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Avant que nous ne sortions, j’attrape un coussin, car je suis toujours soucieux du confort des dames qui me cèdent.

L’immeuble de la rue de Verneuil est de bonne allure, mi-petit-bourgeois, mi-artiste « aisé ». La cage d’escalier est arrondie et les marches tournent autour de l’ascenseur hydraulique. Elles sont recouvertes d’un tapis détramatisé dont les nez de marches paraissent atteints de pelade eczémateuse. Il y a deux appartements par palier.

En retrouvant l’endroit où flottent d’étranges parfums et des soupirs d’un autre monde, Laure a un recul pour regagner son home.

— Je ne peux pas ! dit-elle.

— Bien sûr que si !

— J’ai froid !

— Je vais te réchauffer !

Je place le coussin contre le mur.

— Allonge-toi !

D’un geste enveloppant mais autoritaire, je l’oblige à s’étendre. Ses cannes débordent du palier et pendent dans l’escalier. Je descends trois degrés (imitant en cela le thermomètre), m’agenouille entre les deux bas ensorceleurs. Je lui assure l’assise de ses pieds en les plantant de part et d’autre de mon visage, et la démarre par une plaisante tyrolienne de broussailles, à laquelle je mets au défi n’importe quelle dame de résister, qu’il s’agisse de la princesse Anne, de Nancy Reagan ou de la Mère Denis.

Je me suis suffisamment ouvert à toi, ami lecteur, de mes capacités linguales, pour ne pas avoir à pousser une description oiseuse propre à déchaîner la vindicte des pisse-froid et la passion des salopes. Sache simplement que mon organe charnu est capable d’accomplir huit cent quarante-six frétillements seconde, et ce durant quarante-cinq minutes d’affilée. C’est te dire l’impact que peut avoir un tel exercice sur un clitoris moyen !

Généralement, ma partenaire est déclenchée au bout de trois minutes et on peut considérer qu’elle est mise sur orbite au bout de cinq. Ce n’est pas pour autant que je suspends la manœuvre. Simplement, je la varie en gagnant les pourtours de son ergot d’amour afin d’explorer des régions en déclivité, voire ravinées. Le frétillement cède alors la place à un large ratissage mobilisant toute ma surface recouverte de papilles et mettant à contribution l’ensemble de mes bourgeons sensoriels. Là se situe le début de la sonorisation. Parvenue à ce point de sollicitation sensuelle, la personne commence à dire sa félicité, poussée par le grégaire besoin de ne pas garder pour elle toute seule un tel enchantement.

Laure, en quelques instants de minouche suractivée, voit sa peur vaincue. Encore trente secondes de déferlement sur gazon, et elle n’a plus froid. Elle me cramponne par les deux oreilles, comme on tient les anses d’un bol. Mais là, c’est le bol qui la boit ! Drôle !

Etant en toutes circonstances un homme d’action déterminé, qui ne laisse rien au hasard, ou en tout cas pas grand-chose, j’ai mijoté un canevas qui, cependant, reste adaptable aux réactions et circonstances. Mais il est bon d’avoir un fil conducteur. L’improvisation est un must et doit rester un must. Mon plan de vol, dans les grandes lignes (si je puisse dire) est le suivant : minouchette poussée au-delà de la force quatre ; accompagnement alors du sifflet dans la tirelire avec réglage alterné des boutons mammaires. Ensuite, retournement de Mlle Chochotte pour lui faire adopter une posture de prière. Puis, lâcher de levrettes sur la piste du cynodrome des voluptés. Course lente à son début, mais l’allure est vite forcée, et quand la chérie est au point de non-retour, sprint éperdu et que le meilleur gagne !

Valable, non ?

Donc, je l’entreprends selon les indications données par mon subconscient, cet allié fidèle. La Laure, que je te le confie : un goût délectable. Un système pileux d’une finesse somptueuse. Si mon ami Goinjal le voyait, il lui demanderait assurément la permission d’en prélever une touffette pour sa collection. L’une des plus importantes d’Europe ! Seize mille spécimens ! Quand je lui ai demandé les raisons motivant cette surprenante passion, il m’a répondu : « A tant faire que de collectionner des trucs qui se lèchent, j’aime autant collectionner des poils de cul que des timbres. » Un cas ! Chaque mèche, ou touffe prélevée, il la place dans un sachet transparent et la punaise sur un immense panneau de liège avec, dessous, une étiquette mentionnant la date du prélèvement et les caractéristiques de la personne époilée.

