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Cindy acquiesça. « Et il manque encore quelqu’un. Votre frère Anse.

— Il est mort, dit Ronnie. Il y a quatre ans.

— Je suis désolée. C’était un homme remarquable.

— Certes. Mais il a eu des tas de problèmes avec la boisson vers la fin de sa vie. Vous savez, Anse voulait tellement être aussi fort et aussi brave que le Colonel… mais il n’y est pas vraiment arrivé. Personne n’aurait pu y arriver. Mais Anse ne voulait pas se pardonner d’être simplement humain. »

Y avait-il encore des absents sur lesquels elle devrait poser des questions ? Cindy estima que non. Elle coula un regard vers Khalid, se demandant ce qu’il pouvait bien penser de tout cela. Mais celui-ci semblait parfaitement calme. Comme si son cerveau était parti pour Mars.

La femme qui se tenait à côté de Ronnie lui dit d’un ton guilleret : « Je ne crois pas que vous me reconnaissiez, Cindy. Évidemment, nous n’avons passé que quelques heures ensemble.

— Ah bon ? Quand ça ? Excusez-moi.

— Dans le vaisseau spatial des Entités, après l’atterrissage de Porter Ranch. Nous étions dans le même groupe de prisonniers. » La femme lui décocha un chaleureux sourire. « Margaret Gabriel-son. Peggy pour les intimes. Je suis venue ici travailler pour le Colonel, et ensuite j’ai épousé Ron. Il n’y a pas de raison que vous vous rappeliez de moi. »

Non. Il n’y en avait pas. Cindy ne se rappelait pas.

« II était impossible de ne pas vous remarquer. Je n’ai jamais oublié les colliers de perles, les sandales, les boucles d’oreille géantes. La plupart d’entre nous ont été relâchés l’après-midi même, mais vous vous êtes portée volontaire pour rester avec les extraterrestres. Vous disiez qu’ils allaient vous emmener sur leur planète.

— C’est ce que je croyais. Mais non. J’ai travaillé pour eux des années. Je faisais tout ce qu’ils me demandaient : j’ai dirigé des centres de détention pour leur compte, j’ai convoyé des prisonniers à droite et à gauche, et j’attendais qu’ils concrétisent leur promesse. Mais ils n’en ont rien fait. Au bout d’un moment, j’ai commencé à me demander s’ils m’avaient vraiment promis ça. Maintenant, je crois que j’ai été victime de mes propres illusions.

— Vous êtes une quisling, alors ? demanda Ronnie. Vous savez que vous êtes ici dans un des principaux centres de la Résistance ?

— J’étais une quisling. Mais c’est fini. Je travaillais dans un centre de détention sur la côte turque quand je me suis rendu compte que j’avais perdu vingt ans à faire du pied aux Entités pour rien. Elles n’avaient pas débarqué ici pour changer notre monde en un paradis, comme je l’avais cru au début. Elles étaient venues pour nous réduire en esclavage. Alors j’ai voulu m’en sortir. Un rectifieur que je connaissais en Allemagne a réussi à me faire expédier aux États-Unis pour accompagner un groupe de prisonniers jusqu’au Nevada, et il a récrit mon code personnel : officiellement j’ai été tuée dans un accident de la route entre Las Vegas et Barstow alors que je convoyais ce jeune homme jusqu’à son prochain camp de détention. C’est pour ça qu’il est ici. Le rectifîeur a récrit son code à lui aussi. Nous sommes désormais des disparus. Lorsque nous sommes arrivés à L.A., j’ai découvert qu’il y avait un mur tout autour. Il nous était impossible d’entrer, parce que nous n’avons plus d’existence légale.

— Alors, vous avez eu l’idée de venir ici ?

— Oui. Qu’est-ce que je pouvais faire d’autre ? Mais si vous ne voulez pas de moi, dites-le et je repars. Je suis quand même une Carmichael. J’ai été membre de cette famille, j’étais la femme de votre oncle. Je l’aimais beaucoup et c’était réciproque. Je ne suis pas venue pour déranger vos activités de Résistants. Je peux même vous aider. Je peux vous dire des tas de choses sur les Entités que vous ne connaissez peut-être pas. »

Ronnie l’examinait activement, songeur.

