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Une sonde de grands fonds a alors été larguée et promenée au fond de l’Océan. À l’extrémité du filin, à côté du plomb, une bouteille était suspendue ; elle contenait un message ainsi conçu : « Votre récit a été recueilli, et nous sommes ici pour vous aider. Nous répétons ce message par notre émetteur radio, avec l’espoir que vous pourrez le capter. Nous allons traverser lentement votre région. Quand vous aurez détaché la bouteille, ayez l’obligeance d’y enfermer votre propre message. Nous agirons conformément à vos instructions. »

Pendant deux jours la Marion a quadrillé la région sans résultat. Le troisième jour, une grosse surprise attendait les sauveteurs. Une petite boule lumineuse a jailli de l’eau à quelques centaines de mètres du yacht : c’était un réceptacle vitreux analogue à celui que décrivait le document original. Il a fallu quelque temps pour le briser ; il contenait le message suivant : « Merci, chers amis. Nous apprécions grandement votre fidélité et votre énergie. Nous recevons facilement vos messages par sans-fil, et nous avons choisi pour vous répondre le moyen de cette boule ; nous avons essayé de capturer votre filin, mais les courants le soulèvent trop haut, et il se déplace plus rapidement que ne peut le faire le plus agile d’entre nous à cause de la résistance de l’eau. Nous nous disposons à tenter l’aventure à six heures demain matin, selon nos calculs, le mardi 5 juillet. Nous arriverons l’un après l’autre, afin que vous puissiez, le cas échéant, transmettre par radio des conseils à ceux qui monteront en dernier. Nouveaux remerciements chaleureux. »

Le message était signé : « Maracot. Headley, Scanlan ».

Monsieur Key Osborne raconte alors :

« La matinée s’annonçait radieuse ; la mer de saphir reposait aussi lisse qu’un lac sous un ciel bleu foncé dont la voûte était dégagée de tout nuage. L’équipage de la Marion, au grand complet, était de bonne heure sur le pont et attendait les événements avec un vif intérêt. Plus l’heure fatidique approchait, plus l’anxiété étreignait notre cœur. Une vigie avait grimpé sur notre mât de signaux. À six heures moins cinq, nous l’avons entendu crier, et nous l’avons vu désigner l’eau sur notre bâbord. Nous avons tous couru de ce côté, et j’ai pu me percher sur l’un des canots pour mieux voir. J’ai distingué à travers l’eau calme quelque chose qui ressemblait à une bulle d’argent et qui surgissait avec une rapidité extraordinaire des profondeurs de l’Océan pour crever la surface à deux cents mètres du yacht et poursuivre dans l’air sa course ascendante : c’était un globe brillant, magnifique, qui avait un mètre de diamètre ; il s’est élevé à une grande hauteur, puis il s’est éloigné à la dérive, emporté par une bouffée de vent, exactement comme un ballon d’enfant. Ce spectacle était merveilleux, mais il nous a glacés d’appréhension ; sa charge ne s’était-elle pas détachée en route et perdue ? Un message a été aussitôt diffusé :

« — Votre globe a fait surface près du bateau. Rien n’y était attaché, et il s’est envolé au loin.

« En même temps, nous avons mis à l’eau un canot afin de nous tenir prêts à toute éventualité.

« Juste après six heures notre vigie nous a alertés une deuxième fois. Un instant plus tard j’ai aperçu un autre globe d’argent qui émergeait des profondeurs, mais beaucoup plus lentement que le premier. Une fois parvenu à la surface, il a flotté dans l’air, mais son frêt est resté posé sur l’eau. Nous l’avons repêché et examiné. Il était constitué par un gros paquet de livres, de papiers et d’objets divers, tous enveloppés dans une bâche en peau de poisson. Nous avons transmis la nouvelle par sans-fil, et nous avons attendu avec une impatience fébrile la prochaine arrivée.

