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« Ce n’est qu’une chauve-souris, du moins je le suppose et je l’espère ! » dit-il, penaud. « Mais que vais-je faire, maintenant ? Où sont le sud, l’est, le nord, l’ouest ?

« Thorin ! Balin ! Oin ! Gloin ! Fili ! Kili ! » Il appelait de toutes ses forces – une frêle petite voix dans l’immensité des ténèbres. « La torche s’est éteinte ! Venez me trouver ! À l’aide, quelqu’un ! » Pour l’instant, son courage l’avait complètement abandonné.

Les nains entendirent faiblement ses petits cris, mais ne comprirent qu’une seule chose : « À l’aide ! »

« Bon, qu’est-ce qui a bien pu lui arriver ? dit Thorin. Ce n’est sûrement pas le dragon, car il aurait arrêté de piailler. »

Ils patientèrent quelques instants mais n’entendirent aucun bruit de dragon – aucun son, en fait, hormis la voix lointaine du hobbit. « Que l’un d’entre vous m’allume une ou deux torches de plus ! ordonna Thorin. Notre cambrioleur a besoin d’aide, semble-t-il, et il va falloir lui porter secours. »

« Il est temps de faire notre part, dit Balin, et je suis plus que volontaire. Je pense de toute manière que nous sommes en sécurité pour le moment. »

Gloin alluma plusieurs autres torches, puis ils sortirent du tunnel un à un et se glissèrent le long du mur avec toute la rapidité possible. Ils ne tardèrent pas à rencontrer Bilbo qui revenait vers eux. Il avait vite retrouvé son aplomb en apercevant la lueur de leurs torches.

« Il y a eu une chauve-souris, et j’ai laissé tomber ma torche, mais c’est tout ! » dit-il en réponse à leurs questions. S’ils furent soulagés de l’entendre, ils n’en furent pas moins bougons, car ils avaient l’impression de s’être inquiétés inutilement ; mais je ne sais pas comment ils auraient réagi si Bilbo leur avait tout de suite parlé de la Pierre Arcane. Car le peu qu’ils avaient aperçu du trésor jusqu’à maintenant avait suffi à raviver toute la flamme qui brûle dans le cœur des nains ; et quand le cœur d’un nain, aussi noble soit-il, ressent l’appel de l’or et des joyaux, il s’enhardit tout à coup et il peut être redoutable.

Les nains n’eurent d’ailleurs plus besoin d’encouragements. Tous étaient désormais avides d’explorer la salle pendant qu’ils en avaient l’occasion, et prêts à concéder que Smaug s’était bel et bien absenté, quoique momentanément. Chacun s’empara alors d’une torche ; et tandis que leurs regards se promenaient d’un côté puis de l’autre, ils oublièrent toute crainte et même toute prudence. Ils parlaient à voix haute et s’appelaient à grands cris, tandis qu’ils ramassaient de vieux trésors amoncelés ou accrochés aux murs. Alors ils les tenaient à la lumière et les examinaient, les caressaient.

Fili et Kili avaient presque le cœur à la fête, et voyant que de nombreuses harpes dorées ornaient encore les murs, ils les prirent et se mirent à en jouer, pinçant leurs cordes d’argent ; et comme elles étaient magiques (et que le dragon, qui s’intéressait peu à la musique, n’y avait pas touché), elles avaient tenu l’accord. La sombre salle longtemps silencieuse s’emplit alors de leur mélodie. Mais les autres furent, en général, plus pragmatiques : ils ramassèrent des pierres précieuses et s’en bourrèrent les poches, laissant filer le reste entre leurs doigts avec un soupir. Thorin ne faisait pas exception ; mais il semblait toujours à la recherche de quelque chose qu’il ne pouvait trouver. C’était la Pierre Arcane, mais il se garda pour l’instant d’en parler à quiconque.

Les nains se munirent alors d’armes et d’armures trouvées dans cet arsenal. Thorin avait véritablement une allure royale dans sa cotte de mailles plaquée or, avec sa hache au manche d’argent passée dans une ceinture incrustée de pierres écarlates.

