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Philipp Vandenberg

Le huitième péché

Traduit de l'allemand par Brigitte Déchin et Bernadette Guesnard-Meisser

City

© City Editions 2009 pour la traduction française.

© 2008 by Verlagsgruppe Lübbe GmbH & Co, Bergisch Gladbach

Publié en Allemagne sous le titre original : "Die achte Sünde"

Couverture : DavidPaire.com

ISBN : 9782824600901

Code Hachette : 50 9404 0

Rayon : Thriller poche

Collection dirigée par Christian English & Frédéric Thibaud

Catalogue et manuscrits : www.city-editions.com

Conformément au Code de la propriété intellectuelle, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, et ce, par quelque moyen que ce soit, sans l'autorisation préalable de l'éditeur.

Dépôt légal : premier trimestre 2012

Imprimé en France

Prologue

Il eut beau sonner à plusieurs reprises, la porte de l'appartement resta close. Il tendit le bras et frappa cette fois avec son poing. Les deux hommes vêtus de noir qui l'accompagnaient paraissaient déconcertés.

- Mais enfin, ouvrez donc ! hurla-t-il, en colère. Nous ne voulons que votre bien. Au nom de Dieu, le Très-Haut, ouvrez !

- Je ne vous connais pas. Que voulez-vous ? Fichez le camp ! cria une femme apeurée, derrière la porte.

Il y avait de l'inquiétude dans cette voix, mais elle n'avait pas l'hystérie qu'il s'attendait à y trouver.

En d'autres circonstances, don Anselmo eût immédiatement fait demi-tour. Mais, fort de son expérience dans un domaine où il officiait depuis quarante ans, il ne savait que trop bien qu'il fallait parfois revenir à la charge pour parvenir à ses fins.

Or, dans ce cas précis, tout était différent, complètement différent. Don Anselmo s'était longtemps demandé s'il devait céder à la pression venue du sommet de la hiérarchie et s'il devait vraiment accomplir cet acte horrible.

Au cours de sa vie de prêtre, il était intervenu des centaines, voire des milliers de fois, pour délivrer ces malheureux êtres humains des maux insupportables qui les accablaient, chassant de leurs corps le diable et les démons malins aux noms insolites, les incubes, les Hénoch ou les Léviathan.

Et pourtant, chaque fois, il devait se faire violence pour surmonter ses propres réticences.

Ce n'était pas tant du fait de l'effort physique que la procédure requérait, qu'à cause de tous les aléas qu'impliquait la besogne. Ce qu'il avait vécu dans de telles circonstances resterait à jamais gravé dans sa mémoire.

D'autant que certains démons, tels que Baal, avec ses trois têtes, ou Forcas, le monsieur muscles, le fourbe et le perfide, ne reculaient pas devant lui, mais au contraire s'insinuaient en lui.

Une fois, Abu Gosch, le démon du sang, le tortionnaire, qui avait des années durant habité une vierge estropiée de Pérouse, s'était emparé de lui lors de la cérémonie d'exorcisme sans qu'il s'en aperçoive.

Lorsqu'il avait commencé à s'automutiler et que, s'armant d'une paire de ciseaux, il avait voulu se couper les organes génitaux - lesquels ne lui étaient, certes, d'aucune utilité -, un de ses coreligionnaires attentifs l'avait retenu.

On était allé quérir en toute hâte une relique de sainte Marguerite de Cortona. Son application sur le corps de don Anselmo avait fait reculer le démon. Dans sa jeunesse, Marguerite avait vécu dans la débauche et le péché, mais, plus tard, à force de mortifications et de flagellations, elle avait retrouvé le chemin de la foi. Elle s'était profondément entaillé les cuisses et le bas-ventre.

Don Anselmo tambourina de nouveau contre la porte, violemment, et appuya sur le bouton de la sonnette.

- Avez-vous oublié notre rendez-vous ?

- Un rendez-vous ? Je n'ai rendez-vous avec personne.

- Mais si, la semaine dernière. Vous ne vous souvenez pas ?

