La môme amorce sa pâmade à renfort d’onomatopées de plus en plus stridentes. Elle donne de la voix et de la voyelle ! Tout soudain, elle m’exige la troussée triomphale ! Elle manquait d’autonomie dans le plaisir. Passant illico aux viandes en faisant l’impasse sur les poissons. Je veux la retourner selon mes ourdissements ! Que tchi, je n’étais plus capable de faire un mouvement de cette ampleur, alors bon, je dégaine Nestor, et hardi petit, tant pis pour mes pauvres genoux ! Du coup, la Laure s’emballe comme une machine haut le pied. Pousse une vraie bramade. Ses talons me frappaient le dargif, tellement qu’elle voulait rien laisser perdre. Elle assurait la retransmission impec de ses sensations. Ce qu’elle éprouvait, fur et à mesure. Ce qu’elle trouvait de bon dans ma démarche, les modifications qu’elle souhaitait me voir apporter, tout ça…
Et tout d’un coup, en plein galop, « ploum ! », un bruit brutal : sa lourde qui vient de se refermer sèchement. Je l’avais laissée ouverte, par prudence. Et tu sais pourquoi elle vient de claquer ? Because un courant d’air tempestif. Et tu connais la raison du courant d’air ? Le voisin de palier qui a déponné sa porte, le con ! Rameuté par les cris de Zizette, il vient aux nouvelles. C’est un ancien inspecteur des finances, veuf, une fille qui est magistrate, un rein qui filtre plus et le contraint à des dialyses. La chiasse, quoi ! D’en plus, il est affublé d’un vieux chien mâtiné bouvier-des-Flandres-fox-terrier, presque aveugle et incontinent qu’il garde en souvenir de son épouse. Une vie !
Il nous regarde limer comme s’il ne savait plus en quoi ça consiste. Le mode d’emploi lui échappe. Tu parles que Coquette n’est plus pour lui qu’un pendentif depuis lulure. Son cador vient me renifler le dargeot, comme si j’étais un clebs de rencontre. Et le voilà-t-il pas qui lancequine sur Laure, le monstre ! La pauvrette méprend. Elle est partie ! Ne s’aperçoit de rien.
— Non ! non ! ne jouis pas tout de suite, qu’elle me supplie !
Je voudrais arrêter les grandes manœuvres d’hiver, mais impossible : Miss Edition a planté ses griffes dans mes parties charnues. Elle frénétise du frigoulet en hurlant :
— A moi ! A moi ! Oui ! oui ! Tout !
L’égoïsme de cette vibrante injonction. Ce « A moi » et ce « Tout » ! Un hymne ! Elle y reste ! Elle clame :
— Tout ! Tout ! TOUT !
Et par malchance, le chien du retraité s’appelle Toutou ! Lui, gâtouillard en plein, il se croit appelé. Vient renifler la petite salopiote dans les alcôves de son corps. Sa truffe tiède (il est mal portant) crée un surcroît d’émois à Laurette. Elle en hurle de bonheur !
Alors à partir de là, c’est la grande migration des locataires : il en monte d’en bas, il en descend d’en haut ! Les gens se coagulent, se compriment, s’entassent, se bousculent. Ils veulent tous voir ; chacun exige son fauteuil d’orchestre au premier rang. Une vieille dame s’inquiète, demande s’il s’agit d’un viol. Une luronne en peignoir réplique « qu’un-viol-non-mais-vous-plaisantez-vous-ne-voyez-pas-le-pied-qu’elle-prend ? ». Un peintre abstrait du sixième s’étonne qu’elle baise dans l’escalier alors que dans son apparte ce serait infiniment plus confortable. La libraire d’en bas rétorque qu’elle a dû oublier ses clés et que ça urgeait. Une comédienne en chômage dit que « mais-alors-où-sont-ses-vêtements ? ». La question reste sans réponse. Le peintre déclare que la môme est rudement bien balancée. Tous les hommes opinent. Une dame guindée objecte qu’elle a les chevilles un peu épaisses. La femme du libraire murmure que j’ai un membre considérable et que mon coup de reins, ô pardon ! Son vieux qui doit bistougner noix de cajou, fulmine que peut-être, mais que baiser dans un escalier d’immeuble constitue un attentat à la pudeur caractérisé et qu’on devrait alerter la police. La concierge podagre arrive la dernière sur les lieux. Elle égosille du spectacle, dit que, venant de Mlle Laure Ambard, si sérieuse, c’est à ne pas croire ! Elle me supplie de ne pas enfoutrailler le tapis, si dur à « ravoir » ensuite. Déjà Mme Mortimer, l’Américaine de l’ambassade U.S. a renversé du sirop d’érable au cinquième et qu’elle a eu beau passer de l’Eau Ecarlate, montez voir l’auréole, par curiosité !
