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- Si. Il a été mon hôte trois mois durant. Il me doit toujours le loyer du dernier mois. Un jour, il m'a dit qu'il avait envie de prendre l'air. Mais il n'est jamais revenu. Le lendemain, son cadavre flottait dans le Tibre.

Malberg était mal à l'aise. En était-il rendu au point de devoir se cacher dans une planque de la mafia ? Il s'apprêtait à prendre congé et à remercier son hôtesse, lorsqu'il comprit qu'il en était effectivement rendu là. N'était-il pas soupçonné de meurtre ?

En admettant qu'il renonce à rechercher l'assassin de Marlène, il n'en était pas pour autant un homme libre. Il devait s'attendre à ce qu'on l'arrête à la première occasion. Ici, il pourrait se sentir à peu près en sécurité. La petite pièce n'avait sans doute pas été aérée depuis longtemps.

Malberg prit une grande inspiration avant de sortir son chéquier de la poche intérieure de son veston. Il remplit un chèque et le signa d'une main distraite, puis il tendit le papier à la signora.

La signora Papperitz jeta un coup d'œil rapide au chèque, puis elle y déposa un baiser, comme elle le faisait pour tous les chèques. Elle faisait d'ailleurs également des baisers aux billets de banque, ce qui, du point de vue de l'hygiène, paraissait encore plus sujet à caution que ses démonstrations d'amour pour un chèque. Tout en se faufilant par la porte de l'armoire, elle se retourna encore une fois vers Malberg :

- Le téléphone n'est bien sûr pas compris dans le prix !

Après avoir quitté à son tour la chambre dérobée et fermé la petite porte et la porte de l'armoire, Malberg contempla sa nouvelle demeure. Il lui était déjà arrivé d'être plus confortablement logé, mais, compte tenu des circonstances, il n'avait pas le choix.

Ici, il pourrait se sentir à peu près bien. Satisfait, il s'étendit sur le canapé qui devait lui servir de lit, croisa les mains derrière la tête et réfléchit.

La nuit passée avec Caterina avait relégué provisoirement Marlène à l'arrière-plan. Il repensait sans cesse à ce moment inattendu et était préoccupé par la suite qu'il donnerait à cette aventure. Car il tenait absolument à ce qu'il y ait une suite. Les sentiments qu'il portait à Caterina étaient bien trop forts pour qu'il se contente d'une aventure avec elle.

Il était déjà presque midi. Malberg se mit à compter les heures qui le séparaient du moment où Caterina rentrerait chez elle. Bizarre. Il avait fait l'amour avec une douzaine de femmes - grosso modo, car il n'avait jamais tenu de comptabilité exacte.

Or, il ne savait absolument pas comment se comporter avec Caterina.

Ce manque d'assurance pouvait s'expliquer de deux manières : soit par les circonstances inhabituelles qui avaient présidé à leur rencontre, soit par le fait qu'ils se connaissaient à peine.

Pendant que Malberg était ainsi allongé, absorbé dans ses pensées, il gardait les yeux rivés sur l'armoire. Un sourire s'esquissa sur son visage. Dans quel milieu avait-il fourré les pieds ! Une pension louche tenue par une logeuse non moins louche. Une armoire dotée d'une porte dérobée donnant sur une pièce attenante non moins dérobée. Malberg retint son souffle.

Il se trouvait subitement à la croisée de nouveaux chemins.

21

Anicet atterrit à l'aéroport romain de Fiumicino sous les traits d'un honnête homme d'affaires. Le taxi, conduit par un Tunisien, le déposa sur la pittoresque Piazza Trinità dei Monti, à l'hôtel Hassler, qui donnait sur les Escaliers d'Espagne. Une chambre avec une vue superbe sur la ville avait été réservée à son nom.

Après s'être rafraîchi et attardé quelques minutes à admirer la perspective sur les toits de la ville, Anicet décida de se rendre à pied au café Aragno, proche de la Piazza Colonna. C'est là, et non dans le café degli Inglesi ou dans le café del Buon Gusto, où tout le monde connaissait tout le monde, qu'il avait pris rendez-vous, dans la plus absolue discrétion.