- La semaine dernière, je n'étais pas encore arrivée, dit la voix dans l'appartement.

- Je sais, mentit don Anselmo qui ne voulait pas fournir à la femme une occasion supplémentaire de s'alarmer.

- Symptomatique, murmura le plus vieux de ses deux compagnons, celui au crâne chauve et lustré, un homme de belle taille, aux environs de la cinquantaine, hâlé comme un guide de haute montagne. Nous autres neurologues parlons de schizophrénie neurasthénique. Le phénomène n'est pas rare, les patients atteints perdent la mémoire des événements proches.

- Vous délirez, explosa don Anselmo. Il s'agit ici d'Isacaron, le démon qui trouble l'entendement et concentre toute l'énergie de l'être sur les tentations et les plaisirs, ou sur le sexe, comme on dit de nos jours.

L'autre acolyte, un jeune homme enveloppé, aux joues rouges et aux cheveux courts, baissa les yeux, et fixa ses chaussures bien cirées.

Tout dans son comportement portait à croire qu'il s'agissait d'un jeune séminariste.

Le novice, visiblement terrorisé, avait les mains crispées sur la poignée d'un attaché-case en cuir noir, une sorte de valise qui contenait les outils nécessaires aux exorcismes : une étole violette, deux bouteilles remplies d'eau, un gros cierge blanc, une capsule de nickel contenant la mèche pulvérisée d'un cierge bénit, un crucifix en laiton de quinze centimètres de large sur vingt-cinq de haut, des sangles achetées dans un magasin d'accessoires d'automobiles et un livre format in-octavo, relié de maroquin rouge sur lequel figurait en lettres d'or le titre suivant :

RITUALE ROMANUM. EDITIO PRIMA POST TYPICAN (Rituel catholique romain. Édition originale).

Un étage plus bas, un témoin indésirable, une femme attirée par le bruit, levait vers eux des yeux intrigués à travers les barreaux de la rampe. Le séminariste, l'ayant immédiatement aperçue, s'empressa de faire un signe de tête au padre, tout en pointant son doigt sur la cage d'escalier.

Don Anselmo se pencha par-dessus la rampe et lança à mi-voix :

- Circulez, il n'y a rien à voir ici !

La femme disparut sur-le-champ. Ils entendirent, quelques étages plus bas, une porte se refermer.

Subitement, la porte de l'appartement s'ouvrit. Une femme, une madone dans le style du dix-neuvième siècle, vêtue d'un léger peignoir bleu ciel, le teint pâle, sans maquillage, les cheveux mi-longs relevés à la hâte, ce qui dénotait chez elle une certaine nonchalance, s'encadra dans le chambranle.

Qu'elle est belle, se dit don Anselmo, qui ne l'avait jamais rencontrée en personne, mais qui savait, pour avoir été prévenu, à quoi il devait s'attendre.

Ce fut donc lui qui retrouva le premier son sang-froid.

Tandis que les deux autres, pétrifiés sur place, buvaient des yeux cette créature comme s'il se fût agi d'ambroisie, le padre glissa le pied dans l'entrebâillement. Un souffle d'air chaud s'échappait de l'appartement, ce qui n'avait rien d'anormal en cette saison où les nuits n'apportent aucune fraîcheur, surtout dans les derniers étages.

En dépit de la chaleur, la jolie femme gênée et pudique face à ces trois hommes maintenait à deux mains le col de son peignoir fermé.

- Vous êtes de la police ? Vous avez un mandat de perquisition ? demanda-t-elle avec inquiétude en dévisageant les trois hommes.

Don Anselmo lui mit un papier sous le nez.

- Nous ne sommes pas de la police, signora. Vous savez pertinemment pourquoi nous sommes là !

Mais la signora était bien trop perturbée pour pouvoir lire le document, d'autant qu'il était écrit en latin. Elle ne vit que les armes papales sur l'en-tête et le nom de l'expéditeur, Città del Vaticano, ainsi que les mots en gras :