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— Vous ne pensez pas qu’il aura du retard, hein ?

— Qu’est-ce qui aura du retard ?

— Mon colis. Quand recevez-vous le courrier, ici ?

— Dix heures.

Il fit une pile des messages de Finch et ouvrit une grande enveloppe en papier kraft.

— Un peu plus tard, en cette période. À cause des cadeaux et des cartes de vœux.

Elle contenait le rapport dactylographié de William Meager sur les faits et gestes de Badri et de Kivrin. Il avait divisé chaque journée en colonnes intitulées matin, après-midi et soir. Ces documents étaient bien mieux présentés que ses devoirs. L’influence d’une mère pouvait parfois avoir des effets miraculeux.

— Je ne vois pas pourquoi ils les filtreraient, marmonna Colin. Ils ne sont pas contagieux. Où va-t-on les chercher ?

— Qui ?

— Les colis.

— Dans la loge du concierge.

Il prenait connaissance de l’emploi du temps de Badri. Mardi après-midi, après être passé à Balliol, le tech était retourné travailler sur le transmetteur. Il avait vu Finch à quatorze heures, pour lui demander où se trouvait Dunworthy, puis une heure plus tard afin de lui remettre le message. Entre-temps, John Yi, un étudiant de troisième année, l’avait vu traverser la cour en direction du labo.

À quinze heures, le concierge de Brasenose avait enregistré son entrée. Le tech avait procédé à des réglages du transmetteur jusqu’à dix-neuf heures trente puis était retourné chez lui dans l’intention de se changer pour aller à la soirée.

Dunworthy téléphona à Latimer.

— Quand êtes-vous passé au labo, mardi après-midi ?

— Mardi, répéta l’homme en cillant. C’était quand, déjà ?

— La veille du transfert. Vous êtes allé à la bibliothèque Bodléienne.

Il le vit hocher la tête sur le petit écran.

— Elle voulait savoir comment on disait : « Au secours ! Tous mes serviteurs ont fui. »

Dunworthy supposa qu’il se référait à Kivrin.

— Vous a-t-elle rejoint à la bibliothèque Bodléienne ou à Brasenose ?

Latimer fit reposer son menton sur son poing, une attitude propice à la réflexion.

— Nous hésitions à respecter la déclinaison car on trouvait déjà au XIVe siècle la forme actuelle…

— Vous êtes-vous rejoints dans la salle du transmetteur ?

— Quel transmetteur ?

— Le labo de Brasenose.

— Brasenose ? Savez-vous où la messe sera célébrée ?

— Quelle messe ?

— Le vicaire m’a demandé de lire la bénédiction.

— Où avez-vous rencontré Kivrin, mardi après-midi ?

— La prononciation de certains mots posait problème, voyez-vous, et…

Dunworthy renonça.

— L’office aura lieu à St. Mary the Virgin, fit-il avant de raccrocher.

Il téléphona au concierge de Brasenose. L’homme n’avait pas terminé de décorer son sapin mais il daigna malgré tout regarder dans son registre. Kivrin n’était pas passée à la faculté le mardi après-midi.

Il copia les emplois du temps sur une disquette et les compléta grâce au rapport de William. Le mardi, Kivrin n’avait pas vu Badri. Elle avait passé la matinée à l’hôpital, puis avec lui. L’après-midi, elle était restée avec Latimer et le tech était parti danser avant leur sortie de la bibliothèque Bodléienne. Elle était retournée à l’hôpital le lundi à quinze heures mais elle avait pu voir Badri entre midi et quatorze heures trente.

Il lut les autres fiches. Montoya n’avait mentionné que ses rencontres du mercredi matin, sans rien inscrire sur le tableau concernant Badri. Il se souvint qu’elle les avait rejoints après que Mary eut expliqué comment remplir ces formulaires.

L’archéologue savait peut-être ce qu’avait fait le tech le lundi en milieu de journée.

