Выбрать главу

— Ouais, d’accord », dit Zaphod, et tous trois s’assirent en ignorant délibérément les scènes qui continuaient de se succéder autour d’eux.

— Voilà ce que je suppose, commença Zaphod. Quoi qu’ait pu subir mon esprit, c’est moi qui l’ai fait. Et je l’ai fait de telle sorte que cela demeure indétectable par les tests du gouvernement. Et que je n’en sache rien moi-même. Plutôt bien joué, non ?

Les deux autres opinèrent du bonnet.

— Alors, je me dis, qu’y a-t-il de si secret que je ne puisse permettre à personne de savoir que je le sais, pas même le gouvernement galactique, pas même moi ? Et la réponse est : je ne sais pas. Évidemment. Mais si je rassemble quelques éléments épars, je peux commencer à deviner : Quand ai-je décidé de me présenter à la présidence ? Peu après la disparition du président Yooden Vranx. Tu te rappelles Yooden, Ford ?

— Ouais, dit Ford, c’était ce type qu’on avait rencontré étant gosse, un capitaine arcturien. Un sacré numéro ! C’est lui qui nous avait offert des marrons le jour où tu t’es pointé sur son mégacargo. Il disait que tu étais le gamin le plus surprenant qu’il ait jamais vu.

— Qu’est-ce que c’est que toute cette histoire ? demanda Trillian.

— De l’histoire ancienne, dit Ford. Du temps où on était gosses sur Bételgeuse. Les mégacargos arcturiens effectuaient la plupart des transports de vrac entre le Centre galactique et les régions périphériques. Les éclaireurs commerciaux de Bételgeuse prospectaient les marchés que les Arcturiens approvisionnaient ensuite. Nombreuses étaient les escarmouches avec les pirates de l’espace avant qu’ils ne soient balayés par les Guerres dormiyères, aussi les mégacargos avaient-ils dû être équipés des plus fantastiques champs de protection que connût la science galactique de l’époque. C’étaient de véritables monstres absolument gigantesques. En orbite autour d’une planète, ces vaisseaux éclipsaient le soleil.

« Un jour, le jeune Zaphod, ici présent, décide d’en prendre un à l’abordage. Avec un vulgaire trijet prévu simplement pour le vol stratosphérique, lui, un simple gosse ! Je lui dis de laisser tomber, c’était complètement loufoque. Je l’ai quand même accompagné vu que j’avais parié un bon paquet sur son échec et que je ne voulais pas qu’il revienne avec des preuves bidon. Et que croyez-vous qu’il arriva ? On embarque sur le trijet qu’il avait trafiqué au point que c’était quelque chose d’entièrement différent, on se tape trois parsecs en l’affaire de quelques semaines, on se pointe dans le mégacargo que je ne sais toujours pas comment, on marche sur la passerelle en brandissant nos revolvers en plastique et on demande des marrons. Jamais vu un truc aussi dingue. Ça m’a coûté un an d’argent de poche. Et tout ça pour quoi ? Des marrons !

— Le capitaine était ce type vraiment incroyable, Yooden Vranx ! enchaîna Zaphod. Il nous offrit à manger, à boire – de la gnôle en provenance des coins les plus bizarres de la Galaxie – on a eu des tas de marrons, bien sûr, enfin, on a fait une bringue pas possible ! Et puis il nous a réexpédiés par téléportation. Directement dans le quartier de haute sécurité de la prison d’État de Bételgeuse. Un type extra. Il a fini par devenir Président de la Galaxie.

Zaphod fit une pause. La scène autour d’eux était à présent plongée dans la pénombre. Des brumes ténébreuses s’enroulaient autour d’eux tandis que d’indistinctes silhouettes éléphantesques rôdaient dans l’ombre.

L’air était par moments déchiré par les cris de créatures illusoires dévorant d’autres illusoires créatures.

Il fallait donc bien supposer qu’un nombre suffisant de clients appréciaient ce genre de choses pour qu’on pût en faire une proposition commerciale.

— Ford, dit calmement Zaphod.

— Mouais ?

