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— Très bien, dit la jeune femme, quand allez-vous le faire, demain matin ?

— Exactement.

— Bien. Voulez-vous maintenant me laisser travailler, s’il vous plaît ? Je dois étudier ces documents et je n’ai plus que quelques semaines pour regrouper la matière de ma thèse.

— Vous n’êtes pas étudiante, hurla-t-il… Vous n’êtes pas inscrite.

— Inscrite où ? Ici à Rome ? Je suis en train de passer des examens internationaux… Mais voulez-vous me laisser travailler ?

Umberto recula de quelques pas, faillit dire quelque chose. Lorsqu’il se retourna il se heurta à Paulo di Maglio et il esquissa un geste de défense.

— Je te fais peur, Umberto ?

— Laisse-moi tranquille… Vous êtes en train de me bluffer mais vous me le paierez… Ça c’est sûr, vous le paierez…

— Demain tu vas aller faire le mouchard à la direction mais prends garde. Je t’attaque en diffamation, je t’accuse d’avoir essayé de me faire perdre mon emploi par des manœuvres calomnieuses…

— Les mémoires sont ici… Tu ne peux le nier… Tu m’as dit toi-même que vous travailliez pour le syndicat… Je sais que c’est faux. Je me suis renseigné. Le syndicat peut utiliser librement l’ordinateur de la Fédération nationale… Je pense que vous complotez quelque chose de pas normal.

— Mais oui, dit di Maglio, nous étudions dans quelles conditions nous pourrions enlever le pape et réclamer une forte rançon… Justement la rançon c’est le problème : faut-il exiger des dollars ou des indulgences papales ? Toute la question est là.

Macha, stupéfaite, n’éclata pas tout de suite de rire tant l’humour de cette réponse était inattendu. Elle avait toujours pensé que Paulo était incapable de fantaisie. Umberto aussi visiblement. Mais comme il était catholique pratiquant, il pénétrait chaque jour dans une église pour satisfaire sa sensualité aux odeurs d’encens, de cire fondue et d’atmosphère feutrée, cet humour-là le choqua profondément.

— Ça ne te portera pas bonheur de blasphémer…

— N’exagérons rien, dit Paulo, c’est une blague que j’ai entendue sur les ondes de Radio Vatican…

La jeune femme pensa que pour cette nuit encore ils avaient obtenu un sursis. Mais Umberto ne désarmerait pas facilement, reviendrait à la charge. Elle aurait aimé avoir de l’audace, un total amoralisme sexuel. Elle l’aurait bloqué dans un coin et tranquillement l’aurait satisfait comme elle avait satisfait le professeur Montello.

— Manu militari, dit-elle à mi-voix. Puis comme les deux hommes se retournaient elle retint un rire nerveux.

— Ce n’est rien, dit-elle… Une réflexion personnelle qui n’a rien à voir avec tout ça.

22

Le sénateur ne se réveilla pas de très bonne humeur. Il regrettait presque ce voyage en Europe, cette enquête. Edwige, qui avait toujours su deviner ses pensées secrètes, le comprit parfaitement. Ils allaient réunir des éléments qui ne seraient peut-être jamais utilisés par une commission du Sénat. La victoire des républicains avait modifié l’échiquier politique et le sénateur Holden n’aurait aucune présidence de commission. Peut-être obtiendrait-il une sous-commission, un comité, mais ce n’était pas certain. Il pouvait constituer avec d’autres parlementaires une commission non officielle mais elle ne bénéficierait pas du même impact.

Elle ne pensait pas que son patron regrette en ce moment l’argent dépensé pour cette mission en Italie, mais elle ne lui serait jamais remboursée à moins d’un miracle, à moins qu’ils n’intéressent le Sénat dans un avenir plus ou moins lointain. Le prochain renouvellement du Sénat dans deux ans, si jamais Reagan décevait, pouvait tout changer une fois de plus et l’affaire de l’argent fourni aux terroristes finirait par sortir. L’effet n’aurait pas autant d’impact mais, après tout, la commission Church sur les interventions de la C.I.A. avait mis en lumière des agissements criminels de l’Agence depuis sa création après la dissolution de l’O.S.S. après la guerre.

