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— Vendu à qui ?

— Ah oui… La société de tourisme Vacanza Europeo Club. Vous pouvez lire ici le double de l’acte de vente. Un million de lires. Un monastère entier qui avait abrité toute la clique de Benito. Il y a au moins cent pièces somptueuses dans cette soi-disant ruine.

Edwige notait tout. Même le nom du ministre mort, celui du notaire, du préfet de province. Elle ne pourrait pas revenir si elle oubliait quelque chose et le sénateur Holden avait l’art de chercher la petite bête.

— Tenez, dit le signor Pavesi, vous avez été bien aimables.

Il leur laissa cinq mille lires qu’Edwige tint à lui rembourser au-dehors.

27

Ils avaient poursuivi leur route, leur chemin plutôt, vers le village de Dioni mais Kovask regrettait d’être engagé sur cette voie. Il aurait aimé trouver un téléphone pour donner ces deux noms au sénateur Holden, qu’il se débrouille avec, qu’il en tire des renseignements. Que de temps perdu et ce fichu chemin qui semblait avoir reçu toute la neige du pays. Peter était certain qu’il n’était pas tombé un seul flocon sur l’autre versant et peut-être avait-il raison. Ils n’avaient pu suppléer au pont détruit et avaient dû reprendre l’itinéraire indiqué par l’hôtelier. Parfois Peter ralentissait à un carrefour, aimant à supposer que peut-être en prenant à gauche ils rejoindraient l’ancienne route au-delà de ce maudit pont.

— De toute façon il y en aura d’autres, lui dit Kovask, et tous seront détruits.

— On pourrait toujours essayer au lieu de rouler à dix à l’heure dans ce bourbier. Ils pensaient que la Mamma devait se trouver là-haut depuis pas mal de temps. Avait-elle retrouvé Macha Loven, des traces, son cadavre, rien ? Peut-être étaient-ils en train de subir toute cette fatigue pour rien.

— Les explosifs viennent de quelque part, dit Kovask.

— On s’en fout des explosifs, ça regarde les Ritals… Nous, on cherche l’origine du fric, râlait Peter.

— Il y a une cache aux explosifs et c’est certainement à Dioni, ancien village pour les pauvres fascistes fatigués…

— Il y avait des putes ?

— Non, c’était plutôt l’ambiance familiale, je suppose, mais ils devaient quand même trousser les villageoises. Ensuite ce furent les partisans, puis nous autres les Ricains.

— Tout de même, protesta Peter.

— Oh si, mon vieux, oh si… Le plus fort c’est que dans certains coins les femmes tondues pour collaboration charnelle avec les Allemands n’ont pas été touchées par les G.I’s. Ils étaient trop impressionnés. Si bien que ce furent les femmes restées sages qui furent violées par les Américains.

— Tu crois que l’armée italienne est dans le coup ? Ce Marcello Bari il est quand même officier, non ?

— Ce n’est pas la première tentative de putsch même si on n’a pas tellement donné de publicité à ces affaires. Les services secrets ont également été compromis. On dit que le scandale pétrolier qui vient d’éclater est un règlement de comptes entre factieux. Le fric aurait été détourné pour alimenter la subversion de droite. Mais on n’est jamais sûr de rien.

— Un malin l’aurait détourné pour son usage exclusif ?

— Plusieurs petits malins, en fait… Et puis il y a eu des campagnes électorales à financer. Ça coûte cher de rester durant si longtemps à la tête du pays. Le pouvoir use terriblement et il faut compenser par des campagnes électorales infernales… Tous les coups sont permis, même les pires…

— J’espère que le sénateur et Edwige ont fini par récolter des informations, qu’ils savent qui a racheté ce fichu monastère, ancien séjour des chemises noires.

Un temps Edwige avait espéré venir avec Kovask mais en dernier ressort Holden avait décidé qu’elle resterait près de lui et que Peter accompagnerait le Commander. La Mamma avait exigé de partir seule comme toujours, se faisant un point d’honneur de se débrouiller à sa façon. Elle devenait de plus en plus exigeante avec elle-même en prenant de l’âge. Kovask s’inquiétait parfois pour elle. Il l’avait connue beaucoup plus fringante, mais aussi beaucoup plus inquiétante. Leur première rencontre remontait à des années, en Grèce. Elle recherchait les meurtriers de sa famille, des mafiosi complices de la C.I.A. dans le pays tenu en main par les colonels grecs. Elle l’avait stupéfié par son audace et sa cruauté.

— Je crois que nous arrivons, dit Peter un peu crispé… Si cette dernière côte n’aboutit pas sur le plateau de Dioni je m’arrête et je ne vais pas plus loin.

Il disait vrai. Ils débouchèrent brusquement sur le plateau tout au bout duquel se dressait le village. Un plateau étroit, caillouteux, sauvage. Les constructeurs avaient dû choisir le côté ensoleillé pour le monastère puis le village avait surgi par la suite du néant.

— Si on jetait un coup d’œil dans les jumelles pour nous rendre compte.

Kovask grimpa sur le capot de la jeep pour inspecter les lointains.

— Je vois des fumées du côté du terrain d’aviation signalé par une manche à air.

— Le monastère est debout ?

— Sur la gauche, oui… Le village aussi, mais je crois que ce n’est qu’une apparence.

— Nous y allons carrément ? Ils vont être rudement surpris de cet afflux de sauveteurs alors qu’ils n’ont pas dû voir grand monde jusqu’à présent.

— N’oublie pas l’hélicoptère.

28

Paulo di Maglio n’eut pas tout de suite des soupçons sur la nouvelle attitude conciliante du technicien de la maintenance. Le premier soir il remarqua seulement qu’Umberto Abdone paraissait simplement moins surexcité.

— Je pense qu’il a réfléchi, dit-il, et que nous parviendrons au bout de nos travaux sans avoir à redouter sa trahison.

Il avait des mots définitifs, des mots de militant. Umberto devenait un social traître dans son esprit, de même Macha Loven montrait trop d’individualisme dans son enquête. Il aurait aimé qu’elle accepte qu’il en parle à ses camarades, qu’une grande opération soit même organisée.

— Non, disait-elle. Dès que vous découvrirez que le même argent a peut-être servi aux Brigades Rouges, vous abandonnerez ou bien vous pratiquerez une forme de censure.

Désormais le travail allait vite et ils décidèrent que vers la fin de la semaine ils pourraient commencer à récupérer le fruit de leur longue patience et des efforts fournis.

La première chose qu’ils demandèrent à l’ordinateur fut un chiffre approximatif de l’argent véritablement détourné de ses buts commerciaux et qui disparaissait en Italie même. Le chiffre fut tel qu’ils se regardèrent interloqués.

— Nous avons dû commettre une erreur quelque part, dit Paulo… Confondu les dollars avec les lires.

— Je ne pense pas, dit Macha. J’ai surveillé ce point avec attention mais il est possible que nous ayons oublié quelques éléments de soustraction.

— S’il faut tout revoir, dit Paulo, ce sera à nouveau des nuits et des nuits de fatigue et de vérification monotone… Sans parler d’Umberto Abdone qui recommencera à nous ennuyer… Je ne le supporterai pas.

— Il ne nous ennuiera pas, dit Macha.

Paulo la raccompagnait chez elle dans sa Lancia, et il parut surpris par son ton déterminé. Il s’immobilisa au feu rouge, parut ne pas le voir passer au vert.

— Que veux-tu dire ? Tu lui fais confiance ?