« Allons voir le Colonel », dit-il.

Khalid regarda Cindy quitter la pièce, suivie par la plupart des autres. Seuls quelques-uns des plus jeunes restèrent avec lui : deux hommes manifestement jumeaux, malgré la longue cicatrice rouge qui marquait le visage de l’un, et l’adolescent tendu et sérieux, de toute évidence apparenté aux jumeaux, qui les avait accueillis à la grille fusil en main. Et aussi une jeune fille qui était comme la version féminine des deux autres : grande, mince et blonde, avec ce regard bleu glacial qui semblait être la norme au ranch. Le reste de sa personne manquait pareillement de chaleur : elle était aussi froide et distante que le ciel. Mais très belle.

Le frère balafré dit à son jumeau : « On ferait mieux de se grouiller, Charlie. On est censés réparer la pompe principale du système d’irrigation.

— Exact. »

Charlie se tourna vers le gamin au fusil. « Tu peux te débrouiller tout seul ici, Anson ?

— T’inquiète pas pour moi. Je sais ce que je dois faire.

— S’il tente le moindre truc bizarre, tu lui tires dans le bide, vu ?

— Vas-y, Charlie, répliqua sèchement Anson en lui montrant la porte du canon de son arme. Va réparer ta putain de pompe. Je t’ai dit que je sais ce que je dois faire. »

Les jumeaux sortirent. Khalid resta patiemment immobile à l’endroit qu’il occupait depuis le début, plus calme que jamais, laissant le temps s’écouler. La grande blonde le regardait attentivement. Il y avait comme du détachement dans sa curiosité, une sorte de hautaine fascination scientifique. Elle l’examinait comme s’il était quelque nouvelle forme de vie. Khalid trouvait cela bizarrement excitant. Il avait la vague impression qu’elle et lui se ressemblaient peut-être sous leurs apparences totalement différentes.

Elle laissa passer quelques secondes. Puis elle dit au gamin : « Va rejoindre les autres, Anson. Donne-moi le fusil. »

Air surpris de ce dernier. Il est tellement consciencieux, songea Khalid. Le genre de gars qui se prend très au sérieux.

« Je peux pas faire ça, Jill.

— Bien sûr que si ! Tu crois que je ne sais pas me servir d’un fusil ? Je tirais des lapins sur cette montagne quand tu chiais encore dans tes couches. Donne-moi ça. Et dégage d’ici.

— Hé, je sais pas si…

— File. Tout de suite. » Elle lui prit l’arme des mains et lui montra la porte du pouce. Elle n’avait pas du tout élevé la voix durant ce dialogue ; mais Anson, visiblement troublé, quitta la pièce en traînant les pieds avec un air de chien battu, à croire qu’elle lui avait donné un coup de fouet en pleine figure.

« Salut », dit la fille à Khalid.

Il n’y avait plus qu’eux deux dans la pièce.

« Salut. »

Elle gardait les yeux fixés sur lui. Presque sans ciller. Il vint soudain à l’esprit de Khalid qu’il aimerait la voir nue. Il voulait savoir si le triangle au bas de son ventre était aussi doré que sa chevelure. Il se surprit à imaginer l’effet que ça lui ferait de laisser sa main remonter sur ses cuisses longues et lisses.

« Je m’appelle Jill, dit-elle. Et toi ?

— Khalid.

— Khalid. C’est quoi, comme nom ?

— Un nom islamique. On m’a donné celui de mon oncle. Je suis né en Angleterre, mais ma mère était d’origine pakistanaise.

— Pas kistanaise ? Ça veut dire quoi ?

— Les Pakistanais viennent du Pakistan. C’est un pays près de l’Inde.

— Ah-ah ! L’Inde. J’ai entendu parler. Des éléphants, des tigres et des rubis. Une fois, j’ai lu un bouquin sur l’Inde. » Elle agitait l’arme négligemment. « Tu as des yeux intéressants, Khalid.

— Merci.

— Tous les Pakistanais sont comme toi ?

— Mon père était anglais. Il était très grand, alors moi aussi.