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Ils s’assirent là sur des bancs pendant que Gandalf entamait son récit ; et Bilbo balançait ses jambes pendantes en regardant les fleurs du jardin, se demandant quels pouvaient être leurs noms, puisque la moitié d’entre elles lui étaient inconnues.

« Je traversais les montagnes avec un ou deux amis… », commença le magicien.

« Ou deux ? Je n’en vois qu’un, et pas très gros non plus », dit Beorn.

« Eh bien, pour tout vous dire, j’ai cru qu’il valait mieux ne pas arriver à plusieurs avant de savoir si nous vous dérangions. Je vais appeler, si vous permettez. »

« Allez-y, appelez ! »

Gandalf émit alors un long sifflement aigu, et Thorin et Dori contournèrent la maison par le jardin et se tinrent devant eux en s’inclinant profondément.

« Un ou trois, vous vouliez dire, à ce que je vois ! grogna Beorn. Mais ce ne sont pas des hobbits, ce sont des nains ! »

« Thorin Lécudechesne, à votre service ! Dori, à votre service ! » dirent les deux nains en saluant de nouveau.

« Je n’aurai pas besoin de vous, merci bien, dit Beorn, mais je crois que vous aurez besoin de moi. Je ne raffole pas des nains ; mais s’il est vrai que vous êtes Thorin (fils de Thrain, fils de Thror, je pense), et que votre compagnon est une personne respectable, et que vous êtes les ennemis des gobelins et que vous n’êtes pas venus chez moi pour faire un mauvais coup… mais qu’est-ce que vous êtes venus faire, au juste ? »

« Ils se rendent en visite dans le pays de leurs ancêtres, à l’est de Grand’Peur, intervint Gandalf, et si nous sommes arrivés dans vos terres, c’est tout à fait par accident. Nous traversions par le Haut Col qui aurait dû nous amener à la route qui passe au sud de votre pays, quand nous avons été attaqués par des gobelins malveillants… comme j’étais sur le point de vous le raconter. »

« Mais allez-y, racontez ! » dit Beorn, qui n’était jamais très poli.

« Il y a eu un terrible orage ; les géants de pierre étaient sortis et se lançaient des rochers, et au sommet du col, nous nous sommes réfugiés dans une grotte, avec le hobbit et plusieurs de mes compagnons… »

« Pour vous, deux, c’est plusieurs ? »

« Euh, non. En fait, nous étions plus que deux. »

« Que sont-ils devenus ? Tués, dévorés, rentrés chez eux ? »

« Euh, non. Ils ne sont pas tous venus quand j’ai sifflé, on dirait. Trop timides, probablement. C’est que, voyez-vous, nous craignons d’être un peu trop nombreux pour que vous nous receviez. »

« Allez-y, sifflez encore ! J’aurai droit à une petite réunion, semble-t-il ; une ou deux personnes de plus n’y changeront pas grand-chose », grogna Beorn.

Gandalf siffla de nouveau ; mais Nori et Ori se présentèrent avant même qu’il n’ait terminé, car après tout, Gandalf leur avait bien dit de venir par paires toutes les cinq minutes.

« Salut ! dit Beorn. Vous arrivez bien vite – où vous cachiez-vous ? Allez, mes petits diables en boîte ! »

« Nori, à votre service ! Ori… », commencèrent-ils ; mais Beorn les interrompit.

« Merci ! Quand j’aurai besoin de votre aide, je vous ferai signe. Asseyez-vous et finissons-en avec cette histoire, ou nous ne terminerons pas avant l’heure du souper. »

« Aussitôt que nous nous sommes endormis, poursuivit Gandalf, une fissure s’est ouverte au fond de la grotte et des gobelins en sont sortis. Ils ont saisi le hobbit, les nains et notre troupe de poneys… »

« Votre troupe de poneys ? Vous faisiez partie d’un cirque ambulant, ma parole ? Ou vous transportiez beaucoup de marchandises ? Ou alors, six, c’est pour vous une troupe ? »

« Oh non ! En fait, il y avait plus de six poneys, car nous étions plus de six voyageurs – tiens, justement, en voilà deux autres ! » C’est alors que Balin et Dwalin apparurent, et ils s’inclinèrent tellement bas qu’ils balayèrent le sol de pierre avec leurs barbes. Le colosse fronça d’abord les sourcils, mais comme ils s’efforçaient d’être effroyablement polis et ne cessaient de hocher la tête et de se pencher, de saluer et d’agiter leurs capuchons devant leurs genoux (comme le veut la politesse des nains), il dérida le front et se mit à rire aux éclats : ils étaient si comiques !

