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- Nous ne nous trompons donc pas dans nos suppositions, dit Caterina avant d'observer un instant de réflexion. Je redoute que les investigations nécessaires ne dépassent largement nos modestes capacités.

- Vous avez peur, Caterina ?

- Évidemment que j'ai peur. Il n'y a que les imbéciles qui prétendent n'avoir jamais peur.

- Que dois-je faire ? Aller trouver la police et leur dire : « Me voici, j'étais certes dans l'appartement, mais je n'ai rien à voir avec le meurtre... » ?

- Cela ne nous avancerait guère. On vous arrêterait et vous n'auriez pas la moindre chance de prouver votre innocence. De plus, les prisons romaines n'ont pas vraiment bonne réputation. Voici ma proposition : dans un premier temps, vous allez vous cacher chez moi. Ce sera un peu étroit, mais je ne vois pas d'autre possibilité pour le moment.

- Vous feriez cela pour moi ?

- Vous avez mieux à proposer ? Vous voyez ! Il ne peut pas y avoir d'endroit plus sûr. Allez, venez !

Caterina Lima vivait dans le Trastevere, Via Pascar, non loin de la gare. Les immeubles se ressemblaient tous : dotés de cinq ou six étages, ils dataient du siècle dernier, et certains étaient plus anciens encore, avec leurs encadrements massifs aux fenêtres et leurs porches d'entrée majestueux qui contrastaient nettement avec les murs décrépits des cages d'escaliers.

Quant à la population du Trastevere, dans nulle autre grande ville la richesse et la pauvreté, l'élégance et la déchéance, la vieillesse et la jeunesse ne se côtoyaient de si près. Depuis une cinquantaine d'années, le Trastevere, à l'origine un quartier pauvre de Rome, s'était peu à peu transformé en une zone résidentielle recherchée. Dans le coude du Tibre, à proximité de la basilique Santa Cecilia, se trouvait même une enclave devenue quasiment inabordable.

Mais, entre les anciens immeubles transformés en appartements de luxe et les restaurants chics, il restait encore de la place pour les gens simples et fiers, qui continuaient de célébrer chaque été la Festa de Nuantri, la « Fête des autres ».

Caterina venait d'expliquer tout cela à Malberg dans le taxi qui les emmenait vers le Trastevere. Mais il ne l'avait écoutée que d'une oreille distraite. Conscient d'être plus que jamais dépendant de l'aide que lui apporterait Caterina, il échafaudait des plans pour la suite des événements. La tournure qu'avaient pris les événements l'avait transformé, lui le chasseur des assassins de Marlène, en gibier traqué par la police. Un temps, il avait envisagé de renoncer, d'accepter simplement le fait que Marlène n'était plus de ce monde ; mais à présent, il commençait à comprendre qu'il n'avait pas d'autre choix que de faire la lumière sur ce crime.

- Nous voici arrivés !

La voix de Caterina le fit tressaillir.

Après les descriptions de la jeune femme, Malberg s'attendait au pire. Il ne put cependant s'empêcher d'éprouver une certaine déception lorsqu'il découvrit le vieil immeuble à la façade lépreuse dans lequel vivait Caterina.

- C'est au deuxième étage, lui dit-elle pendant qu'il gravissait les marches dans la cage d'escalier décorée de carreaux de faïence bleue.

À la grande surprise de Malberg, elle sonna à la porte de l'appartement et, peu de temps après, un jeune homme mince, sportif, aux cheveux bruns, leur ouvrit.

Caterina l'embrassa sur la joue.

- Paolo, dit-elle en se tournant vers Malberg.

Puis, à l'adresse de Paolo :

- Voici le signor Malberg, de Monaco di Baviera. Il va habiter chez nous pour quelque temps.

Paolo tendit la main à Malberg, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde que Caterina débarque avec un homme qui allait vivre avec eux.

Que tu es bête de t'être imaginé qu'une femme si belle puisse vivre seule, pensa Malberg.

