. Voilà pourquoi elle préfère rester là.

La Mamma lui demanda s’il y avait beaucoup de morts et la vieille femme dit qu’il y en avait beaucoup, peut-être la moitié du village…

— Combien sont-ils là-bas sur le terrain d’aviation ?

— Je ne sais pas, je ne m’occupe pas d’eux.

Elle accepta une couverture, des boîtes de conserve et surtout des bougies. La nuit elle dormait dans une sorte de caisse où elle avait traîné un matelas garni de paille de maïs.

— Je cherche une amie qui se trouvait peut-être ici avec une voiture Lancia, dit la Mamma. Le samedi avant le tremblement de terre… Vous n’avez pas vu une voiture Lancia ?

— Là-dessous il y a des voitures… Je ne connais pas les marques… Il y a bien une dizaine de voitures sous les gravats… Peut-être même avec des gens dedans puisque c’était le dimanche soir et que des enfants étaient venus voir leurs parents… C’est fort possible qu’il y ait des gens dans les voitures…

La nuit venait et ils achevèrent la traversée de la rue, se dirigèrent vers le terrain d’aviation. De loin ils aperçurent les feux, entendirent un bruit de moteur. Stefan grimpa sur le perron intact d’une maison pour regarder.

— Ils ont de la lumière électrique… Je suppose que c’est un groupe électrogène que l’on entend. Je pense qu’on doit pouvoir aller là-bas en voiture. Il faudra revenir sur nos pas, trouver l’embranchement quelque part.

La Mamma dit qu’elle allait d’abord se rendre à pied jusque là-bas.

— Toute seule ? fit Stefan surpris.

— Pourquoi pas ? Vous ne pensez quand même pas que ces gens-là vont me faire le moindre mal ?

— Donnez-nous vos clefs. Olga se mettra au volant de la Fiat et nous vous rejoindrons avec les deux voitures.

La Mamma hocha la tête.

— Vous ne nous faites pas confiance ? demanda ironiquement le jeune Allemand. Vous pensez que nous allons filer avec votre Fiat et sa cargaison ?

— Non… Vous ne seriez pas venus jusqu’ici pour le faire… Voici mes clefs.

— Si jamais… Enfin si vous vous sentiez menacée nous arriverons très vite.

— Il n’y a aucune raison que je sois en danger, fit-elle avec une sorte de colère. Il n’y a que des gens malheureux qui seront heureux de nous voir.

Sans discuter plus longtemps elle se dirigea vers les feux de camp. Le terrain était puissamment illuminé, plus qu’il n’était nécessaire. Elle vit que les gens ne s’abritaient pas sous des tentes mais sous d’anciens hangars tôlés à moitié détruits. Ils avaient rafistolé les toits tant bien que mal mais la plupart se trouvaient autour des feux. Des femmes et des hommes, très peu de silhouettes d’enfants.

Quelqu’un la vit sortir de l’ombre et cria en la désignant de la main. Ils devaient penser à une apparition surnaturelle car plusieurs des vieilles femmes se signèrent. Lorsqu’elle fut suffisamment éclairée elle s’immobilisa pour qu’ils puissent bien la détailler et sourit.

17

Depuis qu’il avait découvert que Paulo di Maglio avait détourné des mémoires pour son usage personnel, Umberto Abdone devenait de plus en plus désagréable. il profitait carrément de la situation et Macha ne pouvait plus le supporter. À plusieurs reprises elle avait failli le remettre en place et elle qui détestait la violence et surtout ne voulait vexer personne, elle avait parfois des envies furieuses de le gifler. Il ne cessait de se frotter contre elle, lui imposant de force la réalité d’un désir exacerbé. il la frôlait sans vraiment la peloter mais c’était encore pire. Il paraissait pétri de frustrations et d’inhibitions et ne devait pas être capable de réaliser auprès des femmes qu’il payait tous ses fantasmes.

— Il faut le supporter, dit Paulo… Je lui ai promis une lettre du syndicat mais il ne se fait pas d’illusions. Il sait que je ne pourrais pas la lui montrer. Il doit croire que nous magouillons quelque chose contre l’entreprise.

— Tu crois qu’il doute que je sois étudiante ?

— Tu aurais dû t’inscrire vraiment. Il est capable d’aller se renseigner à la faculté.

— Si seulement il avait un accident ou tombait malade. Il va nous empoisonner l’existence durant des nuits alors que nous avons besoin de notre sérénité.

D’ailleurs Umberto arrivait chaque jour un peu plus tôt et ce fut Macha qui décida de ne pas venir durant quelques jours pour mettre un terme à cette tension insoutenable.

— Tant pis pour le retard mais ce sera préférable… Je vais en profiter pour dormir un peu, sinon je ne tiendrai pas le coup. Je vis trop sur les nerfs.

On lui avait présenté quelques étudiants en économie politique mais elle les trouvait trop dragueurs. Ils voulaient bien l’aiguiller dans ses recherches mais l’invitaient toujours dans leur chambre et rien de sérieux ne pouvait se faire avec eux. Elle apprit qu’un certain professeur Montello était un spécialiste du commerce extérieur, mais qu’actuellement il était malade avec une crise de bronchite comme chaque hiver.

Elle lui téléphona pour obtenir un rendez-vous mais sa femme se montra très sèche, désagréable. Il n’était pas question de venir déranger son mari alors qu’il était si malade. D’abord qui était-elle et pourquoi voulait-elle le voir ?

— Je fais des recherches sur le commerce extérieur de l’Italie… Je ne suis pas étudiante mais dans mon métier j’ai besoin de données intéressantes.

— Quel âge avez-vous ?

— Trente ans, pourquoi ?

La signora Montello lui raccrocha au nez sans préciser pourquoi elle posait ce genre de question et Macha pensa qu’elle était jalouse.

— Il faudrait téléphoner plusieurs fois dans la journée, lui conseilla sa sœur, et dès que tu entendras sa voix, tu la reconnaîtras, hein, tu raccroches. Peut-être qu’à la longue tu finiras par tomber sur lui.

— Je ne peux pas perdre tout mon temps à ça, répondit Macha.

— Dans ce cas je m’en occupe, dit Ruth… Je te prends un rendez-vous si c’est lui qui me répond ?

— Oui… D’accord mais je ne pense pas que tu auras des chances.

En attendant, elle retourna dans les bureaux de l’entreprise de transports et Umberto se précipita sur elle, lui baisa cérémonieusement les mains en déclarant qu’elle lui avait manqué énormément, qu’il n’arrivait plus à s’intéresser à son travail depuis qu’elle manquait et il l’environna de grandes attentions, recommença à la frôler si bien qu’elle lui demanda d’une voix très calme pourquoi il se montrait aussi pénible.

— Vous me trouvez pénible, fit-il le visage déformé par ce qu’il prenait pour une insulte.

— Vous voulez coucher avec moi et vous agissez comme un gosse, dit-elle. Je n’ai pas envie de partager votre lit et je voudrais que nos relations soient plus normales. Je suis sûre que nous pourrions être de très bons amis.

— Vous préférez Paulo di Maglio, hein ?

Di Maglio se trouvait à l’autre bout de la pièce et ne pouvait entendre leur conversation.

— Pas du tout. Je suis ici pour faire mon travail et vous me perturbez gravement.

— Vous êtes ici pour utiliser les ordinateurs à des fins personnelles. Je suis très inquiet et je vais devoir avertir dès demain matin les dirigeants de cette entreprise de ce qui se manigance ici.