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« Andy ? »

Encore une bonne minute, et toujours pas d’Andy.

Puis : « Excuse-moi. C’est toi, Frank ? » Enfin ! « J’étais occupé. Tu es où, déjà ?

— Je remonte la Vallée vers le nord via Réséda Boulevard. Il y a un gigantesque incendie derrière moi.

— Je sais. Il y a beaucoup d’incendies. Les Entités ripostent, en représailles pour la mort du Numéro Un.

— Des représailles ? » Le mot ricocha douloureusement dans la tête de Frank.

« Ouais. Les avions du LAGON sont en train de bombarder à droite et à gauche dans tout la ville.

— Mais la mission est réussie, s’étonna Frank. Le Numéro Un est mort.

— Oui. Apparemment.

— Il y a environ une demi-heure, tu m’as dit que les Entités du monde entier perdaient la boule sous le choc. Qu’Elles titubaient, folles de douleur, s’écroulaient de tous les côtés. Elles étaient foutues, d’après toi.

— J’ai bien dit ça, oui.

— Alors qui a ordonné ces représailles ? » demanda Frank en expulsant lentement ses mots, comme s’il se forçait à parler à travers des rouleaux de coton.

« Les Entités, articula Andy d’une voix lasse, terriblement lasse. On dirait qu’Elles sont réussi d’une manière ou d’une autre à se ressaisir. Ensuite, elles ont envoyé toute une armada de gens du LAGON et autres quislings variés mener des attaques aériennes, plus ou moins à l’aveuglette, on dirait, histoire de nous montrer à quel point on les agace. »

Frank se pencha sur le volant et respira lentement. Il avait beaucoup de mal à assimiler ces informations. « Alors, tout ça, tout ce qu’on vient de faire, c’était du temps perdu ? Liquider le Numéro Un n’a eu aucun effet ?

— Pendant environ dix minutes, si. Mais on dirait qu’Elles ont des Numéro Un de rechange. Un truc que les archives de Borgmann ne mentionnaient pas.

— Non ! Mon Dieu, c’est pas vrai, Andy ? Mon Dieu !

— Une fois que j’ai compris ce qui se passait à L.A., je suis reparti fouiller dans leur système et j’ai découvert qu’il y a manifestement un autre Numéro Un à Londres et un à Istanbul, et que l’original est toujours à Prague. Peut-être qu’il y en a encore d’autres. Ils sont tous interchangeables et branchés en série. S’il y en a un qui meurt, le suivant est aussitôt activé.

— Seigneur ! s’écria Frank. Et Rachid ? Et les autres ? » Il y avait de l’angoisse dans sa voix.

« Tous tirés d’affaire. Rachid est actuellement dans la voiture de Charlie ; ils roulent vers l’ouest sur Foothill Freeway, quelque part du côté de La Canada. Cheryl les suit de près. Mark est sur Golden State Freeway à la hauteur de Mission Hills et il remonte vers le nord.

— Bon, c’est déjà ça. Mais je croyais qu’on les avait battues…

— Moi aussi, concéda Andy. Pendant environ cinq minutes.

— Qu’on les avait liquidées une fois pour toutes avec un Big Bang final.

— Ça aurait été chouette, pas vrai ? N’empêche qu’on leur en a mis un bon coup dans les gencives. Maintenant, Elles nous tapent dessus. Normal. Et ensuite, à mon avis, tout va redevenir plus ou moins comme avant. » Un bruit syncopé parvint aux oreilles de Frank, qu’il interpréta plus ou moins comme un rire. « Ça fait vraiment chier, pas vrai, cousin ?

— Je croyais qu’on les avait eues, dit Frank. Vraiment. »

Une sensation entièrement nouvelle pour lui, une impression d’impuissance totale et accablante le traversa comme un vent froid et âpre. Ils s’étaient absorbés dans la préparation du projet pendant si longtemps, convaincus qu’il allait leur apporter la victoire attendue. Ils avaient fait de leur mieux, y avaient mis toute leur intelligence, tout leur travail, tout leur courage. Rachid était allé tout droit dans la gueule du lion et avait collé sa bombe sur le mur. Et tout ça pour rien. Pour rien. Un petit détail leur avait échappé et avait tout foutu par terre.

