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— Tu es sûr de ce que tu avances ? commenta Khalid, sceptique.

— C’est juste une hypothèse, dit Leslyn. Mais peut-être une très bonne hypothèse. »

Khalid opina. Il se demanda pourquoi ils le tarabustaient avec leurs hypothèses.

« Comme la reine des abeilles qui gouverne la ruche, précisa Mike.

— Ah, fit Khalid. La reine des abeilles.

— Pas obligatoirement une femelle, bien sûr, dit Anson. Rien n’est exclu. Mais supposons maintenant qu’on puisse localiser le Numéro Un… remonter la piste, le trouver là où Elles le cachent à Los Angeles, ou peut-être à Londres ou à Istanbul. Si on y arrivait et si on pouvait envoyer un tueur pour la supprimer, quel effet cela aurait-il sur le reste des Entités, à ton avis ? »

Khalid put enfin fournir une information intéressante. « Quand j’ai tué celle de Salisbury, celle qui était à côté dans le véhicule a été prise de convulsions. J’ai cru un instant que je l’avais touchée elle aussi, mais non. Alors il se peut que leurs esprits soient reliés comme tu le dis.

— Vous voyez ? Vous voyez ? s’écria Anson, triomphant. On commence à avoir des confirmations. Merde alors, pourquoi tu ne nous a pas parlé de ça, Khalid ? Tu en descends une et l’autre à côté dans le chariot est prise de convulsions ! Je parie qu’Elles ont toutes eu des convulsions, sur toute la planète, même le Numéro Un !

— Il faudrait vérifier ça, intervint Steve. Consulter un maximum de sources pour voir si quelqu’un a observé un comportement inhabituel chez les Entités au moment de l’attentat de Salisbury. »

Anson hocha la tête. « Exactement. Et s’il y a eu une sorte de court-jus chez les Entités de toute la planète à la suite de la mort d’un membre relativement peu important de leur espèce… Alors si on pouvait réussir d’une manière ou d’une autre à trouver le Numéro Un et à le tuer… bon, Khalid, tu vois où on veut en venir, hein ? »

II baissa les yeux sur les liasses de papier étalées sur toute la surface du bureau. « Bien sûr. Vous voulez tuer le Numéro Un.

— Plus précisément, nous voulons que ce soit toi qui le tues !

— Moi ? dit-il en riant. Oh, non, Anson.

— Non ?

— Non. Je n’ai aucune envie de faire un truc pareil. Non, Anson, c’est non. »

Ils n’en revenaient pas. La réponse de Khalid leur avait coupé le souffle. Sous la colère, le visage blafard d’Anson vira à l’écarla-te ; Mike murmura quelque chose à l’oreille de Leslyn et Steve fit de même.

Puis Leslyn, qui était assise juste à côté de Khalid, leva les yeux sur lui : « Et pourquoi pas ? Tu es la seule personne qualifiée pour faire ça.

— Mais je n’ai aucune raison de le faire. Tuer le Numéro Un, à supposer qu’une créature pareille existe, n’a pas de sens pour moi.

— Tu as peur ? demanda Mike.

— Pas du tout. Je mourrais probablement au cours de la tentative, et je ne voudrais pas que ça se passe comme ça, parce que j’ai des enfants en bas âge ; je les aime et je tiens à ce qu’ils aient un père. Mais je n’ai pas peur, non. Je suis indifférent, voilà tout.

— À quoi ?

— Au projet de tuer des Entités. C’est vrai que j’en ai tué une quand j’étais adolescent, mais j’ai fait ça pour des raisons particulières qui n’avaient d’importance que pour moi. Ces exigences ont été satisfaites. Massacrer les Entités est votre projet, pas le mien.

— Tu ne veux pas les voir chassées de la face de la Terre ? lui demanda Steve Gannett.