Il était d'ailleurs déjà attendu lorsqu'il arriva au café Aragno. John Duca, directeur de l'IOR, vêtu comme à son habitude de flanelle grise, semblait en colère. Le bonjour qu'ils échangèrent manquait de cordialité. Rien d'étonnant à cela puisque que les deux hommes n'étaient pas véritablement des amis. Ils ne s'accordaient que sur un seul point : leur ennemi commun. Ce qui était, Dieu merci, suffisant.

- Que prendrez-vous ? demanda John Duca avec courtoisie.

- Un café, répondit Anicet sèchement.

Duca passa commande et engagea la conversation :

- Vous permettez que je vous appelle Anicet ?

Anicet acquiesça, l'air renfrogné.

- Je vous en prie. Puisque c'est le nom que je porte depuis que j'ai raccroché ma mitre au portemanteau. Allons droit au fait.

- Vous avez fait une allusion au téléphone.

- Parfaitement. Il s'agit du suaire de Turin.

- Allons donc !

Cette remarque eut le don d'énerver Anicet.

- Vous n'allez pas rire longtemps. Voici les faits : il y a quelques jours encore, ma confrérie était persuadée qu'elle détenait le suaire de Jésus de Nazareth.

- Ah oui ? répondit Duca avec affectation. Je me vois dans l'obligation de vous décevoir, Anicet. Autant que je sache, le suaire est conservé, depuis peu de temps, dans les archives secrètes du Vatican. À l'initiative du cardinal Moro, on lui a substitué une copie. Cela signifie qu'à l'heure qu'il est, la copie se trouve à Turin, et l'original au Vatican.

Anicet prit un air grave :

- Ça, c'est ce que vous croyez !

- Qu'entendez-vous par là ?

- Le coffre dans lequel se trouvait le linceul au Vatican est vide.

- Anicet, vous me pardonnerez de vous demander ce qui vous permet d'en être aussi sûr !

- Ce linceul est entre les mains de la confrérie des Fideles Fidei Flagrantes.

- C'est absolument impossible.

Anicet eut un rire arrogant

- Et pour couronner le tout, sachez que c'est le cardinal secrétaire d'État en personne qui est venu nous remettre cette relique, pour ainsi dire de son propre chef.

- Gonzaga ?

- C'est bien le nom de son Éminence, n'est-ce pas ?

- Une minute ! l'interrompit Duca. Nous combattons tous les deux le même adversaire. Je suis d'avis que nous devrions jouer cartes sur table sans essayer de nous tromper mutuellement. Donc, je récapitule : vous prétendez que Gonzaga vous a livré, ou plutôt a livré à votre confrérie le linceul. C'est complètement absurde !

- Je n'ose pas vous contredire ! Mais toute cette histoire est d'autant plus absurde que le suaire conservé dans les archives secrètes du Vatican, celui qui est actuellement en notre possession, n'est pas l'original, mais une copie diablement bien faite.

- Mais alors, cela voudrait dire que le linceul conservé à Turin est bien l'original !

- C'est une des possibilités.

- Et quelles sont les autres ?

Anicet pinça les lèvres.

- J'aimerais l'entendre de votre bouche !

- Vous suggérez qu'il y aurait une autre copie en circulation ?

- Mon cher John, cette hypothèse serait déraisonnable, car vous multiplieriez par cent le risque que la supercherie soit découverte. Non, je ne pense pas que Gonzaga soit assez bête pour monter un coup pareil. Il semble que nous soyons confrontés à une situation qui échappe à toute explication logique.

Désemparé, John Duca remuait sa cuillère dans sa tasse de café. Au bout d'un moment, il leva les yeux et regarda autour de lui pour s'assurer que personne ne les observait. Il avait l'habitude de ce genre de rencontres. Ce type particulier d'affaires ne se négociait jamais dans de bons restaurants, ni à l'intérieur du Vatican où les longs couloirs avaient des milliers d'yeux, où les vastes salles avaient des milliers d'oreilles. Quand on organisait des rencontres qui devaient rester secrètes, il fallait se mêler à la foule anonyme.