De quoi devenir dingue. Frank aurait voulu crier, ruer dans les brancards, casser la baraque. Mais ce n’était pas ça qui allait arranger les choses. Il inspira à fond, une fois, deux fois, trois fois. En vain. Il aurait respiré des cendres, c’était pareil.

« Nom de Dieu, Andy. T’avais tellement bossé.

— On a tous bossé comme des bêtes. L’ennui, c’est que la théorie sous-jacente était fausse… Écoute, mon petit, tu rentres au ranch et on va essayer d’imaginer autre chose, d’ac ? J’ai d’autres appels à faire. À dans une heure, Frank, plus ou moins. Terminé. »

Terminé. Ouais. Rideau.

Essaie de ne pas y penser, se dit Frank. Ça fait trop mal quand on y réfléchit. Imagine que tu es Rachid. Fais le vide dans ton esprit. Ne pense qu’à un seul truc : rentrer au ranch.

Cela marcha, mais un moment seulement.

Environ une heure plus tard, il eut un nouveau sujet de préoccupation. Il était déjà bien au nord, juste après Carpinteria, pratiquement dans les faubourgs de Santa Barbara, lorsqu’il remarqua d’insolites traits de lumière dans le ciel devant lui, phénomène qui aurait pu être une comète dorée se désintégrant dans une pluie d’étincelles vertes et violettes. Des feux d’artifice ? Il entendit comme des explosions étouffées. Un instant plus tard, les formes sombres et élancées de trois avions passèrent rapidement au-dessus de lui, volant vers le sud, rentrant à Los Angeles.

Une mission de bombardement ? Si loin de leur base ?

Il alluma la radio par commande vocale.

« Andy ? Andy ? »

Le crépitement des parasites. À part ça, le silence.

Andy ?

Il insista. Pas de réponse du ranch.

Il avait déjà dépassé Summerland et Montecito et se dirigeait vers le centre-ville de Santa Barbara. Les hauteurs familières se dressèrent derrière la ville. Encore trois ou quatre kilomètres d’autoroute et il pourrait apercevoir le ranch lui-même, niché bien haut sur sa montagne au milieu des plis et replis des canyons qui le protégeaient.

Et Frank le vit. Ou plutôt l’endroit où il savait qu’il se trouvait. De la fumée en sortait – pas un gigantesque panache noir comme celui qu’il avait vu en quittant Los Angeles, rien qu’une petite traînée en spirale qui s’effilochait à son extrémité supérieure et se perdait dans le ciel assombri de cette fin d’après-midi.

Assommé, il traversa la ville et prit la route de montagne, gardant les yeux fixés sur la fumée et essayant de se persuader qu’elle venait de quelque autre sommet. La route zigzaguait tellement en montant que les perspectives étaient trompeuses, et Frank crut effectivement un instant que l’incendie était sur une tout autre colline ; mais lorsqu’il parvint à la dernière section, là où la route décrivait une épingle à cheveux et redevenait horizontale en approchant de la grille du ranch, aucun doute ne fut plus possible. Le ranch avait été bombardé. Il était resté inviolé depuis toujours, comme exempté par quelque privilège particulier du contact direct avec les conquérants. Mais cette exemption avait pris fin.

Il donna le signal pour ouvrir la grille et les barreaux se rétractèrent.

En descendant la petite route, Frank constata que le bâtiment principal brûlait. Des flammes dansaient sur l’arrière de la maison. La façade semblait avoir intégralement disparu et le toit de tuiles qui couvrait la section centrale s’était effondré. Il y avait un cratère peu profond derrière la maison, à l’emplacement du chemin menant au centre de communications. Celui-ci était encore debout, mais il avait subi quelques dégâts et semblait avoir été arraché de ses fondations. La plupart des autres constructions et dépendances accessoires avaient l’air plus ou moins intactes. De petits foyers brûlaient ça et là dans les arbres derrière les bâtiments.