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— Prenons le cas de la Porsche : c’est une voiture de location louée par la Maison Avisa dans l’après-midi du jour où la Mercedes a cramé.

— A qui ?

— A Mister Kipper Gahgne, citoyen américain, habitant 888, 52e Rue Ouest, New York. Pièce d’identité produite : un passeport. Forme de règlement : carte de l’American Express. J’ai adressé un fax aux Etats-Unis, il n’y a pas de Kipper Gahgne au service des passeports. Et l’American Express n’a aucun abonné de ce nom. Donc, le type en question manœuvre avec de faux documents.

— Mon petit doigt me chuchotait cette histoire, dis-je. Tu vas lancer un appel général à toutes les polices, aux douanes, au cardinal Lustiger, à ta concierge, partout ! Le mec en question ignore que nous sommes sur sa piste et va donc continuer d’utiliser son faux blase. Etablis immédiatement une souricière chez Avisa au cas où il ramènerait la Porsche. Qu’on le serre sans barguigner !

— Toutes ces instructions sont déjà données, MON petit Antoine.

— Tu es génial ! Blanche-Neige ne va pas tarder à se pointer avec son jerrican que je souhaite constellé d’empreintes surchoix.

— On le décortiquera illico.

— Attends, encore un tuyau…

Je vais à Charly, toujours agenouillé, couilles en mains. Me saisis de son portefeuille qui dépasse de sa poche-revolver, en fais un rapide inventaire et conserve son permis de conduire.

— J’aimerais en apprendre long comme un tapis roulant sur la vie et l’œuvre d’un certain Charles Aissetone, né à Courbevoie le 6 janvier 1959. Tu notes ?

— C’est inscrit.

— Ciao, à très vite !

Je balance le permis de conduire ainsi que le portefeuille entre les genoux écartés de Charly.

— Je te conseille un bain de siège très chaud et prolongé, fils. Après quoi tu te les enveloppes dans de la ouate avant de les rentrer au bercail. Autre chose : vous ne quittez cet hôtel sous aucun prétexte sinon vous encourriez des turbins pas racontables. Vous êtes dans ce palace à mes frais, pas triste, non ?

— Et on va faire quoi ? demande Charlotte.

— Bouffez, buvez, regardez la téloche. Vous êtes mieux ici qu’en taule, ou je me goure ?

— Vous m’avez promis de ne pas nous enchtiber ?

— Si vous êtes réglos, je tiendrai ma promesse.

— Alors pourquoi vous nous consignez dans cette piaule ?

— Quelque chose me dit que je vais avoir besoin de vous.

— Pour faire quoi ?

— Je l’ignore. Mon instinct ! Tu peux pas comprendre…

En réalité, une pensée indéfinissable se tisse dans les limbes de ma comprenette. Je les garde à dispose à cause du parking de l’autoroute : l’aire des Lampions. Là-bas s’est perpétré l’assassinat de Hieronymus Van Bytoun. Là-bas, ces deux cloches m’ont joué leur numéro à la gomme. Il y a « lien ».

Pour la seconde fois, le bigophone ronfle et, pour la deuxième fois, c’est pour ma pomme.

— Une dame vous demande à la réception, monsieur le commissaire.

— Qui est-elle ?

— Elle n’a pas dit son nom. Elle assure que c’est une surprise.

— J’arrive.

J’aime pas les surprises.

LA TRUIE

En sortant de l’ascenseur, je l’aperçois, « vachée » dans un fauteuil pullman du hall qu’elle remplit entièrement. Comme toutes les grosses femmes, elle ne peut tenir assise qu’en écartant les jambes et, avant d’avoir opéré trois pas dans sa direction, je sais qu’elle porte une culotte saumon.

Outre le slip en question, elle arbore un manteau de chinchilla, une robe de lainage rouge et une douzaine de sautoirs d’or, de perles, voire de diamants, qui constituent une espèce de cotte de mailles sur ses plantureux nichons.

Je m’avance, le sourire aux lèvres.

— Qu’est-ce qui me vaut le grand honneur de votre visite, madame la duchesse ?