— Juste avant sa mort, Yooden est venu me voir.

— Quoi ? Tu ne m’en as jamais parlé.

— Non.

— Que t’a-t-il dit ? Pourquoi était-il venu te voir ?

— Il m’a parlé du Cœur-en-Or. C’était son idée que je le dérobe.

— Son idée ?

— Ouais, dit Zaphod, et le seul moyen possible de le faire, c’était lors de la cérémonie de lancement.

Ford le considéra, bouche bée, quelques instants, puis il éclata d’un rire rugissant :

— Es-tu en train de me dire que tu t’es arrangé pour devenir Président de la Galaxie rien que pour dérober ce vaisseau ?

— C’est cela même, dit Zaphod avec ce genre de sourire qui conduit en général à boucler les gens entre quatre murs capitonnés.

— Mais pourquoi ? insista Ford. Qu’y a-t-il de si important à l’avoir ?

— Chsais pas, avoua Zaphod. Je pense que si j’avais su consciemment ce qu’il avait de si important, et par quel moyen l’obtenir, ce serait apparu lors de mes tests et jamais je ne les aurais réussis. Je pense que Yooden m’a encore dit un tas de choses qui restent toujours bloquées.

— Alors, tu crois que tu es allé trifouiller à l’intérieur de ton cerveau à la suite de ce que t’a raconté Yooden ?

— C’était un sacré beau parleur.

— D’accord, mais, Zaphod, vieille branche, tu as quand même envie de prendre soin de toi, n’est-ce pas ?

Zaphod haussa les épaules.

— Je veux dire, tu n’aurais pas le moindre soupçon des raisons ayant conduit à tout ça ? demanda Ford.

Zaphod réfléchit intensément et le doute sembla traverser son esprit.

— Non, dit-il enfin, je n’ai pas l’impression d’être dans mes propres secrets. Pourtant », ajouta-t-il après réflexion, « ça, je peux encore le comprendre : je ne me fierais pas plus à moi-même qu’au premier rat venu.

Un moment après, la dernière planète du catalogue disparut de dessous leurs pieds et le monde réel réapparut :

Ils étaient assis dans une salle d’attente cossue, emplie de tables basses à plateau de verre et garnie de trophées d’esthétique industrielle.

Un Magrathéen de haute stature se tenait devant eux.

— Les souris vont vous recevoir, leur dit-il.

Chapitre 30

— Et voilà toute l’histoire, conclut Slartibartfast, tout en essayant sans grande conviction de déblayer l’affligeante pagaille de son bureau.

Il prit une feuille de papier sur le haut d’une pile puis, faute d’un autre endroit où la poser, la remit sur la pile initiale qui s’empressa de s’effondrer.

— Pensées Profondes a conçu la Terre, nous l’avons fabriquée et vous, vous viviez dessus.

— Et les Vogons sont arrivés et ont tout détruit cinq minutes avant l’achèvement du programme, compléta Arthur, non sans amertume.

— Oui », confirma le vieil homme, marquant une pause pour embrasser la pièce d’un regard désespéré. « Un plan de dix millions d’années et tout disparaît, juste comme ça. Dix millions d’années, Terrien,… pouvez-vous concevoir une telle période de temps ? Une civilisation galactique aurait cinq fois le temps de se développer à partir d’un simple ver, dans l’intervalle.

— Disparu.

Nouvelle pause. Puis il ajouta :

— Bon, tout ça, pour vous, c’est de la bureaucratie.

— Vous savez, remarqua Arthur, songeur, tout cela explique un tas de choses : toute ma vie durant, j’ai eu cette étrange et vague sensation que quelque chose dans le monde était à l’œuvre, quelque chose d’énorme, voire de sinistre, et que personne voulait me dire quoi.

— Non, dit le vieil homme, ça, ce n’est que de la paranoïa parfaitement normale. Tout le monde ressent ça, dans l’univers.

— Tout le monde ? dit Arthur. Eh bien, si tout le monde le ressent, peut-être que ça signifie quelque chose ? Peut-être que quelque part au-delà des limites de l’univers que nous connaissons…