« En voilà une troupe, dit-il. Très divertissante. Entrez, mes joyeux lurons ! Et vos noms, quels sont-ils ? Je ne veux pas de vos services, pas pour l’instant, seulement vos noms ; puis asseyez-vous et cessez de vous dandiner ! »

« Balin et Dwalin », répondirent-ils, n’osant pas s’offusquer, et ils s’assirent, ou plutôt s’affalèrent sur le plancher d’un air passablement surpris.

« Allez-y, continuez ! » dit Beorn au magicien.

« Où en étais-je ? Ah oui – ils ne m’ont pas saisi. J’ai tué un ou deux gobelins avec un éclair… »

« Bien ! grogna Beorn. Les magiciens ont du bon, dans ce cas. »

« … et je me suis glissé dans la fissure avant qu’elle ne se referme. Je les ai suivis jusqu’à la grande salle, qui fourmillait de gobelins. Le Grand Gobelin était là avec trente ou quarante gardes armés. Je me suis dit : “Quand bien même ils ne seraient pas enchaînés ensemble, que peuvent une douzaine de braves contre autant d’adversaires ?”

« Une douzaine ! C’est la première fois que je vois le nombre huit arrondi à douze ! Mais vous n’auriez pas encore quelques diables qui ne sont pas sortis de leurs boîtes ? »

« Euh, oui, on dirait bien qu’il y en a deux autres ici… Fili et Kili, si je ne m’abuse », dit Gandalf au moment où ceux-ci apparaissaient et s’inclinaient en souriant.

« Ça suffit ! s’écria Beorn. Asseyez-vous et restez tranquilles ! Allez-y, Gandalf, poursuivez ! »

Gandalf reprit donc son histoire, et raconta leur combat dans les ténèbres, la course vers la porte inférieure et la détresse qui les saisit quand ils découvrirent qu’ils avaient égaré M. Bessac. « Nous avons compté les têtes et nous nous sommes rendu compte que le hobbit manquait. Nous n’étions plus que quatorze ! »

« Quatorze ! C’est bien la première fois que j’entends dire que dix moins un font quatorze. Vous voulez dire neuf, à moins que vous ne m’ayez pas encore nommé tous vos compagnons. »

« Oui, c’est vrai, vous n’avez pas encore rencontré Oin et Gloin. Et ma foi, les voici ! J’espère que vous leur pardonnerez cette intrusion. »

« Oh, faites-les venir eux aussi ! Et en vitesse ! Venez, vous deux, et asseyez-vous ! Mais écoutez, Gandalf… Même ainsi, il n’y a que vous-même, dix nains, et le hobbit que vous aviez perdu. Ça nous donne seulement onze (plus un d’égaré) et non quatorze, à moins que les magiciens comptent différemment des autres gens. Mais je vous en prie, continuez votre récit. » Beorn s’en cachait du mieux qu’il pouvait, mais l’histoire commençait vraiment à l’intéresser. Car voyez-vous, il avait bien connu jadis cette partie des montagnes que Gandalf lui décrivait. Il hocha la tête et grogna lorsque le magicien lui parla des retrouvailles avec le hobbit, de leur dégringolade parmi les pierres et du cercle des loups dans la clairière.

Quand Gandalf raconta qu’ils avaient dû grimper aux arbres pour échapper aux loups, il se leva et arpenta la pièce en murmurant : « J’aurais bien voulu y être ! Je leur aurais montré autre chose que des feux d’artifice ! »

« Eh bien », dit Gandalf, très content de voir que son récit faisait bonne impression, « j’ai fait de mon mieux. Nous avions ces loups enragés à nos pieds et la forêt commençait à s’embraser par endroits, quand les gobelins sont descendus des collines et ont découvert notre présence. Ils ont poussé des cris de joie et se sont mis à chanter des chansons pour nous narguer. Quinze oiseaux dans cinq sapins… »