— Quand Mlle Montoya a téléphoné, a-t-elle précisé où on pouvait la joindre ? demanda-t-il à Colin.

Pas de réponse. Il leva la tête.

Le petit-neveu de Mary n’était pas dans la pièce, ni dans le salon. Il n’y avait plus que son sac, au contenu éparpillé sur la moquette.

Dunworthy chercha l’indicatif de Montoya à Brasenose et le composa, sans entretenir le moindre espoir. S’il lui fallait contacter Basingame pour être autorisée à reprendre ses fouilles, cette femme devait remuer ciel et terre.

Il s’habilla et alla au réfectoire. Il pleuvait toujours et le ciel était du même gris que les pavés et l’écorce des hêtres. Il espérait que les carillonneuses avaient pris leur breakfast et regagné leurs chambres, mais il entendit les bourdonnements de leurs voix avant d’avoir atteint le centre de la cour.

— Dieu soit loué ! s’exclama Finch en venant l’accueillir sur le seuil. Le ministère de la Santé nous demande de recevoir vingt pensionnaires supplémentaires.

— Répondez que c’est impossible. Nous devons limiter les contacts. Avez-vous vu le petit-neveu du docteur Ahrens ?

— Il était là il y a un instant, répondit Finch en parcourant la salle du regard.

Mais Dunworthy le vit étaler du beurre sur des tranches de pain grillé, à la table des Américaines. Il alla lui demander :

— Quand Mlle Montoya a téléphoné, a-t-elle précisé où on pourrait la joindre ?

— La cycliste ? fit Colin en nappant le beurre d’une couche de marmelade.

— Oui.

— Non.

— Prendrez-vous votre breakfast, monsieur ? Il n’y a plus d’œufs au bacon et nous sommes justes en confiture, annonça Finch en foudroyant Colin du regard. Mais je peux vous proposer des flocons d’avoine et…

— Du thé suffira, merci. A-t-elle dit d’où elle téléphonait ?

— Asseyez-vous, intervint Mlle Taylor. Je voulais vous parler de notre Chicago Surprise.

— Qu’a dit Mlle Montoya ? insista Dunworthy.

— Que tout le monde se fichait que ses découvertes soient emportées par les flots et qu’un lien inestimable avec le passé disparaisse, répondit Colin. Elle a ensuite maudit tous les inconscients qui allaient à la pêche en hiver.

— Même le thé commence à manquer, marmonna Finch.

Il versa dans une tasse de l’eau chaude à peine teintée.

— Colin, veux-tu du cacao ? Un verre de lait ?

— Le lait se fait rare, lui aussi, grommela Finch.

— Non, merci, dit Colin qui se confectionnait un sandwich en réunissant deux tartines. Je vais attendre l’arrivée du courrier.

— Le vicaire a téléphoné, déclara Finch. Il est inutile que vous alliez là-bas avant dix-huit heures trente.

— L’office n’a pas été annulé ? Je doute qu’il y ait beaucoup d’affluence.

— Le Comité œcuménique estime qu’agir comme si de rien n’était devrait remonter le moral de la population.

— Nous interpréterons des morceaux pour clochettes, intervint Mlle Taylor. Ce sera toujours mieux que rien. Le prêtre de la Sainte Église Re-Formée lira la messe des temps de calamités.

— Voilà qui sera excellent pour le moral.

— Je serai obligé d’y assister ? s’enquit plaintivement Colin.

— Il fait trop mauvais temps pour qu’il sorte, décréta Mme Meager en posant un bol de flocons d’avoine sous son nez. L’exposer aux microbes dans une église pleine de courants d’air relèverait de l’inconscience. Il restera ici, et je lui tiendrai compagnie.

Colin adressa un regard implorant à Dunworthy, qui lui dit :

— J’ai oublié le numéro de téléphone de Mlle Montoya dans ma chambre. Pourrais-tu aller le chercher ?