Je voulais toujours te parler de Goinjal parce que c’est un personnage ; et puis tu sais ce que c’est, à passer d’une connerie à l’autre, on oublie l’essentiel. Mon pote, tu penses bien qu’il a pas limé seize mille donzelles pour pouvoir leur prélever des poils pubiens. D’autant que c’est pas un superman de pucier. Je le soupçonne même d’être fidèle à son épouse qui est prof d’allemand dans un lycée et qui doit convenablement lui triturer la bougie, si j’en crois son air salingue.

Non, le faucheur de poils se présente de but en blanc aux dames. Il a une tronche de scientifique, Goinjal : la raie de côté, des lunettes, un strabisme éperdu à la Jean-Paul Sartre. Quand il jette son dévolu sur une moukère, il l’aborde civilement, lui déballe un laïus sur les études qu’il conduit à la faculté de pilologie de Lyon. D’après ses recherches, toutes les maladies passées, présentes et futures d’un individu sont décelables dans ses poils de cul.

Il a un joli écrin avec des ciseaux de brodeuse, dorés. Des formulaires qu’il a fait imprimer afin que ça fasse sérieux, à en-tête de sa fac bidon. Il demande à la personne de bien vouloir aller aux tartisses se couper un brin de muguet, de le glisser dans le sachet et de remplir le petit formulaire. D’après ce zozo, une femme sur trois accepte de se livrer à l’expérience. Il assure posséder des poils princiers, d’autres de vedettes du music-hall et de la scène. Il a jamais raté une Miss Quelque chose !

Tu verrais son herbier, à Goinjal ! Des poils roux, des blonds, des bruns, des blancs. Des crépus, des frisottés, des lisses. Des qui sont rêches comme le foin et d’autres soyeux comme des cheveux de bébé. Certains sentent la chèvre, d’autres la rose. Il assure que cette collection est pour lui capitale, qu’elle donne un sens à sa vie.

Un jour qu’il m’avait rendu visite, il prétendait demander à maman d’enrichir son trésor. Je lui ai déclaré que s’il faisait une chose pareille, je lui défoncerais tellement la gueule qu’il devrait la mettre dans un sac en plastique pour rentrer chez lui. Il s’est rabattu sur Maria, notre soubrette. Il était vachement sidéré parce qu’elle lui a rapporté de quoi garnir un oreiller, dans son désir de bien faire. La toison à Maria, c’est la sylve amazonienne, je te jure ! Pour brouter cette Ibérique, faut la faucher auparavant, lui passer le fritoche au désherbant ! Tu ne peux l’entreprendre sérieusement que sur brûlis, sinon t’es condamné à l’étouffement et t’éternues si fort que tu ne peux pas te mettre à table dans de bonnes conditions. Et puis quoi, la minette c’est pas son style, Maria. Trop mondain pour elle. Tu connais mes idées humanistes, pourtant je dois reconnaître que chez les ancillaires, c’est la bonne troussée plantureuse qui compte. Les préliminaires, tu sais quoi ? Ça les chatouille et elles rigolent. Tu ne peux pas faire reluire une frangine qui se marre.

Bon, je tartine, comme toujours. Dérape. Ma nature. Y a des fois, ma verve est une eau qui va aux caprices des pentes. Faut que je me resaisisse, renoue le fil, ou plutôt le retende.

J’en étais donc à Laure Ambard à loilpé sur son palier, les cuisses formant le « V » de la victoire, et moi encastré, la menteuse survoltée. Tu nous imagines ? Un poème. Epique !

J’essayais de tendre l’oreille pour guetter les bruits éventuels. Mais avec deux jambons en guise d’écouteurs, t’es pas armé. Cette pécore, il m’a pas fallu long pour piger que j’avais fait le bon choix ! Une virtuose ! Pour elle, l’amour c’était une vraie régalade. Fallait pas lui en promettre ! Ou alors tenir ses promesses. Elle évertuait du prose devant ma gloutonnerie. Elle roucoulait des choses capiteuses, des petites folies excitantes. Je te répète pas ; à quoi bon te faire goder si t’es en train de me lire dans le train ou dans un avion ? C’est ni le contrôleur ni l’hôtesse qui viendront te tailler une calmante !