— Elles peuvent bien garder la Terre à perpète, ça ne me dérange pas, répondit Khalid d’un ton égal. Si elles gouvernent la planète, ça ne me concerne pas. D’après ce que je comprends, il n’y avait pas tellement de bonheur ici-bas, même avant qu’Elles débarquent, du moins pas pour ma famille – la famille que j’avais en Angleterre. Tous ces gens sont morts, à présent. Je ne les ai jamais connus, à une exception près. Mais maintenant, j’ai des enfants moi aussi. Je trouve mon bonheur en eux. J’ai goûté au bonheur pour la première fois de ma vie. Alors, je veux rester ici et élever mes enfants. Pas aller dans une ville que je ne connais pas pour essayer de tuer une créature extraterrestre qui ne signifie rien pour moi. Peut-être que je m’en sortirais vivant, peut être que non, plus vraisemblablement. Mais pourquoi j’irais prendre ce risque ? Qu’est-ce que j’ai à gagner là-dedans ?

— Khalid…, commença Anson.

— Je n’ai pas été assez clair ? J’ai essayé de m’exprimer le plus clairement possible, non ? »

L’impasse. Khalid leur semblait aussi peu de ce monde que les Entités Elles-mêmes.

Ils le congédièrent. Il retourna à son chalet, ouvrit son coffre à outils, demanda à Jill de reprendre la pose. Il ne révéla rien de ce qui s’était dit dans la chambre des cartes. Ses enfants papillonnaient autour de lui : Khalifa, Rachid, Yasmina, Aïcha, Halim, nus, adorables. Le coeur de Khalid se gonflait de joie en les voyant. Allah était bon ; Allah l’avait amené sur cette montagne, lui avait donné l’étrange et belle Jill, avait fait en sorte qu’elle lui donne ces enfants – les siens. Après avoir beaucoup souffert, il commençait enfin à voir sa vie s’épanouir. Pourquoi l’abandonnerait-il pour le stupide projet de ces gens-là ?

« Allez me chercher Tony », dit Anson quand Khalid fut parti.

Son entretien avec son frère fut bref. Tony n’avait jamais brillé par la profondeur de sa pensée ni par son éloquence. Âgé de huit ans de moins qu’Anson, il avait toujours eu le plus grand respect pour son aîné. Il l’adorait ; le craignait ; s’inspirait de lui. Il ferait n’importe quoi pour lui. Même ça, espérait Anson.

Il expliqua à Tony ce qui était en jeu et ce que cela exigeait.

« Je vais tenter le coup, dit Anson. C’est ma responsabilité.

— Si c’est comme ça que tu vois les choses, alors…

— C’est comme ça que je les vois, oui. Mais le premier qui débarquera là-bas risque de ne pas terminer sa mission. Si je ne réussis pas à tuer le Numéro Un, seras-tu d’accord pour être le prochain à mettre la main à la pâte ?

— Bien sûr », répondit Tony sans hésiter. Il donnait l’impression d’avoir à peine réfléchi à la question. Aux difficultés, au risque. Nul pli soucieux ne creusait son visage large et avenant, au regard clair. « Pourquoi pas ? Puisque tu le dis, Anson. C’est toi qui commandes.

— Ce ne sera pas aussi simple que ça. Ça pourrait demander des mois d’un entraînement spécial. Des années, peut-être.

— C’est toi qui commandes », répéta Tony.

Un petit moment plus tard, tandis que Khalid finissait son travail du matin, Anson vint le trouver. Il avait l’air encore plus tendu que de coutume, les lèvres serrées, les sourcils froncés. Ils s’immobilisèrent devant le chalet, au milieu des effigies en bois de Jill nue.

« Tu nous as dit, commença Anson, que l’idée de tuer des Entités te laissait complètement froid. Et même que tu n’as apparemment rien éprouvé quand tu en as tué une.

— Oui, c’est exact.

— Tu crois que tu pourrais apprendre à quelqu’un cette qualité d’indifférence, Khalid ?