« Monsieur Bessac ! appela-t-il. Voici un premier acompte sur votre récompense ! Jetez votre vieux manteau et mettez ceci ! »

Sur ce, il vêtit Bilbo d’une petite cotte de mailles, confectionnée pour quelque jeune prince elfe de jadis. Elle était faite d’acier-argent, que les elfes nomment mithril, et était assortie d’une ceinture de perles et de cristaux. Un léger casque de cuir gravé, doté d’une armature d’acier et bordé de pierres blanches, fut posé sur la tête du hobbit.

« Je me sens magnifique, pensa-t-il, mais je suppose que j’ai surtout l’air ridicule. Comme les voisins riraient s’ils me voyaient sur la Colline dans un tel accoutrement ! J’aimerais quand même avoir un miroir sous la main ! »

M. Bessac ne succomba tout de même pas à l’envoûtement du trésor autant que les nains. Longtemps avant qu’ils ne se lassent d’examiner les objets précieux, Bilbo commença à s’ennuyer et s’assit sur les dalles ; et il se mit à songer nerveusement à ce qui allait arriver s’ils continuaient à s’attarder. « Je donnerais bon nombre de ces précieuses coupes, pensa-t-il, en échange d’une boisson réconfortante dans un bol de bois chez Beorn ! »

« Thorin ! cria-t-il tout haut. Maintenant, que fait-on ? Nous sommes armés, mais a-t-on déjà vu une armure qui puisse résister à Smaug le Terrible ? Ce trésor n’est pas encore reconquis. Ce n’est pas l’or que nous sommes venus chercher, mais une porte de sortie ; et il ne faut pas s’en remettre trop longtemps à la chance ! »

« Ce que vous dites est juste ! » répondit Thorin, reprenant ses esprits. « Partons ! Je vais vous guider. Mille ans ne suffiraient pas à me faire oublier les dédales de ce palais. » Il appela alors les autres, et tous ensemble, tenant leurs torches au-dessus de leurs têtes, ils passèrent les portes béantes, non sans jeter derrière de nombreux regards de convoitise et de regret.

Leurs vieilles capes recouvraient maintenant leurs brillantes cottes de mailles, leurs heaumes étincelants masqués par leurs capuchons en lambeaux. Ils suivirent Thorin, marchant l’un derrière l’autre en une série de petites lumières qui s’arrêtaient souvent dans les ténèbres ; car ils craignaient de nouveau l’arrivée du dragon et prêtaient l’oreille à toute rumeur de sa venue.

Si tous les ornements d’autrefois étaient depuis longtemps tombés en poussière ou détruits, et si tout le palais était souillé et calciné par les allées et venues de son monstrueux locataire, Thorin n’en connaissait pas moins chaque tournant et chaque couloir. Ils grimpèrent de longs escaliers, tournèrent et traversèrent de longs corridors remplis d’échos, tournèrent encore et grimpèrent d’autres escaliers, et d’autres escaliers encore. Ceux-ci étaient merveilleusement lisses et larges, taillés dans la Montagne elle-même ; et les nains montèrent et montèrent sans jamais rencontrer âme qui vive, seulement des ombres furtives qui fuyaient parmi les courants d’air à l’approche leurs torches papillonnantes.

Mais ces marches n’étaient pas faites pour les jambes des hobbits, et au moment où Bilbo allait renoncer à faire un pas de plus, le plafond s’éleva soudain très haut, loin au-dessus du halo de leurs torches. Une lueur blanche filtrait à travers une ouverture quelque part là-haut, et l’air était d’une plus grande fraîcheur. Devant eux, des portes à demi incendiées se tenaient de travers sur leurs gonds, laissant pénétrer une faible lumière.

« Voici la grand’salle de Thror, dit Thorin, lieu de réjouissances et de conseils. La Grande Porte se trouve non loin en avant. »

Ils traversèrent la salle en ruine. Des tables pourrissaient là, des chaises et des bancs gisaient là, renversés et carbonisés. Des crânes et des ossements jonchaient le sol au milieu de cruches et de bols, de cornes à boire fracassées, sous une épaisse couche de poussière. Tandis qu’ils franchissaient de nouvelles portes à l’autre extrémité, un écoulement d’eau se fit entendre, et la lumière grise se fit soudainement plus claire.