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– Et pourtant, vous ne voulez tuer personne. Vous voulez seulement rentrer chez vous.

– Oui, seulement rentrer chez moi.

Nous demandons:

– Que voulez-vous que nous vous apportions à manger?

– N'importe quoi.

– Du lait de chèvre, des œufs durs, du pain, des fruits?

– Oui, oui, n'importe quoi.

Nous demandons:

– Et une couverture? Les nuits sont froides et il pleut souvent.

Il dit:

– Oui, mais il ne faut pas qu'on vous voie. Et vous ne direz rien à personne, n'est-ce pas? Pas même à votre mère.

Nous répondons:

– On ne nous verra pas, nous ne disons jamais rien à personne et nous n'avons pas de mère.

Quand nous revenons avec la nourriture et la couverture, il dit:

– Vous êtes gentils.

Nous disons:

– Nous ne voulions pas être gentils. Nous vous avons apporté ces objets car vous en aviez absolument besoin. C'est tout.

Il dit encore:

– Je ne sais comment vous remercier. Je ne vous oublierai jamais.

Ses yeux se mouillent de larmes.

Nous disons:

– Vous savez pleurer ne sert à rien. Nous ne pleurons jamais. Pourtant nous ne sommes pas encore des hommes comme vous.

Il sourit et dit:

– Vous avez raison. Excusez-moi, je ne le ferai plus. C'était seulement à cause de l'épuisement.

Exercice de jeûne

Nous annonçons à Grand-Mère:

– Aujourd'hui et demain, nous ne mangerons pas. Nous boirons seulement de l'eau.

Elle hausse les épaules:

– Je m'en fous. Mais vous travaillerez comme d'habitude.

– Naturellement, Grand-Mère.

Le premier jour, elle tue un poulet et le rôtit au four.

A midi, elle nous appelle:

– Venez manger!

Nous allons à la cuisine, ça sent très bon. Nous avons un peu faim, mais pas trop. Nous regardons Grand-Mère découper le poulet.

Elle dit:

– Comme ça sent bon. Vous sentez comme ça sent bon? Vous voulez une cuisse chacun?

– Nous ne voulons rien, Grand-Mère.

– C'est dommage parce que c'est vraiment très bon.

Elle mange avec les mains, se léchant les doigts, les essuyant dans son tablier. Elle ronge et suce les os.

Elle dit:

– Très tendre, ce jeune poulet. Je ne peux rien imaginer de meilleur.

Nous disons:

– Grand-Mère, depuis que nous sommes chez vous, vous n'avez encore jamais cuit de poulet pour nous.

Elle dit:

– J'en ai cuit un aujourd'hui. Vous n'avez qu'à manger.

– Vous saviez que nous ne voulions rien manger aujourd'hui, ni demain.

– Ce n'est pas ma faute. C'est de nouveau une de vos conneries.

– C'est un de nos exercices. Pour nous habituer à supporter la faim.

– Alors, habituez-vous. Personne ne vous en empêche.

Nous sortons de la cuisine, nous allons faire des travaux dans le jardin. Vers la fin de la journée, nous avonsi vraiment très faim. Nous buvons beaucoup d'eau. Le soir, nous avons du mal à nous endormir. Nous rêvons de nourriture.

Le lendemain à midi, Grand-Mère finit le poulet. Nous la regardons manger dans une espèce de brouillard. Nous n'avons plus faim. Nous avons le vertige.

Le soir, Grand-Mère fait des crêpes à la confiture et au fromage blanc. Nous avons la nausée et des crampes d'estomac mais, une fois couchés, nous tombons dans un sommeil profond. Quand nous nous levons, Grand-Mère est déjà partie au marché. Nous voulons prendre notre petit déjeuner mais il n'y a rien à manger à la cuisine. Ni pain, ni lait, ni fromage. Grand-Mère a tout enfermé à la cave. Nous pourrions l'ouvrir, mais nous décidons de ne toucher à rien. Nous mangeons des tomates et des concombres crus avec du sel.