— Quel est le programme ? demanda-t-il après avoir exigé qu’on lui serve du café américain et non l’expresso qui le faisait sauter au plafond la nuit, affirmait-il.

— Je vais me renseigner sur Vacanza Europeo Club, au syndicat des agences de voyages et des clubs de loisirs… Il faut que j’arrive à trouver leur banque… Il faudrait aussi que je sache qui a vendu l’ancien monastère des dignitaires du régime. Votre ami le sénateur italien pourrait nous aider, mais encore faudrait-il lui indiquer ce que nous faisons dans son pays, quel genre d’enquête nous menons ?

Holden qui grignotait un croissant la regarda comme si elle venait de proférer une ânerie.

— Bogaldi appartient à un petit parti socialiste modéré… Je ne sais même plus lequel… Tout ce que je sais c’est qu’il est apparenté à la Démocratie Chrétienne, que cette Démocratie Chrétienne est au pouvoir depuis la fin de la guerre dans ce pays et que nous les aurons sur le dos si je préviens mon ami Bogaldi…

— Il n’est pas forcément un défenseur acharné de la D.C., répliqua Edwige… Ce serait peut-être une chance pour lui de se démarquer de ce parti usé par le pouvoir et compromis dans toutes sortes de scandales dont le dernier sur les pétroles n’est pas le moindre… Il y a eu les complots militaires, ceux des services secrets, l’indulgence pour les terroristes de droite, la répression étroite pour les autres…

Holden leva une main en signe d’apaisement.

— Du calme, ma fille, du calme… Possible que mon ami Bogaldi saute sur l’occasion mais je sais que dans son fief électoral il doit beaucoup compter sur les chrétiens… Il ne s’aventurera pas à la légère.

— Rien ne prouve que le V.E.C. est compromis avec la Démocratie Chrétienne…

Un sourire indulgent défripa l’air boudeur du sénateur.

— Ma pauvre enfant… Réfléchissez… Ces gens-là ont acheté une propriété confisquée par l’État, certainement dans des conditions suspectes. Je veux dire qu’ils n’ont pas dû la payer très cher grâce à des pots-de-vin, je suppose, mais c’est toujours ainsi que les choses se passent en général… La D.C. ne verra pas d’un bon œil que nous nous y intéressions, même si elle est innocente pour l’argent du terrorisme, mais ce n’est pas certain.

— Dans ce pays, dit Edwige, sans soutien politique, sans recommandation on n’obtient pas le moindre renseignement. Je suis certaine de faire chou blanc même au syndicat des agences de voyages alors qu’ailleurs ma démarche ne présenterait aucune difficulté. Moi aussi je connais ce pays.

— Nous pouvons utiliser un subterfuge… Ces agences travaillent avec les USA, ont besoin d’être accréditées, profitez-en, jouez de l’influence dont votre poste peut vous faire bénéficier. Vous appartenez à l’administration sénatoriale, détachée auprès de mes services… Je ne sais pas encore pour combien de temps mais enfin c’est encore ainsi.

— Vous croyez qu’ils vont m’obliger à retourner travailler dans la Sénatoriale ou pour un autre sénateur ?

— Tout peut arriver, dit-il.

Cette réponse sibylline la laissa sur une mauvaise impression. Mais elle prit rendez-vous avec le syndicat des agences de voyages, se montra très à l’aise pour affirmer qu’elle était chargée d’une enquête sur différentes sociétés organisatrices de tour-opérateur.

— Mais, bafouilla la personne qu’elle eut au bout du fil, il faut dans ce cas que vous rencontriez le secrétaire général ?

— Il me faut un responsable, dit Edwige en articulant nettement.

— Bien sûr, un responsable, justement notre secrétaire général doit passer d’ici une heure prendre connaissance du courrier et…