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Il s’escrime un moment, suant et soufflant tandis que Félicie détourne pudiquement les yeux et que je pouffe de rire dans mon bol de cacao. A la fin, le Monstrueux stoppe ses efforts.

— Vous n’auriez pas une goutte d’huile ? demande-t-il.

M’man le drive jusqu’à sa cuistance. Quand le Mafflu en revient, il a une tache d’huile large comme un couvercle de lesssiveuse sur le devant.

— Voilà, annonce-t-il, radieux. Le petit malheur est réparé. Quel est le programme, baron ?

— On va faire une virée à Moisson.

— C’est où, ce bled ?

— Dans les Yvelines, plus loin que Mantes.

— Jockey ! s’écrie-t-il, joyeusement. Une virée à la cambrousse, aujourd’hui c’est l’idéal.

Sa partie de jambonneaux d’hier me paraît l’avoir considérablement dopé. Félicie lui propose un bol de café, mais le Gros déclare qu’il n’a pas eu le temps de prendre son petit déjeuner, et que, de ce fait, un verre de vin rouge et une tranche de saucisson à l’ail seraient les bienvenus. Félicie déplore de ne pas avoir de saucisson à l’ail. Elle propose un reste de tripes à la mode de Caen. Béru accepte d’enthousiasme.

Lorsqu’il a petit-déjeuné nous partons.

Il est dix plombes du mat lorsque nous stoppons sur la petite place de Moisson. A l’instant précis où nous descendons de bagnole, une voiture qui radine en sens inverse stoppe. Mme Baume en descend. Je me dis que si elle nous voit, Béru et moi, tout est fichu. Elle nous connaît l’un et l’autre. Et je ne voudrais pas qu’elle nous voie ensemble. Mais vous le savez, mes chéries : ma présence d’esprit a la rapidité de l’éclair. D’une secousse je propulse Béru par une petite porte latérale de l’église. Elle n’a pas eu le temps de nous repérer à cause d’un providentiel arc-boutant qui nous soustrayait à sa vue.

— Qu’est-ce que ça rime ? demande Béru. On est venu z’ici pour faire nos dévotions z’ou quoi ?

— T’as donc pas vu ? Mme Baume arrivait sur la place.

— Sans charre ?

— Textuel, Gros, elle…

Je n’achève pas. Un sonore grincement, suivi du bruit ample d’un pas sur les dalles du saint lieu retentissent. Je file un coup de périscope par-dessus les prie-Dieu alignés et j’aperçois cette démoniaque Virginie Baume qui vient de faire également son entrée dans la maison de Dieu. La lumière mauve d’un vitrail joue sur son visage. Ce qu’elle est belle, cette mignonne veuve, dans ces vêtements noirs ! Pourquoi est-elle entrée dans l’église ? Nous aurait-elle repérés, par hasard ?

Comme elle remonte l’allée centrale et qu’elle va donc, de ce fait, nous découvrir, je désigne à Béru le confessionnal. Il a pigé. Vite fait nous pénétrons dans la cabane aux péchés. Le Gros se fourre dans le compartiment du milieu, c’est-à-dire dans celui réservé au prêtre et que masque un rideau blanc. Moi, je m’agenouille dans l’un des deux autres destinés aux pénitents.

Un moment s’écoule. On entend le pas de la petite Médème qui arpente le temple. Puis la porte de l’église grince à nouveau.

Un second pas retentit. Les deux se rejoignent. Je coule un regard very curious à l’extérieur. J’aperçois un grand type blond, sanglé dans un imperméable clair. A l’autre bout de l’église, il discute à voix imperceptible avec Virginie.

Pendant que le couple chuchote, une paroissienne entre à son tour dans l’église, Elle vient tout droit au confessionnal et va se placer dans le compartiment resté libre. Je fais la grimace. Ça tourne mal, notre histoire. Du train où vont les choses on va se faire excommunier, le Gros et moi. C’est un truc qui ira jusqu’à Rome et Paul VI, qui n’a pas l’air d’un plaisantin, prendra les mesures qui s’imposent.