16

Soffici gravissait en toute hâte le vaste escalier en pierre qui menait au deuxième étage du Palais apostolique. Il avait une pile de journaux sous le bras gauche et, pour ne pas trébucher, il relevait de la main droite sa soutane. Contrairement à son habitude, il grimpait les marches deux par deux.

Une fois arrivé sur le palier, il ralentit l'allure pour traverser d'un pas délibérément nonchalant le couloir qui menait au secrétariat d'État. Sans bruit et sans attirer l'attention, il franchit la haute porte en chêne, flanquée d'une plaque discrète : Monsignor Giancarlo Soffici, Segretariato.

Soffici laissa tomber les journaux sur son bureau. Il enleva délicatement ses lunettes et essuya son visage avec un mouchoir, comme pour effacer de sa mémoire ce qu'il venait de lire.

Puis il ouvrit les journaux, l'un après l'autre, et découpa avec une paire de ciseaux les articles qui relataient le mystérieux accident du cardinal secrétaire d'État.

Il était courant que ces messieurs de la curie reçoivent sur leur bureau des journaux censurés à l'intérieur de ces murs. Habituellement, les censeurs se contentaient d'extraire les images au contenu obscène, avec une préférence pour les appendices sexuels féminins mineurs - auxquels venaient s'ajouter, bien entendu, les parties encore plus suggestives de leur anatomie -, ainsi que des photos de jeunes et beaux éphèbes. Dieu seul sait pourquoi !

Soffici n'avait pas encore mené sa tâche à bien lorsque le cardinal secrétaire d'État apparut à la porte de ses appartements.

- Je ne vous attendais pas de si bonne heure, Éminence, bégaya Soffici, embarrassé. Comment vous sentez-vous ?

Par-dessus son habit de cardinal - soutane boutonnée du haut en bas, cingulum et mozetta rouges - Gonzaga portait une minerve gris foncé dont émergeait son crâne dégarni comme un champignon dans une champignonnière. Enveloppé dans un nuage de Pour Monsieur, il ne manqua pas de remarquer les efforts déployés par Soffici pour faire disparaître les coupures de journaux sous un tas de dossiers.

- Ne vous donnez pas cette peine, monsignor, dit le cardinal sans répondre à la question que lui posait son secrétaire. Un membre bien intentionné de la curie a déposé le Corriere sur mon bureau. Je suppose que cette délicate intention n'est pas de votre fait.

- Éminence, par la Vierge Marie et tous les saints...

- Restons-en là. Je vous ai dit que jamais je ne vous soupçonnerais d'une telle bassesse.

Les mains croisées derrière le dos, Gonzaga contemplait le magnifique plafond à caissons qui ornait le bureau, comme toutes les autres pièces de l'étage. Puis il s'adressa de nouveau à Soffici :

- Nous nous sommes fourrés dans une histoire idiote. J'ai eu beau invoquer le Saint-Esprit, je n'ai trouvé aucune explication plausible à leur donner. À moins que vous n'ayez eu une idée de votre côté ?

- Vous voulez dire une réponse à donner à la question suivante : pourquoi un cardinal secrétaire d'État, circulant dans la voiture privée de son chauffeur, s'arrête en pleine nuit au beau milieu d'un rond-point ?

- Oui, à cette question aussi. Mais je suis surtout dans l'embarras pour expliquer les cent mille dollars dans le sac plastique. Pourquoi n'ai-je pas transporté cet argent dans une mallette ! Je me suis conduit comme un mafioso napolitain.

- Et qu'est devenu l'argent ?

- Ne vous inquiétez pas, monsignor. Un commissaire l'a restitué au centime près, moyennant un reçu. Ce n'est pas là que le bât blesse. Il s'agit maintenant de justifier les circonstances dans lesquelles cet accident a eu lieu. Je ne peux même pas en vouloir aux journaux de prendre cet événement comme prétexte pour donner libre cours aux spéculations les plus folles.

Soffici jetait un regard noir aux journaux étalés devant lui sur le bureau. Il se taisait.