« Elle n’a pas tardé. À nouveau une bulle d’argent, à nouveau la surface de l’eau crevée ; mais cette fois, la boule brillante s’est élevée dans les airs, et, ô stupeur, la mince silhouette d’une femme y était suspendue ! Seule la vitesse acquise l’avait ainsi projetée en altitude ; quelques minutes plus tard, nous l’avions remorquée et amarrée au flanc du bateau. Un anneau de cuir avait été solidement fixé autour de la courbure supérieure de la boule vitreuse ; de cet anneau pendaient de longues courroies, rattachées à une large ceinture de cuir qui faisait le tour de la taille de la femme. La partie supérieure de son corps était recouverte d’une sorte de globe en verre en forme de poire (je l’appelle verre, mais il était fait de la même substance légère et très résistante que la boule vitreuse ; il était presque transparent avec des veines argentées). Ce globe était pourvu d’élastiques serrés à la taille et aux épaules, qui le rendaient parfaitement étanche ; il contenait, ainsi que l’indiquait Headley dans son manuscrit original, un nouvel appareil très léger et très pratique pour le renouvellement de l’air. Nous avons eu du mal à retirer la cloche vitreuse, puis sa propriétaire a été transportée sur le pont. Elle était évanouie, mais la régularité de sa respiration nous a autorisés à penser qu’elle triompherait rapidement des effets de son voyage accéléré et du changement de pression, changement qui du reste avait été minimisé par le fait que la densité de l’air à l’intérieur de l’enveloppe protectrice était nettement plus élevée que notre atmosphère : disons qu’elle représentait ce point à mi-chemin où les plongeurs humains ont l’habitude de faire une pause. Il s’agit sans doute de l’Atlante mentionnée sous le nom de Mona dans le premier message. Si nous pouvons la considérer comme un spécimen de sa race, celle-ci mérite assurément d’être réintroduite sur la terre. Elle a le teint mat, des traits fins et racés, de longs cheveux noirs, ainsi que de magnifiques yeux noisette qui n’ont pas tardé à regarder autour d’elle avec un étonnement ravissant. Des coquillages marins et de la nacre étaient incrustés dans sa tunique crème ou mêlés à sa chevelure. On ne saurait imaginer une plus parfaite Naïade des Grands Fonds ! Elle est le symbole même du mystère et du charme de la mer. Nous avons assisté au retour de la vie dans ses yeux merveilleux ; dès qu’elle a repris connaissance, elle s’est dressée d’un bond avec l’agilité d’une biche, et elle s’est précipitée vers la rampe du bastingage, en appelant : « Cyrus ! Cyrus ! »

« Nous avions déjà dissipé l’anxiété de ceux d’en bas par un message radio. Bientôt, se suivant de près, ils ont émergé tous les trois, projetés en l’air d’une douzaine de mètres, puis retombant dans la mer, d’où nous les avons rapidement repêchés. Tous trois étaient sans connaissance ; Scanlan saignait du nez et des oreilles. Mais en moins d’une heure, ils étaient debout, plus ou moins chancelants, mais souriants. Le premier acte de chacun a été, m’a-t-il semblé, caractéristique. Scanlan s’est laissé emmener au bar par un groupe joyeux ; des cris et des rires en fusent et retentissent sur tout le yacht, au grand dam de mon style. Le docteur Maracot s’est emparé du paquet de papiers ; il en a arraché un qui était surchargé, je crois de symboles algébriques, et il a disparu dans une cabine. Cyrus Headley, lui, s’est jeté dans les bras de la jeune étrangère et, aux dernières nouvelles, il ne paraissait pas avoir l’intention d’en sortir jamais. Voilà où en sont les choses. Nous espérons que notre faible radio transmettra notre message jusqu’à la station du cap des Îles Vertes. De plus amples détails sur cette merveilleuse aventure seront fournis ultérieurement, comme il se doit, par les explorateurs eux-mêmes. »