— Je vais te le dire, mon petit poulet.

Elle me tend la pogne, je lui fignole un baisemain jockey-club qui ferait mouiller le cher Roger Peyrefitte (de l’Académie française par cousin interposé).

— Si je te tends la louche, c’est pas pour que tu me la baises, mais pour que tu m’aides à m’arracher de ce bon Dieu de fauteuil ! proteste la dusèche.

Je lui demande d’excuser ma méprise, m’arc-boute, lui présente les deux mains et la hisse en position verticale.

— Merci ! T’es balèze, Grand ! Si je n’avais pas su que tu allais descendre, jamais je me serais engloutie dans ce genre de fauteuil. Pour en sortir seule, il faut que je me retourne, que je me laisse glisser à genoux et que je prenne appui sur les accoudoirs. L’obésité, mon pote, tu parles d’une chierie !

Je ramasse son sac Hermès qui gisait sur le tapis et le lui présente.

— Allons dans ta piaule, qu’on puisse parler tranquillement, m’enjoint-elle.

Je souscris. Elle souffle comme un steamer dans la tempête au moindre mouvement.

— C’est le froid, me dit-elle en se tapotant le poitrail ; il réveille mon asthme. Quand le Nain Jaune sera rassuré avec son putain de porte-documents, je ferai les valoches pour Miami. On a un apparte de quatre cents mètres carrés, là-bas, avec des larbins nègres qui jouent un remake d’Autant en emporte le vent et des porte-flingues cachés derrière toutes les plantes vertes. La mer est d’un bleu si profond que je les soupçonne de la teindre. Quant au soleil, c’est le drapeau japonais, mon pote !

Nous parvenons à ma chambre qui vient d’être faite par la petite Portugaise à la touffe gonflée.

Mémère laisse choir son manteau sur la moquette, balance son sac et ses pompes taillés dans le même croco et repart à dame dans un deuxième fauteuil.

— Dis voir, Grand, il doit bien y avoir une boutanche de Dom Pérignon dans cette crèche ? J’ai la meule comme un os de seiche. T’inquiète pas, je la paierai !

J’assure à ma visiteuse que j’ai les moyens de la noyer dans des flots de champagne et je passe commande auprès du room-service.

— Tu me bottes, dit-elle. J’ai eu un coup de cœur en te voyant, l’autre soir, dans le burlingue du Nain Jaune. T’es beau mec, sympa, ardent, va falloir que je te pompe, mon gars. Ça, tu n’y couperas pas. Me dis pas que tu es du genre bégueule et que tu me trouves trop grosse et trop vioque. Pour une petite pipe veloutée, c’est pas des arguments valables. Avance un peu !

J’obtempère. Sa grosse paluche de vivandière me caresse le paquet-réclame.

— Très chouette ! apprécie-t-elle. T’es outillé de première, mon gredin. On verra ça tout à l’heure.

— Puis-je savoir pourquoi vous êtes venue aussi précipitamment à Genève ; c’est tout de même pas pour me tailler une plume, madame la duchesse ?

— Pas, malgré que ça vaille le voyage !

Un loufiat nous livre le roteux en grande pompe. Y a même des biscuits avec ! Il va pour procéder à la cérémonie du décapsulage, mais la Grosse le congédie.

— Tiens, voilà cinquante pions, mon pote ; casse-toi, monsieur se dépatouillera tout seul.

Mi-vexé, mi-ravi, l’esclave nous abandonne à notre royal breuvage. Je décapite la boutanche, emplis deux flûtes et en présente une à Mme de Sanfoyniloix.

Elle l’a torché cul sec comme s’il s’agissait de limonade.

— Pas encore assez frais, mais ça t’humecte le gosier. A présent, on cause. Pour tout te dire, mon flicaillou, quand j’ai appris l’histoire de la voiture incendiée, tout comme le vioque j’ai été convaincue qu’il s’agissait d’un acte criminel. Aucune raison qu’une bonne Mercedes, costaude comme l’Allemagne, se mette à cramer toute seule sur un parking. Et puis moi, j’avais, si j’ose dire, un motif supplémentaire pour douter.