Sur la réplique, Laurette part dans les azurs à bord de sa nacelle enchantée.
Elle hurle dans les échos de l’escadrin que « Rrrrrâ, elle m’aime ! » Que « Rrrrâ, t’arrête pas ! » Que « Rrrrrâ, oui ! » Que « Rrrrrâ, ça y est » ; puis que « Rrrrâ, rrrrrâ ! »
Point final.
J’inverse les réacteurs. Me disjoins de ma compagne dans les meilleures conditions de pudeur possible. Laure, qui avait perdu la notion des tristes réalités, se soulève, avise l’assemblée des colocataires guillerets, émoustillés, réprobateurs ou courroucés selon le tempérament de chacun, pousse un cri et, de ses mains qui constituent, les bas mis à part, ses seuls vêtements, se voile simultanément la figure et le frifri en gémissant de honte.
Alors moi, tu veux que je te raconte ? Très à mon aise, je tire sur ma fermeture Eclair, me campe en conquistador sur la dernière marche de l’étage et, faisant front à l’assemblée plus ou moins houleuse, déclare :
— Mesdames et messieurs ; le coït que nous avons eu l’honneur d’interpréter devant vous, pour la première fois, a été donné en faveur des sinistrés du Bramafoutre. Je vais me permettre de passer parmi vous pour procéder à une quête. Je vous demande d’être généreux et de faire preuve d’une belle solidarité humaine.
Illico, c’est la débanderie ! Ceux du bas dévalent, ceux du haut escaladent. Ne reste plus que l’ancien contrôleur des Finances et son cador cacochyme.
Il mate à s’en faire craquer les lotos le superbe cul de Laure.
— Vous n’avez pas froid, ma chère voisine ? s’inquiète-t-il.
Elle secoue la tête derrière son bras qui la masque.
Le digne homme reprend :
— Je vois que vous portez des bas et j’en suis ému. Feue ma chère épouse en mettait aussi car je me suis toujours opposé à ce qu’elle s’affuble de ces atroces collants qui dénaturent la féminité. Toutou ! Ne lèche pas la chatte de Mlle Ambard, ça a déjà été fait. Voulez-vous entrer chez moi pendant que nous manderons un serrurier, petite ? Votre porte s’est refermée lorsque j’ai ouvert la mienne.
— Merci de votre offre, interviens-je, mais j’ai un passe.
Et de faire entrer mon sésame en action après ma bitoune.
Le retraité ne se décide pas à regagner ses pénates. Il est obnubilé par le porte-jarretelles de ma dernière conquête.
— Que de grâce ! admire-t-il. Quel enchantement. Vous savez, ma douce, si d’aventure vous vous ennuyez un soir, n’hésitez pas à sonner chez moi. Deux solitudes réunies peuvent se transformer en fête.
Il sort son portefeuille, y puise un bifton de cinquante pions qu’il me tend.
— Pour vos chers sinistrés du Bramafoutre, dit-il. Quand pensez-vous vous produire de nouveau ?
LE GORILLE
Elle n’en est pas revenue, Laurette, d’une telle aventure. Une fois ses fringues réintégrées, elle s’est mise à chialer Niagara.
— Il va falloir que je déménage ! sanglotait-elle ; je ne peux plus rester dans cet immeuble désormais. J’ai trop honte.