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Nous choisissons tranquillement ce dont nous avons besoin: une encyclopédie complète en plusieurs volumes, des crayons et du papier.

Dans la rue, un vieil homme et une vieille femme se battent pour un jambon fumé. Ils sont entourés de gens qui rigolent et qui les encouragent. La femme griffe le visage du vieux et, finalement, c'est elle qui emporte le jambon.

Les voleurs se soûlent avec de l'alcool volé, se bagarrent, brisent les fenêtres des maisons et les vitrines des magasins qu'ils ont pillés, cassent la vaisselle, jettent à terre les objets dont ils n'ont pas besoin ou qu'ils ne peuvent pas emporter.

Les militaires boivent eux aussi et retournent dans les maisons mais, cette fois, pour y trouver des femmes.

On entend partout des coups de feu et des cris de femmes qu'on viole.

Sur la Grande Place, un soldat joue de l'accordéon.

D'autres soldats dansent et chantent.

L'incendie

Depuis plusieurs jours, nous ne voyons plus la voisine dans son jardin. Nous ne rencontrons plus Bec-de-Lièvre. Nous allons voir.

La porte de la masure est ouverte. Nous entrons. Les fenêtres sont petites. Il fait sombre dans la pièce, pourtant le soleil brille dehors.

Quand nos yeux s'habituent à la pénombre, nous distinguons la voisine, couchée sur la table de cuisine. Ses jambes pendent, ses bras sont posés sur son visage. Elle ne bouge pas.

Bec-de-Lièvre est couchée sur le lit. Elle est nue. Entre ses jambes écartées il y a une flaque séchée de sang et de sperme. Les cils collés pour toujours, les lèvres retroussées sur des dents noires dans un sourire éternel, Bec-de-Lièvre est morte.

La voisine dit:

– Allez-vous-en.

Nous nous approchons d'elle, nous demandons:

– Vous n'êtes pas sourde?

– Non. Je ne suis pas aveugle non plus. Allez-vous-en.

Nous disons:

– Nous voulons vous aider.

Elle dit:

– Je n'ai pas besoin d'aide. Je n'ai besoin de rien. Allez-vous-en.

Nous demandons:

– Qu'est-ce qui s'est passé ici?

– Vous le voyez bien. Elle est morte, n'est-ce pas?

– Oui. C'était les nouveaux étrangers?

– Oui. C'est elle qui les a appelés. Elle est sortie sur la route, elle leur a fait signe de venir. Ils étaient douze ou quinze. Et pendant qu'ils lui passaient dessus, elle n'arrêtait pas de crier: «Comme je suis contente, comme je suis contente! Venez tous, venez, encore un, encore un autre!» Elle est morte heureuse, baisée à mort. Mais moi, je ne suis pas morte! Je suis restée couchée là, sans manger, sans boire, je ne sais depuis combien de temps. Et la mort ne vient pas. Quand on l'appelle, elle ne vient jamais. Elle s'amuse à nous tor turer. Je l'appelle depuis des années et elle m'ignore.

Nous demandons:

– Vous désirez vraiment mourir?

– Qu'est-ce que je pourrais désirer d'autre? Si vous voulez faire quelque chose pour moi, mettez donc le feu à la maison. Je ne veux pas qu'on nous trouve comme ça.

Nous disons:

– Mais vous allez atrocement souffrir.

– Ne vous occupez pas de ça. Mettez le feu, c'est tout, si vous en êtes capables

– Oui, madame, nous en sommes capables. Vous pouvez compter sur nous..

Nous lui tranchons la gorge d'un coup de rasoir, puis nous allons pomper l'essence d'un véhicule de l'armée. Nous arrosons d'essence les deux corps et les murs de la masure. Nous y mettons le feu et nous rentrons.