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Arthur faillit s’étrangler. Il bégaya :

— Je vous demande pardon ?

— Slartibartfast, répéta calmement le vieil homme.

— Slartibartfast ?

Le vieillard le considéra d’un air grave.

— Je vous avais dit que ça n’avait pas d’importance.

L’aérocar glissait dans la nuit.

Chapitre 23

Il est un fait important (et bien connu) que les choses ne sont pas toujours conformes aux apparences. Par exemple, sur la planète Terre, l’homme a toujours considéré qu’il était plus intelligent que les dauphins sous prétexte qu’il avait inventé toutes sortes de choses – la roue, New York, les guerres, etc. – tandis que les dauphins quant à eux, n’avaient jamais rien su faire d’autre que faire joujou dans l’eau et plus généralement prendre du bon temps. Mais, réciproquement, les dauphins s’étaient toujours crus bien plus intelligents que les hommes – et précisément pour les mêmes raisons.

Détail curieux, les dauphins étaient depuis longtemps au courant de l’imminente destruction de la Terre et ils avaient maintes fois tenté d’avertir l’humanité du danger ; mais on s’était la plupart du temps mépris sur la teneur de leurs messages, n’y voyant que d’amusantes tentatives pour jouer à la balle ou bien siffler pour obtenir des friandises si bien qu’en fin de compte ils durent laisser tomber et quitter la Terre par leurs propres moyens peu avant l’arrivée des Vogons.

Le tout dernier message à être lancé par un dauphin fut à tort interprété comme une tentative étonnamment complexe de double saut périlleux arrière à travers un cerceau tout en sifflant La Bannière étoilée quand en fait le message était celui-ci : Allez salut, et merci encore pour tout le poisson.

En vérité, il n’y avait sur la planète qu’une seule espèce plus intelligente que les dauphins, une espèce qui passait une bonne partie de son temps au sein de laboratoires de recherche sur le comportement, à galoper dans de petits manèges en plastique installés dans des cages et mener d’effroyablement élégantes et subtiles expérimentations sur l’homme. Le fait qu’une fois encore, l’homme s’était complètement leurré sur la nature de leurs rapports faisait partie intégrante du plan de ces créatures.

Chapitre 24

Silencieux, l’aérocar traversait les ténèbres glacées, unique petit point de lumière totalement solitaire dans les profondeurs de la nuit magrathéenne. Il filait comme l’éclair. Le compagnon d’Arthur semblait perdu dans ses pensées et lorsqu’Arthur essaya une fois ou deux de rengager la conversation, il se contenta de répondre en lui demandant s’il était à l’aise, sans plus.

Arthur essaya d’estimer leur vitesse mais l’obscurité absolue de l’extérieur lui ôtait tout point de référence. L’impression de mouvement était si faible qu’il se serait pour un peu cru immobile.

Puis un minuscule point de lumière apparut dans le lointain et, en quelques secondes, il avait atteint une taille telle qu’Arthur comprit qu’il s’approchait d’eux à une vitesse colossale et se demanda quel genre de vaisseau ce pouvait être. Il le scruta mais sans parvenir à distinguer aucune forme précise puis poussa un cri soudain, alarmé, quand l’aérocar se mit à piquer brusquement en plongeant droit vers une collision qui semblait inévitable. Leur vitesse relative paraissait incroyable et Arthur eut à peine le temps de reprendre son souffle que tout était terminé. La première chose dont il eut ensuite conscience, ce fut d’être comme noyé dans un incroyable flou argenté. Il tourna vivement la tête et vit un minuscule point noir diminuer rapidement dans le lointain derrière eux et il lui fallut plusieurs secondes pour prendre conscience de ce qu’il s’était passé.

Ils avaient plongé à l’intérieur d’un tunnel dans le sol ! Cette vitesse colossale était leur vitesse relative par rapport à cette tache de lumière qui n’était autre que cet orifice, immobile, dans le sol : la bouche du tunnel. L’incroyable flou argenté, c’était la paroi circulaire du tunnel au fond duquel ils fonçaient maintenant à plusieurs centaines de kilomètre/heure, apparemment.

Il ferma les yeux de terreur.

Après un intervalle de temps qu’il ne chercha pas à estimer, il ressentit une légère diminution de leur vitesse et se rendit compte peu après qu’ils ralentissaient effectivement, afin de s’arrêter en douceur.

Il rouvrit les yeux : ils se trouvaient toujours dans le tunnel d’argent, serpentant dans ce qui semblait un véritable dédale de boyaux convergents. Lorsqu’enfin ils s’immobilisèrent, ce fut dans une petite salle aux panneaux d’acier incurvés. Plusieurs tunnels débouchaient également ici et, à l’autre extrémité de la salle, Arthur pouvait apercevoir un grand cercle de lumière tamisée et néanmoins crispante car elle jouait des tours à votre vision, rendant impossible toute tentative pour accommoder ou estimer son éloignement. Arthur supposa (bien à tort) qu’il pouvait s’agir d’un effet d’ultraviolet.

Slartibartfast se retourna pour considérer Arthur de son regard solennel et usé :

— Terrien, nous sommes à présent loin dans le cœur de Magrathea.

— Comment avez-vous su que j’étais terrien ? demanda Arthur.

— Toutes ces choses vous apparaîtront clairement », dit avec douceur le vieillard, « du moins », ajouta-t-il avec un léger doute dans la voix, « plus clairement qu’à l’heure actuelle.

Il poursuivit :

— Je me dois de vous prévenir que la salle dans laquelle nous allons pénétrer n’existe pas littéralement à l’intérieur de notre planète. Elle est un petit peu trop… vaste ; nous allons franchir une porte ouvrant sur une vaste étendue d’hyperespace et il se peut que cela vous perturbe.

Arthur émit de petits bruits nerveux. Slartibartfast effleura un bouton puis ajouta, de manière pas précisément rassurante :

— Moi-même, ça me fout les jetons. Accrochez-vous !

Le véhicule se rua droit dans le cercle de lumière et brusquement Arthur eut une assez claire idée de ce à quoi pouvait ressembler l’infini.

Ce n’était en fait pas l’infini. L’infini proprement dit se révèle plat et sans intérêt. Lever les yeux vers le ciel nocturne, c’est plonger son regard dans l’infini – ses dimensions en sont incompréhensibles et par conséquent sans signification. La salle dans laquelle venait d’émerger l’aérocar était tout sauf infinie, elle était simplement très, très, très grande, si grande qu’elle donnait une impression d’infini bien mieux que l’infini lui-même.

Arthur sentit ses esprits tournoyer tandis que, fonçant toujours à la vitesse énorme qu’il savait être la leur, ils semblaient monter lentement à l’air libre, et que le passage d’où ils venaient de jaillir n’était plus qu’un trou d’épingle invisible dans le mur miroitant derrière eux.

Le mur.

Le mur défiait l’imagination – la séduisait et la trompait. Le mur était un à-pic d’une immensité si paralysante que son sommet, sa base et ses côtés disparaissaient au-delà des limites de la vision : le simple choc du vertige provoqué pouvait tuer un homme.

Le mur apparaissait comme parfaitement plat. Il aurait fallu le meilleur des télémètres à laser pour détecter qu’en même temps que la paroi montait apparemment vers l’infini, qu’elle descendait vertigineusement et que, de part et d’autre, elle s’éloignait sans fin, en même temps qu’elle s’incurvait. Pour se rejoindre treize secondes de lumière plus loin. En d’autres termes, le mur formait la paroi interne d’une sphère creuse, une sphère de près de quatre millions de kilomètres de diamètre, inondée d’une lumière inimaginable.