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Les bûchers noirs que nous avons vus d'en haut, ce sont des cadavres calcinés. Certains ont très bien brûlé, il ne reste que des os. D'autres sont à peine noircis. Il y en a beaucoup. Des grands et des petits. Des adultes et des enfants. Nous pensons qu'on les a tués d'abord, puis entassés et àrrosés d'essence pour y mettre le feu.

Nous vomissons. Nous sortons du camp en courant. Nous rentrons. Grand-Mère nous appelle pour manger, mais nous vomissons encore.

Grand-Mère dit:

– Vous avez de nouveau mangé quelque saloperie. Nous disons:

– Oui, des pommes vertes.

Notre cousine dit:

– Le camp a brûlé. Nous devrions aller voir. Il n'y a sûrement plus personne.

– Nous y sommes déjà allés. Il n'y a rien d'intéressant.

Grand-Mère ricane:

– Les héros n'ont rien oublié? Ils ont tout emporté avec eux? Ils n'ont pas laissé quelque chose d'utile? Vous avez bien regardé?

– Oui, Grand-Mère Nous avons bien regardé. Il n'y a rien.

Notre cousine sort de la cuisine. Nous la suivons. Nous lui demandons

– Où vas-tu?

– En ville.

– Déjà? Normalement, tu n'y vas que le soir.

Elle sourit:

– Oui, mais j'attends quelqu'un. Écoutez!

Notre cousine nous sourit encore, puis elle part en courant vers la ville.

Notre Mère

Nous sommes dans le jardin. Une Jeep militaire s'arrête devant la maison. Notre Mère en descend, suivie d'un officier étranger. Ils traversent le jardin presque en courant. Notre Mère tient un bébé dans les bras. Elle nous voit, elle crie:

– Venez! Venez vite dans la Jeep. Nous partons. Dépêchez-vous. Laissez vos affaires et venez!

Nous demandons:

– Il est à qui, le bébé?

Elle dit:

– C'est votre petite sœur. Venez! Il n'y a pas de temps à perdre.

Nous demandons:

– Où allons-nous?

– Dans l'autre pays. Arrêtez de poser des questions et venez.

Nous disons:

– Nous ne voulons pas y aller. Nous voulons rester ici.

Notre Mère dit:

– Je suis obligée d'y aller. Et vous viendrez avec moi.

– Non. Nous resterons ici.

Grand-Mère sort de la maison. Elle dit à notre Mère:

– Qu'est-ce que tu fais là? Qu'est-ce que tu tiens dans tes bras?

Notre Mère dit:

– Je suis venue chercher mes fils. Je vous enverrai de l'argent, mère.

Grand-Mère dit:

– Je ne veux pas de ton argent. Et je ne te rendrai pas les garçons.

Notre Mère demande à l'officier de nous emmener de force. Nous grimpons vite dans le galetas par la corde. L'officier essaie de nous saisir, mais nous lui donnons des coups de pied au visage. L'officier jure. Nous remontons la corde.

Grand-Mère ricane.:

– Tu vois, ils ne veulent pas aller avec toi.

Notre Mère crie très fort:

– Je vous ordonne de descendre immédiatement!

Grand-Mère dit:

– Ils n'obéissent jamais aux ordres.

Notre Mère se met à pleurer:

– Venez, mes chéris. Je ne peux pas partir sans vous.

Grand-Mère dit:

– Ton bâtard étranger ne te suffit pas?

Nous disons:

– Nous sommes bien ici, Mère. Partez tranquillement. Nous sommes très bien chez Grand-Mère.

On entend le tir des canôns et des mitrailleuses.

L'officier prend notre Mère par les épaules et la tire vers la voiture. Mais Mère se dégage:

– Ce sont mes fils, je les veux! Je les aime!

Grand-Mère dit:

– Moi, j'ai besoin d'eux. Je suis vieille. Toi, tu peux encore en faire d'autres. La preuve!