Là-bas, le couple se sépare déjà. L’homme sort de l’église par la petite porte que nous avons prise, nous, pour y pénétrer. Au bout d’un moment, Virginie Baume en fait autant, mais par la grande porte. Le moment est venu de filer. Seulement il y a cette pauvre pomme, dans le confessionnal, qui entend déballer son linge sale. Si elle voit sortir un curé en costar blanc à rayures noires, portant un bitos de feutre ramolli enfoncé sur le dôme et ayant une tache d’huile large comme le golfe du Lion sur le futal, elle va se dire que quelque chose ne tourne pas rond dans le clergé. D’accord, les prêtres maintenant peuvent se loquer en civil, pourtant ils n’en sont pas encore au travesti.

Béru, qui gamberge de la même façon, fait coulisser le petit judas qui nous sépare.

— Eh, Mec ! me chuchote-t-il, comment qu’on se taille de ce piège à c… ?

— Un peu de décence ! supplié-je. Je ne vois qu’un seul moyen de nous en sortir en douceur, bonhomme.

— Lequel quoi t’est-ce ?

— Confesse la dame !

Il a un petit barrissement amplifié par la voûte de l’édifice.

— Tu débloques, Gars !

— Mais non. Lorsqu’elle aura fait sa toilette intime, elle se débinera et nous pourrons en faire autant.

— Comment qu’on fait, je m’en rappelle plus, chuchote la pauvre Truffe éperdue. Quand je me confessais, au temps de ma première communion, j’étais de l’autre côté, tu comprends ?

— Improvise, Gars. T’as du génie, non ?

— Si le Bon Dieu nous voit, murmure le Mahousse, il doit pas nous avoir à la chouette en ce moment ! J’ai idée que les mauvais points s’additionnent là-haut.

Ayant dit, il fait coulisser le second trappon et se trouve de ce fait en communication avec la paroissienne.

— Alors, mon lapin, attaque-t-il, où ce qu’on en est ?

Un peu déconcertée, la pénitente marque un temps d’arrêt. Et puis elle se met à raconter ses petites histoires : elle a dit du mal de sa voisine dont elle jalouse la nouvelle voiture.

Le gros toussote.

— C’est pas bien, ça, mon chou. C’est quoi, comme bagnole ?

— Une Ami 6, répond la paroissienne, interloquée.

— Et c’est pour une malheureuse 3 chevaux que vous vous caillez le lait ! tonitrue ce curieux confesseur. L’Ami 6, qu’est-ce que c’est, je vous le demande ? Hmm ? Une 2 chevaux moins au point. La preuve, vous n’avez pas l’embrayage semi-automatique dessus ! D’accord, les sièges sont plus moelleux, mais le toit ouvrant, dites ? Où qu’il est le toit ouvrant, sur l’Ami 6 ? Faut un ouvre-boîtes si on veut en faire un ! Chercher des patins à sa voisine pour ça, je vous jure ! Après ?

La dame avoue avoir commis le péché de gourmandise. Elle avait accommodé un bon petit plat. Y avait des restes. Elle les a mangés toute seule en l’absence de son mari.

— Qu’est-ce que c’était, ce plat ? interroge le P. Béru.

— Un osso-bucco !

— Je dois dire, soupire le confesseur, plein de mansuétude, que c’est pas dégueulasse. Vous y mettez un jus d’orange, dans votre osso-bucco, naturellement ?

— Un jus d’orange ? s’étonne la dame.

— Vous n’en mettez pas ?

— Mais non, avoue-t-elle.

— Vous me direz trois Pater et trois Ave pour vous apprendre ! Continuons.

La dame marque un temps. Le Gros l’encourage.

— Eh ben, vous avez largué votre menteuse ?

— Ce que j’ai à confesser est délicat, balbutie la pauvrette. Du coup, ça l’intéresse, le Gros.

— Allez-y, voyons, faites pas votre chochote. J’ai l’habitude d’en entendre des salées, je vous le promets.

— J’ai trompé mon mari, lâche-t-elle dans un souffle.

— Oh ! la petite friponne, glousse l’Enflure. Racontez-moi voir un peu le topo !

Elle bredouille :

— C’est un représentant qui est venu hier dans le pays !

Le Gros ricane.

— Et c’est ses hommages qu’il représentait, le bandit !

— Non : de la literie.