Выбрать главу

Bien. C’est l’étape décisive et seul Rachid peut prendre la décision. Peut-être qu’il est maintenant suffisamment à l’intérieur de la Zone de Tir pour pouvoir poser la bombe là où il est. Ou peut-être qu’il est obligé de passer encore un contrôle. Andy ne peut pas dire à Rachid ce qu’il doit faire ; il n’a aucun moyen de voir ce qu’il y a là en réalité, aucune idée des distances impliquées, et Rachid ne peut rien lui décrire sauf par liaison audio, ce qui est à présent trop dangereux. Rachid va être obligé de se fier à son propre jugement pour décider s’il doit continuer jusqu’au contrôle numéro trois. Le hic, c’est que ces protocoles de mots de passe ne sont pas garantis. Deux ont fonctionné, mais le troisième ? Si Rachid l’essaie et qu’il est rejeté, les Entités vont le choper avec leurs vilaines langues élastiques, le fourrer dans un sac et l’emmener pour l’interroger… et on n’aura plus que nos yeux pour pleurer.

Andy dispose d’un ultime et unique recours si les choses en arrivent là. Il peut faire exploser la bombe alors qu’elle est encore dans le sac à dos de Rachid, ce qui ne serait pas très sympa pour Rachid mais probablement fatal pour le Numéro Un, quand bien même les autres embarqueraient Rachid pour l’interroger. Rachid est au courant de cette option. Il est censé envoyer à Andy le signal correspondant s’il devenait nécessaire de la mettre à exécution.

Mais c’est vraiment en tout dernier recours.

Andy attend. Il respire. Compte ses battements de coeur. Essaie de diviser 200 par 300 000 de tête.

Rachid est en train de proposer le mot de passe au contrôle numéro trois. Il a manifestement décidé qu’il n’est pas encore assez près de la planque personnelle du Numéro Un pour poser la bombe.

Andy se rend compte qu’il a cessé de respirer. Il n’entend pas battre son coeur non plus. Il est suspendu entre une seconde et la suivante. Dans son esprit tournent follement les combinaisons qui déclencheront l’explosion prématurée. Un simple tressaillement de ses doigts suffira à les composer. Rachid n’a qu’à lui envoyer le signal de détresse signifiant qu’il a été pris, et…

Le cercle rouge cramoisi se remet en marche.

Rachid a franchi le contrôle numéro trois.

Andy recommence à respirer normalement. Le temps s’écoule à nouveau.

Mais les secondes s’égrènent et Rachid ne lui dit rien. Andy ne dispose que du cercle rouge qui glisse sur l’écran – de ce symbole qui lui vient par télémétrie. Tic. Tac. Quatre-vingt-dix secondes.

Rien.

Qu’est-ce qui se passe ? Un quatrième contrôle dont on ignorait l’existence ? Un dispositif de sécurité d’une redoutable efficacité qui a instantanément et fatalement rayé Rachid de la carte avant même qu’il puisse émettre un signal de détresse ? Ou alors – surprise ! – Rachid a découvert que le Numéro Un était parti en vacances à Puerta Vallarta.

Signal de Rachid.

Andy, ses sens phénoménalement hyper-aiguisés, perçoit un intervalle d’environ six ans entre chaque chiffre.

Rachid est-il en train de lui dire qu’il vient de se faire prendre ? Qu’il s’est perdu ? Qu’on s’est complètement trompé d’immeuble ?

Non.

Il est en train de lui dire qu’il a atteint l’Objectif.

Qu’il a extrait la bombe de son sac à dos et qu’il est en train de la fixer au mur de l’immeuble cible, bien proprement, à un endroit ad hoc qui n’attire pas l’attention.

Maintenant, tout se déroule à l’envers. Rachid se dirige vers le contrôle numéro trois. Oui. Le voilà, il passe. Tout va bien.

Contrôle numéro deux. Le cercle rouge cramoisi avance sans encombre.

Contrôle numéro un. Est-ce qu’Elles vont le coincer ici ? « Désolé, jeune homme, mais nous ne pouvons vous autoriser à poser des bombes dans cette zone. » Couic !

Pas de couic. Il a réussi. Il est à l’extérieur du contrôle numéro un. Complètement en dehors du sanctuaire. Il se dépêche de quitter la Zone de Tir, mais sans courir, bien sûr, oh non ! pas lui ! Le calme Rachid remonte froidement les rues de sa longue foulée habituelle.

Andy s’occupe à présent de quatre personnes à la fois et les bombarde de messages codés. Sur son ordre, Cheryl a quitté son stationnement et se rapproche pour prendre Rachid qui se dirige vers elle en venant de l’ouest. Elle va essayer de ressortir par la porte d’Alhambra, celle par laquelle elle est entrée. Charlie, garé devant cette porte, prendra Rachid – à supposer que Cheryl ait réussi à passer. Frank, à la porte de Glendale, et Mark, à Burbank, attendent en renfort au cas où la porte d’Alhambra serait fermée à la circulation automobile pour une raison ou une autre ; dans ce cas, l’un ou l’autre entrera en ville, s’il le peut, rencontrera Cheryl en un lieu qu’Andy devra déterminer, si l’opération est réalisable, prendra Rachid à son bord et le fera discrètement ressortir par une autre porte, n’importe laquelle. Ce qui fait beaucoup de si.

Andy à envie de poser toutes sortes de questions mais n’ose pas recourir au canal audio. Trop facile à intercepter ; tout doit se faire par impulsions codées, bips cryptés qui se poursuivent sur l’autoroute électronique entre le ranch et la métropole. Les couleurs dansent sur l’écran et on croirait voir des étincelles. Andy se penche jusqu’à ce que son nez touche pratiquement l’écran. Ses doigts en caressent la surface plastique comme s’il venait brusquement de décider de terminer l’opération en braille.

Le cercle rouge cramoisi est maintenant un halo posé sur la ligne violet foncé. Cheryl a pris Rachid à son bord. Elle roule vers la porte d’Alhambra.

L’heure est arrivée de jouer le plus gros coup de cette série. La mise à feu devra attendre que Rachid ait franchi la porte sans encombre. Les Entités vont certainement boucler toutes les issues dès que la bombe sautera. Il faut avant toute chose que Rachid soit à l’extérieur du Mur ; impossible de faire autrement. Mais si Andy attend trop longtemps pour envoyer le signal de mise à feu et que les valets du Numéro Un repèrent la bombe ? Elle est certes discrète mais pas invisible. Si la porte d’Alhambra est fermée et qu’Andy doit improviser un nouveau rendez-vous qui fasse sortir Rachid par Burbank ou Glendale, et qu’entre-temps les autres trouvent la bombe et réussissent à la désamorcer…

Encore des si.

Mais Alhambra est en service. L’auréole cramoisie vient coiffer la ligne verte. Rachid est à l’extérieur du Mur, sain et sauf, dans la voiture de Charlie. Déployant cinq mains et au moins quatre-vingt-dix doigts, Andy envoie simultanément des signaux à toutes les parties concernées.

Frank… Mark… rentrez au ranch immédiatement.

Charlie… magne-toi le cul pour prendre la 210 et roule sans forcer vers Sylmar, ou tu rejoindras Cheryl pour lui repasser Rachid.

Et toi, Cheryl.. tu suis Charlie sur l’autoroute, au cas où il tomberait sur un barrage… auquel cas tu peux récupérer Rachid et foncer dans l’autre direction avec lui.

Et un message de plus.

Hé… Numéro Un ! Un cadeau pour toi !

Andy grimace un sourire et compose le code de mise à feu.

Pas possible de sentir l’explosion à deux cents bornes de distance, non m’sieur. Sauf en imagination. Et dans l’imagination d’Andy, le monde entier fut ébranlé par une secousse d’amplitude 10 sur l’échelle de Richter, le ciel vira au noir rayé de rouge, les étoiles se mirent à partir en arrière. Il était bien sûr impossible de savoir véritablement, du moins pas en temps réel, ce qui s’était passé à Los Angeles. La bombe était certes puissante, mais Anson n’avait pas eu l’intention de faire sauter toute la ville avec. Selon toute vraisemblance, l’explosion était passée inaperçue même dans des quartiers aussi proches du point zéro que Hollywood.